21 – 28 août 2015
Organisation :
Axelle Amon, Université de Rennes, Institut de Physique de Rennes
Mariana Haragus, Université de Besançon, Laboratoire de Mathématiques
Laurent Larger, Université de Besançon, FEMTO-ST / Optique, Besançon
Lionel Mathelin, LIMSI-CNRS, Orsay
Stéphane Métens, Université Paris 7, MSC, Paris
Luc Pastur, Université Paris Sud, LIMSI, Orsay
Coordinateur : Luc Pastur
Site Internet : http://www.enlpeyresq.u-psud.fr/Peyresq2015_en.htm
Financement :
Participants : Abramian Anaïs (IPGP, Paris), Acharya Shreyas (Université Paris Sud), Beckert Richard Janis (University of Potsdam), Budanur Nazmi Burak (Georgia Institute of Technology), Cellier Nicolas (Polytechnique Annecy), De Melo Virissimo Francisco (University of Bath), Farano Mirko (Politecnica di Bari + Arts), Feingesicht Maxime (Ecole centrale de Lille), Galassi Davide (Université Aix Marseille), Guseva Anna (FAU Erlangen Nürnberg), Klotz Lukasz (ESPCI, Paris), Kruk Nikita (University of Darmstadt), Lusseyran François (Université Paris Sud Orsay), Marques Bicky (Université d Franche-Comté), Nace Nicolas (Université Aix Marseille), Nijholt Eddie (Vrije Universiteit Amsterdam), Norcini Claudia (CEA cadarache), Paranjape Chaitanya (IST Austria), Penkovskyi Bogdan (Université de Franche Comté), Pivot Charles (Université de Poitiers), Ritter Paul (FAU Erlangen Nürnberg), Semeraro Onofrio (LadHyX/LIMSI), Tiani Reda (Université Libre de Bruxelles).
Au crépuscule de sa vie, en 1976, Werner Heisenberg, père de la mécanique quantique, déclarait:
« Lorsque que je rencontrerai Dieu, je lui poserai deux questions. Pourquoi la Relativité ? Et pourquoi la Turbulence. Je crois vraiment qu’il aura une réponse à la première. »
La transition à la turbulence dans les fluides reste l’un des grands problèmes non résolus de la physique moderne, en dépit de son importance dans de nombreux champs d’application, tels que l’aérodynamique des véhicules terrestres ou aériens, les processus géophysiques, pour ne prendre que quelques exemples. La question de la transition sous-critique à la turbulence dans les écoulements entre parois représente un défi particulier. En effet, lorsque l’état de base laminaire est linéairement asymptotiquement stable, la théorie ne permet pas d’expliquer les structures turbulentes communément observées dans les expériences ou les simulations numériques. Cela concerne la plupart des écoulements en géométrie simple, comme les conduites, les canaux ou encore les écoulements de couche limite. De nouvelles questions émergent concernant le contrôle de tels écoulements, et sur les moyens de retarder la transition dans des situations réalistes. Cela suppose que les mécanismes de transition soient bien compris. Par ailleurs, après avoir intensivement exploré l’applicabilité des techniques de contrôle linéaire héritées du l’automatique, l’activité de recherche dans le domaine du contrôle des écoulements, explore actuellement des pistes de recherche nouvelles, en particulier héritées de l’Intelligence Artificielle.
Le problème de la transition à la turbulence, et de son contrôle, se positionne ainsi à la croisée de plusieurs disciplines : hydrodynamique, théorie du chaos et physique statistique. Des stratégies numérique et/ou expérimentales d’avant-garde ont été développées ces dernières années. En particulier, ces problèmes pourraient bénéficier des recherches récentes menées sur les états Chimères, solutions particulières émergeant dans les réseaux d’oscillateurs couplés possédant des caractéristiques de couplage non local.
Deux « cours généraux » (introduction aux systèmes dynamiques & instabilités dans les fluides), et deux « cours spécialisés » (contrôle des écoulements & chaos spatio-temporel), développés sur trois créneaux de 1H30, sont complétés de quatre « mini-cours » de 1H30, développant chacun un point particulier du thème de l’école (voir détail en Section 3). Soulignons l’excellente qualité des cours dispensés lors de cette édition par l’ensemble des orateurs invités. L’école a regroupé 23 participants, venus de tous pays du monde. Chaque jour, deux créneaux d’une demi-heure, dédiés aux participants qui souhaitent exposer leurs travaux, ouvrent la session de l’après-midi. Les présentations, de très grande qualité, ont révélé l’engagement et la maturité de ces jeunes doctorants et post-doctorants dans leurs thèmes de recherche.
Une journée « d’oxygénation » est aménagée en milieu de semaine. Cette année, une météo exceptionnelle a permis de constituer trois groupes de randonnée, l’un parti autour du Courradour, le second vers le Petit Coyer, le troisième au Grand Coyer. Une randonnée de dix heures et demi baignée de soleil avec pour récompense, au sommet, un majestueux aigle royal venu saluer la sieste de ces randonneurs!
Jens Rademacher, mathématicien à l’Université de Bremen, en Allemagne, a dispensé un cours « général » (3 fois 1H30) d’introduction aux systèmes dynamiques. Ce cours magistral, très apprécié des participants, s’est appuyé sur des exemples issus de la mécanique ou de la dynamique des populations. Après avoir brossé un tableau large des systèmes dynamiques et introduit la notion de flot, les théorèmes fondamentaux ont été énoncés, puis le cours s’est concentré sur la notion de réduction à la variété centrale et à son utilité dans les applications courantes, en particulier de la mécanique des fluides.
François Charru, professeur à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, directeur de l’IMFT, a proposé un cours « général » (3 fois 1H30) sur les instabilités dans les écoulements fluides. Apres avoir décrit quelques instabilités rencontrées dans les fluides parfaits (Kelvin-Helmholtz, Rayleigh-Plateau, etc), le cours a permis de rappeler les grands théorèmes de stabilité dans les écoulements parallèles, et d’aborder le cas plus difficile des instabilités visqueuses et de la transition à la turbulence. Le cours a également permis de discuter les mécanismes de saturation non-linéaire des instabilités. L’exemple des ondes de Stockes a pu être traité dans son entier : corrections non-linéaires à la relation de dispersion des ondes de gravité, qui rendent le paquet d’onde non-dispersif, déformations non-linéaires du train d’onde, et instabilité modulationnelle de type Benjain-Feir du train d’onde, également interprétée comme un phénomène de résonance d’ondes. Un cours très apprécié par les participants.
Paul Manneville, professeur émérite au LadHyX, a dispensé un cours « spécialisé » (3 fois 1H30) sur le chaos spatio-temporel. Lorsque Paul Manneville a participé à l’Ecole de Peyresq du Nonlinéaire, en 1995, il y avait présenté ce qui devait faire l’objet d’un point particulier du cours de cette année. Avec le recul de toute une carrière, nous avons eu le privilège d’assister à un cours ambitieux, riche, clairement mené, qui se voulait autant que faire se peut exhaustif sur les mécanismes de transition au chaos spatio-temporel et sur sa nature, dans les systèmes spatialement étendus ou confinés, à dynamiques continue ou discrète. Un cours de très haut niveau, vivant malgré son degré d’abstraction, apprécié par les participants.
Bernd Noack, directeur de recherche CNRS à PPRIME (Poitiers), professeur à l’Université de Technologie de Braunschweig, a dispensé un cours « spécialisé » (3 fois 1H30) sur le contrôle des écoulements fluides. Ce cours a d’abord permis de dresser un bilan des techniques classiquement proposées dans la communauté du contrôle des écoulements, d’exposer les applications émergentes du « machine learning » appliqué au contrôle des écoulements, illustré par une série de réalisations expérimentales réussies spectaculaires, et enfin de présenter le point de vue « système dynamique » des écoulements fluides, dont l’évolution, considérée dans l’espace des configurations, permet de réaliser une réduction de complexité par des méthodes de « clusterisation » de l’espace des phases et de dynamique markovienne entre clusters.
Yuri Maistrenko, chercheur à l’Académie Nationale des Sciences en Ukraine, a dispensé un cours introductif sur les « états chimères », coexistence d’états ordonnés et désordonnés au sein de réseaux d’oscillateurs identiques simples spatialement couplés entre eux. Les états chimères sont apparus très récemment (2012) comme des solutions particulières émergeant dans les réseaux d’oscillateurs couplés possédant des caractéristiques de couplage non local. Ils se manifestent par l’apparition organisée et globalement stable de clusters coexistant dans le réseau, avec des comportements inter-cluster incongruents. La transition des chimères vers le chaos peut alors se produire via des états turbulents intermédiaires, ouvrant ainsi des perspectives intéressantes de compréhension étendue des mécanismes de transition à la turbulence.
Yohann Duguet, chercheur au LIMSI, a donné un cours d’1H30 sur la transition sous-critique à la turbulence. Son cours didactique, très apprécié des participants, a exposé l’évolution des idées depuis les fameuses expériences de Reynolds sur la turbulence en conduite cylindrique, et exploré les modèles successifs proposés pour expliquer les mécanismes responsables de la transition à la turbulence.
Bjorn Hof est professeur au prestigieux Institute of Science & Technology à Vienne, en Autriche. Son cours a permis de mettre en évidence les nombreuses analogies entre la transition à la turbulence dans des écoulements de Taylor-Couette ou de Couette plan, et les processus de percolation dirigée. Il a permis également de montrer la différence avec la transition à la turbulence dans les écoulements de conduite, dans lesquels un seuil de transition à la turbulence peut être défini en comparant les temps de vie des structures turbulentes et leur temps de scission. Le cours s’est achevé sur des démonstrations expérimentales de contrôle passif de la turbulence de conduite, par l’insertion de corps solides dans la conduite qui, modifiant le profil de vitesse, relaminarise l’écoulement en « rompant » l’un des mécanismes clefs dans l’entretient de la turbulence.
Patrice Le Gal, professeur à l’Université de Marseille, chercheur à l’IRPHE, a proposé un cours d’ouverture sur les écoulements tournants stratifiés et les instabilités susceptibles de s’y développer. L’exposé a été illustré par de spectaculaires expériences de laboratoire, avec de nombreuses références aux écoulements géophysiques et astrophysiques (planètes géantes gazeuses), avec un focus particulier sur la grande tâche rouge de Jupiter.