La rencontre « Peyresq Physics 8″ fut essentiellement consacrée à la confrontation du modèle théorique de la cosmologie relativiste, le Modèle Standard, avec les mesures les plus récentes des fluctuations du rayonnement cosmologique fossile. Ces mesures ont atteint une précision extraordinaire, inimaginable il y a encore trois à quatre années. Selon nos conceptions théoriques actuelles, l’Univers aurait subi dans les tous premiers instants de son existence, une brève période d’expansion accélérée de type exponentiel. La gravitation agissait alors effectivement comme une antigravitation répulsive. Cette période et ce phénomène portent le nom d’Inflation. Si l’Univers a réellement subi un tel phénomène, il a été montré théoriquement il y a plus de vingt ans qu’il devrait en subsister des traces observables expérimentalement dans le rayonnement fossile. Ces traces doivent se manifester sous la forme de très légères fluctuations de température de ce rayonnement, perceptibles seulement grâce à l’incroyable précision des toutes dernières observations de cette température. Les modèles théoriques d’inflation prédisent les propriétés de ces fluctuations. Lorsque ces prédictions théoriques furent calculées, il apparut que leurs amplitudes étaient tellement faibles qu’elles étaient totalement hors de portée de l’observation. Cet état des choses se modifia radicalement ces dernières années grâce aux énormes progrès technologiques et aux astuces (non moins incroyables) des expérimentateurs. Si certains résultats préliminaires encourageants furent déjà obtenus il y a une dizaine d’années avec les observations du satellite COBE, la véritable révolution quantitative se produisit ces deux dernières années avec les observations BOOMERANG (expérience réalisée au moyen d’un ballon dans l’Antartique), WMAP et quelques autres. Ces expériences sont considérées par la communauté scientifique comme étant de toute première importance et probablement parmi les plus révolutionnaires réalisées durant ces deux dernières décennies en physique fondamentale. Elles représentent en fait les premières d’une série d’expériences qui nous permettront de pénétrer très profondément dans l’histoire de l’univers et de nous exhiber des phénomènes essentiels attachés aux tous premiers moments de son existence.
Les experts mondiaux les plus réputés dans le domaine de l’observation du rayonnement fossile se sont réunis à Peyresq pendant une semaine (ce qui ne leur était pas arrivé depuis des années) pour confronter leurs résultats les plus récents (certains n’ayant pas encore eu le temps d’être publiés dans la littérature scientifique !!), discuter des perspectives futures et les expliquer aux autres participants à ce colloque. Parmi ces experts, citons P. de Bernardis (Université de Rome) qui est un des responsables principaux de l’expérience WMAP, L. Page (Princeton University) et D. Bond (CITA, Canada) qui sont respectivement les directeurs de deux autres expériences. L. Page, par exemple, donna un exposé magistral analysant les derniers résultats de WMAP et un exposé complémentaire concernant de futures expériences encore plus sensibles et ingénieuses qui permettront d’observer non seulement l’amplitude mais également la polarisation des fluctuations. Cette dernière donnée permettra de départager des propositions distinctes qui sont encore aujourd’hui compatibles avec l’observation. P. de Bernardis donna un exposé concernant l’expérience BOOMERANG et l’état d’avancement du décryptage fin des résultats de ces observations. D. Bond donna plusieurs exposés décrivant de manière exhaustive les relations entre les fluctuations de rayonnement fossile et la structure de l’univers à grande échelle. La théorie proprement dite de ces fluctuations, étude extrêmement ardue et raffinée, fut présentée par S. Mukhanov (Université de Münich).
Il apparut clairement de tous ces exposés et discussions qu’il y a un accord excellent entre les prévisions théoriques et les résultats expérimentaux. Mais seules des mesures encore plus précises et ingénieuses pourront lever le doute sur certains aspects et départager certaines possibilités théoriques. Notre vision fine de l’univers primordial en dépend crucialement.
Finalement, P. Steinhardt (Princeton University) passa en revue les divers candidats concevables aujourd’hui qui expliqueraient la mystérieuse énergie noire qui serait responsable de l’expansion accélérée actuelle (mini-inflation ?) de l’univers, et L. Kofman (CITA, Toronto) discuta dans son exposé des liens entre la théorie des cordes et la cosmologie. Le bouquet final nous fut offert par B. Carter (Observatoire de Meudon, Paris), devenu célèbre ces dernières années grâce au Principe Anthropique dont il est le père, qui nous présenta ses réflexions sur les applications de son Principe dans le contexte de la mécanique quantique.
Comment mieux caractériser l’atmosphère, l’ambiance et l’importance de cette rencontre que par le message que nous envoya L. Page dans les jours qui suivirent la recontre : « Peyresq Physics 8 was the most productive meeting I ever attended ».
Edgard Gunzig
Professeur à l’Université Libre de Bruxelles