Mersenne et Peiresc

 
Une amitié constructive
 
 
Le rôle de Mersenne dans la science du XVIIe siècle fut prépondérant. Ses contemporains en convinrent souvent. Ses lecteurs immédiats le soulignèrent. C'est ainsi qu'on peut relever chez l'historien de Descartes, André Baillet, (1649-1706), un vibrant éloge du Minime :
"Jamais mortel ne fut plus curieux que le P. Marin Mersenne pour pénétrer tous les secrets de la nature et pour porter toutes les sciences et tous les arts à leur perfection. Peu de gens furent plus industrieux à satisfaire ceste insatiable curiosité par des expériences de toutes manières, par ses propres méditations et par les relations continuelles qu'il avoit avec tous les scavants et curieux de l'Europe... (1).
C'est un témoignage sur sa culture, sa recherche de renseignements, ses méthodes de travail… D'autres que Baillet insisteront sur ses qualités de correspondant ou sur son érudition. En revanche, on s'est mal appesanti sur les influences directes qui se sont exercées sur lui et sur les suggestions ou les conseils qui ont pu changer son action…
Peiresc fut le seul qui l'aidera à maîtriser certaines de ses réactions.
Comment naquit une profonde amitié entre un religieux tenu par les règles d'un ordre spécialement sévère et un personnage qui sera magistrat, conseiller au parlement d'Aix en Provence et abbé commandataire (2) de l'abbaye de Notre-Dame de Guitres, près de Coutras en Gironde ? Les témoignages qui seront relevés plus bas en seront la preuve.
Peiresc, brillant voyageur en Europe, s'était fixé à Paris au printemps de 1616. Il y restera sept ans (3) environ et apprécia Mersenne. Sans doute le connut-il à l'Académie Dupuy, célèbre lieu de rencontre des intellectuels (4)
Le Minime avait déjà publié ses deux ouvrages de piété, puis son grand ouvrage les Quaestiones in Genesim, un court traité (Observartiones ad Francisci Georgii problemata), enfin L'impiété des Déïstes sur plus de 1000 pages.
Dans cet ouvrage, on peut retrouver la trace d'une intervention de Peiresc, la première sans doute. Il s'agissait des Frères de la Rose-Croix, ces charlatans ésotériques dont la doctrine était perniciosissima. Peiresc qui était au courant des travaux de Mersenne lui communiqua un document rédigé par eux et traitant de la doctrine des Sephirot, nécessaire pour entendre le Zobar. Le Minime profita du renseignement pour l'insérer dans l'Impiété des Déïstes (5).
Peiresc quitta Paris en octobre 1623, alors que Mersenne travaillait à la Synopsis mathematica qui ne paraîtra qu'en 1626. Entre l'un et l'autre s'était déjà établie une amitié qui se développera au cours des ans.
Le registre où Peiresc notait les adresses de ses correspondants et les dates de ses envois nous apprend qu'il écrivit le 13 mai 1625 à Mersenne (6). La lettre est perdue. Perdue aussi une lettre de Mersenne à Peiresc. Mais cette fois il en existe une certitude indirecte et des détails sur les travaux du Minime (7) dans une lettre (10 juillet 1625) adressée par Peiresc à son frère Palamède :
"Le P. Mersenne m'escript qu'il a esté faict un livre par un jeune homme (8) contre luy et contre Ragusaeus (9) sur le sujet de la Cabale et que luy en faict une replique. Je ne scay si sa replique est encore imprimée.
En fait Peiresc reçut bien mieux qu'une lettre. C'était un opuscule (de 6 pages) imprimé, sans lieu ni nom d'imprimeur (10), mais dédié ad clarissimum virum Dominum de Peiresc, Abbatem de Aquistria et Senatorem Aquensem, (1625), où Mersenne traitait les idées de Gaffarel comme malfaisantes, sans intelligence, téméraires et infâmes. Peiresc se montra conciliant. Sans doute prenait-il les méchancetés de Mersenne comme injustement outrées. Mais cette fois il ne fit pas de remarques au Minime. Du moins nous n'en avons aucune trace. Il voulut entrer en relation avec Gaffarel qui avait quitté Paris et à qui il adressa, le 31 mai 1627, une lettre datée d'Aix (11).
L'histoire ne sera pas terminée de sitôt : il y aura encore un document rédigé officiellement par Mersenne au nom de Peiresc le 13 novembre 1625 : il s'agit d'un opuscule de 8 pages, rédigé aussi en latin pour faire plus sérieux et qui reprend le combat contre la Cabale et contre Gaffarel sans compter Ragusaeus. Mersenne prend pourtant le temps d'assurer Peiresc de sa vieille amitié.
En retournant en Provence il avait emporté dans ses bagages un exemplaire des Paralipomena (partie des Quaestiones in Genesim) appartenant à Mersenne et qu'il gardera plusieurs années (12).
L'un et l'autre trouvant un plaisir certain dans la correspondance ne manquaient pas de s'écrire des lettres fréquentes. Malheureusement celles du début ont disparu.
Une invention passionna les savants de l'époque ; celle du vaisseau sous-marin. Des essais avaient été menés en Ecosse, à Londres et même en France. Mersenne en parle dans les Quaestiones in Genesim :
"Il y a une admirable habileté des navires qui nous emmènent au sein de la mer et il y a déjà des navires qui conduisent facilement au milieu des eaux" (T) (13).
Avec plaisir, Mersenne revint sur la question dans les Cogitata "Hydraulica" et dans la Correspondance (14).
De son côté, Peiresc avait rencontré en 1622 un parent de Drebbel à Paris (Jacques Kufler) qui lui avait montré des microscopes nouveaux et avait parlé des navires sous-marins (15). Mersenne naturellement était au courant et en avait parlé dans les Paralipomena (col. 1835). Quant à Peiresc, il fut également mis au courant de ces inventions de Drebbel par une relation qui lui fut envoyée de Paris en septembre 1624 (16).
Les mois passaient. Certes, des lettres ont pu être perdues. Mais il semble que Mersenne, absorbé par le début de sa fameuse Harmonie Universelle (1624) (éditée par tranches et terminée en 1637), ait marqué moins d'empressement à rédiger du courrier. Surtout qu'il voulait garder secret le nom d'auteur de l'Harmonie et qu'il la signait du pseudonyme Sermes. Une lettre de Jacques Dupuy à Peiresc (le 2 nov. 1627) le confirme :
"Ce traité de la musique est faict par le P. Mersenne, Minime, qui a desjà escript. Il a deguisé son nom pour certaines considérations, je vous prie de ne le nommer. Il y a longtemps qu'il estudie ceste matiere..." (17).
La réponse de Peiresc :
 
"...Je ne reveleray pas le nom de l'auteur que j'honnore fort..." (18).
L'annonce d'une éclipse de lune (20 janvier 1628) allait mobiliser tous ceux qui en France s'intéressaient à l'astronomie. En Provence c'étaient ceux qui constituaient l'Ecole Provençale. Peiresc les avait alertés : on pouvait compter sur Joseph Gaultier, prieur de la Valette et Gassendi. Mais Peiresc cherchait des collaborateurs à Paris : il en avait écrit aux frères Dupuy en leur demandant de prévenir tous les amis qui aimaient observer le ciel (19). Le résultat fut une merveille. L'éclipse commença à 7 h.35 (totale à 8 h.34) et prit fin à 11 h.71/2. Elle fut suivie évidemment par les spécialistes de l'Ecole Provençale et, à Paris, par Mydorge et Mersenne et aussi par le P. Petau, jésuite. Gassendi renseigna Galilée sur les observations d'Aix et de Paris. Il en écrivit aussi à Louvain, tandis que Peiresc prévint Louvain, puis Rome, Florence, Padoue. Un récit de l'expérience fut publié par Gassendi, puis par Boulliau (20).
Cette éclipse ne fut pas seulement de curiosité passagère. Elle permit de corriger la différence de longitude entre Paris et Aix (21).
Longtemps encore les différents observateurs communiqueront par lettres leurs observations et leurs commentaires.
Peiresc, envoyant ses mesures aux Frères Dupuy, écrivait :
"(Je) seray bien aise d'entendre les jugements qu'en feront ces messieurs-là et principalement Mr Midorge et le P. Mersenne auxquels je vous supplie de faire mes trez humbles recommandations quand vous les verrez et les assurer de mon trez humble service"  (22).
Pierre Dupuy le 6 mars, affirmait dans sa réponse qu'il se chargerait de la commission (23).
Un mois plus tard, le 21 avril 1628, on trouve enfin une lettre de Peiresc à Mersenne. C'est une recommandation pour introduire Gassendi parmi les amis du Minime :
 
"... Vous estes naturellement si bon et si enclin à bien faire que je ne doute pas que vous ne soyez en toute sorte de disposition de l'obliger si vous pouvez, en quoy je prendray part, estant son serviteur et le vostre comme je le suis..." (24).
Ces quelques mots nous éclairent déjà sur une certaine entente qui unissait les deux hommes ; la confiance réciproque pour soutenir une tierce personne ; le désir commun d'un travail intellectuel constructif ; la recherche d'un vaste consensus pour étudier les problèmes. Cette dernière remarque se comprend mieux quand on constate que Peiresc avait composé un certain nombre de lettres semblables aux Dupuy, aux membres de leur Académie, au savant prêtre italien Doni, alors en voyage d'étude à Paris.
De cette lettre on ne peut pas tirer de conclusions sur la prééminence de Mersenne ou de Peiresc. Leur amitié reste encore à ses débuts.
C'est ainsi qu'à l'occasion du Discorso del flusso e reflusso del mare de Galilée on avait pensé que Mersenne entreprendrait une traduction du texte italien (les marées ne seraient pas dues à l'attraction de corps célestes, mais au mouvement de la Terre) et se chargerait de dessiner les figures. En fait le Minime renonça à ce travail et ce fut Peiresc qui trouva un spécialiste de bonne volonté pour réduire toutes les figures en une seule. La nouvelle fut envoyée par Peiresc aux frères Dupuy, mais Mersenne, pas encore intime, ne fut pas averti (25). En fait le traité ne sera imprimé qu'en 1780. Mais auparavant Galilée l'avait remanié et en avait fait la matière principale de la Quatrième Journée de son Dialogo.
Le 17 novembre 1628, après un long retard, Peiresc reçut la Synopsis Mathematica de Mersenne. Le paquet ne lui a pas été envoyé par le Minime, mais par les frères Dupuy (26).
Le 2 décembre commença un échange de vue qui dura plus de trois mois. Cette fois c'est Mersenne qui s'agita. Dans les Quaestiones in Genesim il avait critiqué avec véhémence, une véhémence trop vive, le Sr Fludd un alchimiste convaincu et partisan de la Cabale. Vexé, ce dernier avait protesté et, pour se défendre, Mersenne cherchait des appuis. Il en avait parlé à Gassendi, alors à Paris, et l'avait prié de trouver des arguments de réponse à ces prétendus magiciens, alchimistes et frères de la Rose Croix et semblables sortes de gens.
Gassendi accepta. Mais il avait besoin de consulter ses propres notes, laissées entre les mains de Peiresc. Il en écrivit à Aix. Pas de réponse. En voyage en Hollande, il rédigea un premier texte en expliquant que ses notes étaient restées dans le Midi chez Nicolas Fabri... qui n'est pas inconnu de vous (y a-t-il quelqu'un parmi les lettrés qui ne le connaîtrait pas) ?
Si Gassendi avait accepté, c'est que lui-même s'était déjà lié d'amitié avec Mersenne : Il faut complaire à ses amis... (27). Il semble souhaiter que cette amitié puisse être partagée entre Peiresc et le Minime. Quant au texte de Gassendi contre Fludd l'éditeur Cramoisy n'en commencera l'édition qu'en mars 1630. C'est ce que le philosophe (28) écrira à Peiresc (29). Mersenne y fait allusion en avril auprès de ses correspondants.
Au mois de mai le prieur de la Valette écrivait à Peiresc : "J'ay parcouru dès hier ces livres, le plus grand lesquels me semble avoir esté mis au jour par le dit sieur Gassendi, plutost par gratitude pour gratifier le P. Mersenne, son bon ami que pour aucune nécessité de répondre aux fantasques (à mon advis) imaginations de ce Fludd..." (30).
Mais commencent à s'intensifier des bouleversements contre l'Ecole, c'est-à-dire contre une autorité, jusqu'ici sans appel, d'Aristote, même revue par Saint Thomas d'Aquin.
Gassendi avait exprimé sa sympathie pour Epicure et en avait parlé à Peiresc et à Mersenne. Le 28 avril, c'est l'annonce d'un travail important qui intéresse le groupe des savants que nous connaissons : Gassendi décrit à Peiresc le développement de ses études sur Epicure : la rédaction d'un traité est commencée, elle est enrichie de textes grecs et de raisonnements pertinents (31). "Le bon P. Mersenne et quelques autres témoignant de voir avec grande avidité ce que j'en fais cahier par cahier" (32). Joseph Gaultier, prieur de la Valette, a été alerté par Peiresc. Ce fut le début d l'atomisme chrétien, mais à cause des conseils de prudence de Mersenne, Gassendi renonça à le développer.
Ces réactions contre les erreurs et les fabulations ne doivent pas faire oublier les recherches constructives auxquelles s'adonnaient les savants du moment. En juin 1631, membres du clergé, protestants, laïcs se trouvèrent devant trois nouveaux commentaires sur toute l'Ecriture à savoir un imprimé à Cologne, l'autre à Anvers et un autre "qui s'imprime icy". Mersenne ne les a pas encore étudiés. Mais il mentionna les nouvelles publications sur le texte hébreu (écrit en caractères samaritains, du manuscrit de l'Oratoire) au pasteur A. Rivet. Un certain P. Morin, oratorien et orientaliste se promettait de préparer une comparaison entre le Pentateuque samaritain et hébreu. (Le Pentateuque désigne les premiers livres de la Bible : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome).
Ces projets ne paraissent pas très simples. Et ils se compliquent, car Le Jay, correspondant de Peiresc, l'avertit d'une nouvelle traduction du samaritain et sollicita la communication d'un tritaple, sorte de table de concordance entre trois textes de L'Ecriture (samaritain, hébreu et syriaque). Ce tritaple était la propriété de Peiresc : il l'avait reçu de Constantinople par un Minime, le P. Minuti, ami de Mersenne et l'avait transmis au P. Morin. En fait, Morin le reçut trop tard pour son ouvrage où il prouvait déjà que son texte samaritain était identique à celui du manuscrit de l'Oratoire. Plus tard Peiresc envoya aux frères Dupuy et à Mersenne d'autres exemplaires du Pentateuque... Toutes ces préoccupations entre clergé et laïcs sont la preuve d'un souci religieux auquel Mersenne et Peiresc collaboraient.
Un autre sujet d'importance qui obséda les érudits du XVIIe siècle, et qui relevait à la fois de la physique et de la religion, ce fut le cas de Galilée.
Avant même que ne fut terminé le manuscrit, on pouvait craindre une condamnation ecclésiastique. Cela n'arrêta pas Mersenne qui écrivit à Galilée pour le soutenir et lui proposer de publier l'ouvrage en France, car il espérait sans doute que l'ouvrage serait protégé par le gallicanisme (33).
"Si tu voulais bien nous le confier et par une voie sûre nous en envoyer un exemplaire, nous prendrons sur nous de promettre son édition" (34).
Il n'y eut pas de réponse de Galilée.
Tous, en France, attendaient la publication du savant toscan avec une impatience fébrile. On savait qu'elle marquerait un tournant décisif en physique et en philosophie religieuse. L'impression du Dialogo fut terminée le 21 février 1632. L'auteur fut condamné.
Galilée écrit en avril 1632 qu'il en a envoyé deux exemplaires en France le mois précédent par la voie de Lyon. Peiresc, qui sera toujours son défenseur, n'en avait reçu aucun exemplaire en juin de la même année, mais, en septembre, il en fait parvenir un à Gaultier et un autre à Pierre Dupuy. De son côté Gassendi avait écrit de Lyon qu'il a reçu deux exemplaires par l'intermédiaire de Diodati. Mais déjà il avait été discuté du mouvement de la terre, le 29 octobre 1631 au Bureau d'Adresse de Renaudot. On sait maintenant en France que Galilée a eu la permission de se retirer à Rome chez l'ambassadeur de Toscane : Gassendi en parlera le 30 avril 1633. Boulliaud, de son côté, apprend la nouvelle de l'interrogatoire de Galilée et écrit à Gassendi le 21 juin 1633 qu'il ne peut croire à la culpabilité du savant toscan devant la foi et que lui-même Boulliaud, espère prouver que la mobilité de la terre peut se déduire de la chute des corps, plus rapide au début qu'à la fin.
Mais arrive la condamnation de Galilée et l'abjuration du 22 juin (34). Le 16 juillet 1633, la nouvelle est donnée par le P. Scheiner, adversaire de Galilée à la fois au P. Kircher qui se trouvait alors à Avignon et à Gassendi ; les deux lettres passèrent d'abord chez Peiresc qui les retint chez lui plus d'un mois.
Mersenne dès 1633 avait réussi à se procurer deux exemplaires du livre (35). Peiresc l'accuse de les avoir indûment communiqués à d'autres. Un mois plus tard, il avouera qu'il s'était trompé et que Mersenne n'avait pas mal agi (36).
Peiresc est désespéré de la sentence contre le pauvre Galilée, Mersenne aussi, lui qui se voit obligé de donner la sentence contre Galilée dans un texte qu'il a d'ailleurs à moitié tronqué. Par ailleurs, il réserva la discussion des exposés de Galilée dans une partie de l'Harmonie Universelle pour lors en préparation. En outre dans la préface qui introduit le lecteur dans Les mechaniques de Galilée (1634) (37), Mersenne présente l'oeuvre du savant toscan, cet excellent homme qui a l'un des plus subtils esprits de ce siecle.
Et toujours à propos de Galilée, le Minime écrit à Peiresc :
"Je travaille à respondre pour luy à tous les envieux dont j'ay veu les livres, en détruisant leurs raisons et en affermissant les siennes lorsque je les trouve veritables apres les avoir examinees ad lapidem Lydium" (38).
Peiresc approuva l'attitude de Mersenne, en lui recommandant seulement toute la moderation et doulceur que vous pourrez... (39). Le Minime promet d'éviter les excès de langage et demande à son ami le 15 janvier 1635 de communiquer à Galilée le cheminement de ses propres expériences et leurs résultats définitifs (40). Quand on connaît Mersenne et sa façon d'éviter les intermédiaires inutiles, on peut se demander pourquoi il demande à Peiresc de s'entremettre entre lui-même et Galilée. Le Minime avait ses raisons : c'est vrai, il savait que Galilée ne tenait absolument pas à correspondre avec lui. Le savant toscan n'avait pas répondu aux trois lettres à lui adressées par Mersenne. Des amis communs avaient essayé de leur trouver à tous deux des liaisons de travail. En pure perte. On avait souligné (avec raison et Galilée l'avait confirmé) que l'écriture du Minime était bien malaisée à déchiffrer (Un grimoire que Plaute aurait attribué non pas à des poules mais à des cochons, dira Torricelli). En réalité ils étaient séparés par leur façon de travailler, par la diversité de leurs amis tout aussi bien que par le but qu'ils poursuivaient. L'un était un génie ; un professeur qui cherchait à enseigner. L'autre était un savant obstiné qui voulait faire connaître à tous (savants et chercheurs) des découvertes qu'il faisait ou dont il avait eu connaissance.
Peiresc, un esprit avisé et compétent et ami des deux savants était tout indiqué pour être un intermédiaire entre les deux. C'est ce qu'il fit. Comme le décrivait Mersenne dans son Harmonie Universelle : Monsieur de Peiresc, conseiller au Parlement d'Aix, qui est le plus rare homme de l'Europe pour obliger ceux qui cherissent les bonnes lettres... (41).
Mersenne sera conscient de la contribution que lui fournissait Peiresc.
Les quelques pages qui suivent montreront comment les deux amis ont collaboré pour aborder les questions qui se posaient à eux.
 
 
LA MUSIQUE
 
 
Depuis de longues années, Mersenne songeait à écrire une vaste étude sur la musique, les instruments, les lois de la composition, la variété des mélodies, la technique des interprètes... Immense entreprise où le Minime appliqua toute son activité.
Il lut beaucoup, recourut à des textes anciens et modernes. Mais il interrogea aussi beaucoup : il sollicita des savants ou des artistes, des religieux ou des laïcs, des catholiques, des orthodoxes grecs ou des athées. Surtout qu'à la musique s'ajoutaient des explications ou des suggestions, pour le Minime nécessaires, sur les mathématiques ou la physique. Toute collaboration possible lui semblait souhaitable. Il s'adressa à Gassendi qui, de son côté alerta Peiresc.
L'ouvrage fut découpé en plusieurs parties et se termina en 1637. Il fut publié sous le pseudonyme de Sieur de Sermes.
Dès 1632 déjà Peiresc propose un soutien qui sera inégalable et qui s'amplifiera d'année en année (42) :
"Quant à la musique du P. Mersenne, la relation que vous m'en faites m'en faict prendre meilleure opinion que je ne l'eusse possible peu concevoir".
Et avec le dévouement qui le caractérise, il part aussitôt en guerre : il fera crayonner des cymbales comme le demande Mersenne et prie même qu'on l'excuse s'il y a quelques approximations dans les dimensions (43).
Dès la fin de 1632 ou début de 1633 il écrit à Thomas d'Arcos :
 
"Pour un ouvrage excellent de la musique qui se va mettre soubz la presse, on desireroit d'avoir quelque cognoissance de la musique et façon de chanter dont se servent aujourd'huy les Grecs vulgaires, les Turcs, les Persans, les Aegyptiens, les Mores et autres peuples de ces pays là. Sy en tout ou en partie, vous pouvez obliger ce bon personnages, je vous asseure qu'il n'en sera pas ingrat et que c'est un homme qui le vaut bien. Les demandes qui sont formulées portent ensuite sur les notes de la gamme (44)
ou leurs clés ou les tessitures.
Peiresc voudrait connaître le but exact que recherche Mersenne et cela pour pouvoir le seconder par quelques références ou des traductions.
Le 1er mai 1633, Mersenne écrit une lettre : c'est la deuxième qu'il lui envoie en demandant explicitement la collaboration de son ami. Il y renouvelle les questions qu'il avait posées à Gassendi et qui s'appliquent à tout ce que l'on sait de la musique : Si par votre moyen, je puis recouvrer toutes les choses ou bonne partie d'icelles, il n'est pas besoin de vous assurer de l'obligation que j'auray de le faire scavoir à tout le monde, dans le meilleur des livres... (45).
Et le Minime formule une nouvelle demande : "il se trouve à Alep en Syrie un monastère de St Basile qui chante fort bien. Le Consul de France pourrait être un intermédiaire souhaitable : Si vous pouviez faire connoissance et contracter amitié avec luy, nous aurions un singulier plaisir de conférer ensemble de plusieurs belles difficultés" (46).
La réponse de Peiresc, il la formule dans une lettre expédiée à Pierre Dupuy en lui demandant de la transmettre à Mersenne. Il est tout à fait d'accord pour les démarches à entreprendre et même propose d'autres correspondants. Il envoie de nouveaux dessins. Pour d'autres instruments, il ne connaît qu'une certaine "sanbucca que l'on me dict avoir esté inventée à Rome depuis quelques années... J'attends une bonne relation d'un excellent musicien joueur de luth qui a esté esclave des Turcs il y a 10 ou 12 ans... Je luy enverray copie de ces dernieres instructions et en envoyeray aultant du costé du Levant et en Jerusalem où sont les chrestiens de differentes sectes et en Alep et ailleurs" (47).
La première réaction de l'Orient est connue par une lettre adressée par Peiresc à Gassendi il annonce avoir reçu une grande caisse de livres où se trouvent plusieurs rituels des Eglises grecques :
 
"Je pense le P. Mersenne trouvera les notes de musique qu'il leur demandoit, mais il faudra un interprete musicien du pais" (48).
Malheureusement l'envoi de ces livres à Mersenne par fagots (gros paquets) fut retardé d'une année. C'était la faute des Moreaux qui tenaient le bureau de poste entre Aix et Lyon d'où les fagots auraient dû être dirigés sur Paris. Les rituels, en fait, ne partirent que le 22 février 1634 par le premier muletier trouvé.
Une seconde expédition en provenance de Tunis consistait en un mémoire que Peiresc fait parvenir aussitôt à Mersenne. De son côté Peiresc lui-même a reçu par Mersenne des figures de luths, théorbes, flûtes et cornemuses. Il serait bon de les faire passer au Levant. Echange souhaitable (49).
Pour répondre à une demande de son ami, le Minime envoie des explications sur les cloches pour les faire connaître à un ouvrier qui réussit merveilleusement et qui se réjouirait de connaître certains perfectionnements.
Nouvelle intervention de Peiresc : il écrit à Henry de Gournay ambassadeur à Constantinople qu'il voudrait des informations précises sur les instruments de musique et façons de chanter des différentes nations (50). Malheureusement de Gournay dut quitter son ambassade sur la demande des Turcs.
La décision qu'avait prise Mersenne de vouloir chercher au-delà de la Méditerranée des textes musicaux originaux et utiles peut se comprendre. Mais finalement il trouve que les qualités musicales des orientaux sont trop difficiles à saisir, il pense à renoncer.
"Je n'espere plus rien de la musique des Grecs et des Orientaux apres avoir attendu 2 ou 3 ou 4 ans après sans aucun fruit comme vous le savez... Je crois que nous les surpassons tous en ceste matiere. C'est pourquoy je ne veux plus m'en mettre en peine" (51). La décision semble définitive.
En effet des documents reçus ne sont pas toujours dignes de foi. Les langues se comptent par dizaines et sont difficilement accessibles. Peiresc et Mersenne assez souvent entremêlent pays, rites et religions, époques, à cause des difficultés des correspondances...
Peiresc qui avait voyagé et recevait chez lui tant d'étrangers est moins déçu que le Minime. Il connaît les difficultés. Il se charge de les lui aplanir, espérant toujours que son ami pourra les maîtriser.
Lui-même craint sa propre faiblesse. Il regrette les limites de ses propres connaissances :
"Toutes mes estudes ont eu un object trop différant du vostre et mon genie est trop faible pour voler si hault" (52).
Il croit pourtant qu'il doit venir au secours du Minime. Il veut continuer la collaboration. Ses démarches récoltent de plus en plus de documents : des airs chantés par des turcs, des instruments provenant de Chine, des caisses de livres grecs. Il s'adresse à des religieux ou à des diplomates qui se trouvent en Orient (pour lui : l'Afrique du Nord ou l'Asie occidentale). On retrouve plus de 60 lettres consacrées à cette recherche qui, à son point de vue, en vaut la peine et permettrait de retrouver la musique des anciens qu'ils croient avoir été sauvegardée en Orient.
Il faut découvrir enfin la musique des anciens :
"Ce beau secret de l'antiquité y ayant des braves hommes qui travaillent maintenant en divers lieux de l'Europe sur la plus excellente musique des anciens Grecs et Romains" (53).
Il continuera inlassablement ses recherches et Mersenne eut le temps d'utiliser certaines de ces informations. Quant à Peiresc, il se chargea de tous les frais imposés par ses correspondants.
Mersenne n'avait pas seulement besoin de son ami pour des recherches actives en France ou à l'étranger. Il le considère comme un correcteur avisé et indispensable. Aucun autre correcteur ne sera consulté par le Minime.
Au cours de la publication de l'Harmonie universelle, Peiresc est tenu par Mersenne, au courant de la rédaction :
"Je vous envoye encore le livre De la voix et des chants. Je desire que vous le parcouriez affin de m'en dire votre jugement affin que s'il y a quelque chose qui vous choque, je le puisse amander dans ma préface devant les errata" (54).
Une pareille affirmation dénote l'estime que Mersenne portait à son ami. Elle permet de comprendre combien le Minime appréciait sa façon de penser et de rectifier s'il en était besoin, des expériences ou même des théories fussent-elles musicales ou mathématiques.
Dans cette même lettre Mersenne promet la communication du 3e Livre du Mouvement demandé par Peiresc :
"Je vous l'envoyeray si tost qu'il sera achevé comme j'ay faict des aultres". Et la conclusion, c'est l'assurance de Mersenne (55) :
"Gardez vous bien de croire, Monsieur, que je désire aultre chose de vous que vostre amitié qui m'est plus precieuse que quoy que ce soit au monde" (56).
C'est une formule qu'il redit sous une forme ou sous une autre. Il était convaincu de son évidence.
 
 
 
LES DEDICACES
 
 
Nous sommes en 1634.
Mersenne et Peiresc se connaissent un peu mieux. Le Minime reste plongé dans sa musique et dans une vaste vie intellectuelle qui s'étend depuis la religion et la philosophie jusqu'aux découvertes des plus récentes et les plus déconcertantes. Son ami continue à s'intéresser à la science comprise dans sa généralité. Il entretient une correspondance assidue avec les savants. Il reçoit beaucoup. Il s'active pour prêter un concours efficace à ceux qui de près ou de loin ont recours à sa compétence ou à son dévouement.
Et en cette année 1634, Mersenne qui travaillait à son Harmonie Universelle au moins depuis 1623 perfectionnait son texte et rencontrait quelques complications afin de trouver des éditeurs non seulement pour les techniques de composition (surtout en musique), mais aussi pour couvrir les prix d'une production qui se promettait peu avantageuse à la vente. Chez Peiresc il avait apprécié une sympathie compréhensive. Il avait déjà écrit de lui dans l'ouvrage en préparation :
Monsieur Peiresc d'Aix qui est le plus rare homme de l'Europe (57).
Mersenne décida d'avoir recours à lui :
"Voyant que j'ay achevé mon grand oeuvre de l'Harmonie Universelle et qu'il merite à mon advis, d'estre dedié à un personnage de merite qui sache faire cas des choses qui ont cousté plus de 10 ans de labeur assez particulier et quant et quant que nos libraires ne sont pas assez hardis d'entreprendre un livre de 300 feuilles de cette nature, si l'on ne leur donne quelques avance, j'ai premierement voulu sçavoir de vous si vous le désirez luy donner la vie et vous rendre le protecteur. Ils demandent cent escus et disent qu'il coustera mille escus à l'imprimer. Si je n'estois lié à ma condition, je le ferois imprimer propriis impensis, affin qu'il n'eust que les honnetes hommes qui en eussent. Vous verrez ce qu'il vous plaira repondre" (58).
Une dédicace, au XVIIe siècle exigeait la mention des qualités de celui qui était honoré, mais elle supposait, en retour, une aide plus ou moins substantielle (59).
Avec Peiresc, Mersenne agit différemment : il le traite comme un ami, et lui demande, sans détours, l'aide pécuniaire dont il avait besoin. Quant à la dédicace c'était une façon de remercier celui qui avait déjà tant oeuvré pour l'aider, et dont il voulait faire connaître la valeur au monde entier.
Peiresc au contraire est gêné de l'honneur que Mersenne veut lui faire : pour lui, une aide amicale ne demande pas de récompense :
"Je serois bien marry qu'il eust tenu a cent escus de ma petite bourse que ceste belle pièce ne vist le jour. C'est pourquoy vous pouvez faire estat que je vous les feray tenir par un de mes amis... Mais pour la dedicace, je vous supplie de croire que je reçois ce grand honneur et advantage la bonne volonté qu'il vous plaict me temoigner et ne vous suis pas moins redevable que sy l'effet s'en estoit ensuivy, vous suppliant neantmoins de choisir une personne plus relevée et plus digne de ceste faveur..."
Cependant, ayant réfléchi sur cette répulsion de Peiresc pour la dédicace, Mersenne insiste au printemps de 1634 :
"Je m'estonnerois que vous ne vous croyez pas digne d'une dédicace de mon ouvrage attendu que je ne connois personne qui la mérite mieux que vous puisque vous aydez sa fabrique en toutes sortes de manières jusqu'à faire venir de l'orient ce que l'on auroit seulement grande peine d'esperer" (61).
Le 8 juillet 1634, Peiresc annonça l'envoi de sa contribution financière : "celle-ci ne sera que pour accompagner la petite partie de cent escus que vostre imprimeur a désirée pour ayder aux fraiz de l'edition de vostre ouvrage Harmonique, laquelle je vous avois promise par Mr le prothonotaire Aguillenquy, mon cousin..." (62).
Cette nouvelle est confirmée par une lettre de Peiresc à Jacques Dupuy : "Mr le prothonotaire Aguillenquy... partit d'icy sammedy... et se chargea de quelque chose que le bon P. Mercene attendoit quelque temps y a" (63).
On peut admirer l'élégante délicatesse de la formule.
Mersenne accusera réception de la somme et exprimera sa reconnaissance :
"... Je manquerois grandement à mon devoir si je n'ajoutois celle-cy pour vous assurer de vostre liberalité par les mains de Mr vostre cousin... et quant et quant pour vous en remercier... Il y a 20 escus d'or, 13 pistoles d'Hespagne, un quadruplé d'Italie, 29 demies pistoles et 40 sols. J'espère qu'il sera employé si fidellement que vous en recevrez du contentement avec l'ayde de Dieu" (64).
Envoyant à Peiresc de nouveaux cahiers de l'Harmonie Universelle, Mersenne exprime à nouveau sa gratitude :
"Je ne doubte nullement que les livres du volume que je vous envoye ne vous soient agreables puisque vous leur avez donné l'estre en les tirant de la poussière pour leur faire voir le jour dont ils n'eussent pas jouy sans une main assez bonne et assez puissante pour les tirer de l'obscurité comme vous avez faict..." (65).
Nous sommes au siècle de la préciosité. Mais les formules employées par le Minime sont nécessaires et on ne peut le blâmer d'un vocabulaire un peu dramatisé.
La décision de Peiresc au sujet de la suppression de la dédicace semblerait définitive. Mais Mersenne propose d'amender les expressions pour que rien ne puisse déplaire à son correspondant :
"Je ne feray rien en la dédicace que je vous la communique devant affin que le tout soit faict selon vostre souhait".
Il avait alors insisté sur les qualités de son ami sans quoi rien de bien n'aurait pu être imprimé (66).
La réponse de Peiresc :
"J'ay certainement à vous remercier comme je le faictz de vostre bonne volonté en mon endroit. Et à vous dire ingenument et sans cajoller ou pour faire le renchery ou le desgousté, ains pour vous parler franchement et selon mon humeur que je n'ay point friandise à cez dedicaces de livres" (67).
Mersenne avait demandé que le projet de la dédicace fût corrigé par le destinataire et retourné à l'auteur. En fait on avait oublié de mettre ce projet dans le paquet et on le glissa plus tard dans un nouvel envoi.
Déjà pourtant, Mersenne précise une nouvelle fois qu'il ne veut pas revenir sur le principe de la dédicace :
"Je ne vous parle pas de la Dedicace, vous pouvez seulement vous assurer que j'y procederay. Dieu aydant, en homme d'honneur et que vous n'en recevrez que du contentement" (68).
Le 1er juillet 1635, il annonce qu'il a un peu modifié le texte :
"J'ay un peu allongé l'epistre dedicatoire que je mets au frontispice de mon oeuvre et l'ay mise à peu prez en l'estat qu'elle demeurera sy ce n'est que vous y veuilliez corriger quelque chose, soit en ajoutant ou en diminuant ce qui me sera tres agreable comme tout ce qui vient de vostre main... vous me la renverrez s'il vous plaist corrigée de vostre main" (69).
Quinze jours plus tard, Peiresc se défend encore :
"... J'ay à vous reiterer les très humbles et instantes prieres que je vous ay cy-devant faictes de vouloir choisir une meilleure adresse que la sienne,... mes infirmités et faiblesses d'esprit et de corps n'estant que trop notoires...je ne peu que rougir de me voir entre d'autres personnes que je suis indigne d'approcher" (70).
Mersenne, un peu rusé, pose une question dont il connaissait déjà la réponse :
On me dit que vous êtes baron d'une certaine seigneurie... Oui Peiresc était baron de Rians.
Peiresc confirme et Mersenne est satisfait.
Songeant à ajouter à son livre de nouvelles explications, il demande à son ami de continuer à lui adresser des remarques sur le texte, car il se rend compte de l'aide que Peiresc peut lui apporter :
"Vous estes l'unique qui avez le loisir de considerer mes imperfections pour y mettre remede avant de passer oûtre" (71).
Enfin le 18 août, la fameuse dédicace est achevée. Elle précède les Traitez des Consonances, des Dissonances, des Genres, des Modes et de la Composition (Livre I) faisant partie de l'Harmonie Universelle. Le texte de cette dédicace est très élogieux : il remercie de l'attention que Peiresc porte aux travaux de son ami, de ses libéralités envers tous les savants, de ses recherches de documents en Orient, de ses accueils multiples et chaleureux des écrivains, artistes ou scientifiques.
L'éloge était très sérieux et véritable. Mais il donna naissance à une plaisanterie de Mersenne : l'honorable dédicace fut traduite en latin et figura dès le début des Harmonicorum Libri (72). Cet ouvrage reproduit en partie le texte de l'Harmonie Universelle et avait été rédigé par le Minime pour ceux qui ne pouvaient profiter de l'édition française. Et, s'il en était besoin, voilà notre modeste Peiresc connu dans le monde entier.
Mersenne, avant la publication officielle des Harmonicorum Libri (13 novembre 1635) en envoya la première page à Peiresc qui lui répondit le 19 novembre 1635 sans trop se formaliser de la plaisanterie :
"J'ay receu par le dernier ordinaire une lettre de vous sans datte, accompagnée de la premiere feuille de vostre Epitome harmonique en latin où je n'ay pas esté moins surpris que honteux de me voir derechef mis en drap blanc avec tant d'excez de vostre honnesteté et tant de manquement en moy de tout ce que vous voulez y faire paroistre de plus remarquable... vous me prenez pour un aultre si vous vous laissez persuader que je sois bient friant de ces honneurs" (73).
Le mot de la fin, en novembre 1637 : Mersenne à Peiresc :
 
"Vous n'avez nul sujet de me remercier de cette deuxiesme dédicace puisqu'ou je me trompe et tous avec moy, ou vous meritez que tout ce que l'on fait d'excellent ez sciences vous soit dédié puisque vous vous portez si genereusement pour les faire reussir à la perfection. Et je vous prie de croire que je n'ay pas mis la moitié de ce que j'y eusse peu ajouter" (74).
 
Au XVIIe siècle Au lieu de se situer l'un par rapport à l'autre dans un rapport de dépendance, le mécène et son protégé se retrouvent de plain-pied et presque sur le pied de l'amitié (75).
 
 
REPROCHES AMICAUX
 
 
La très sincère sympathie qui unissait Peiresc et Mersenne leur permettait une collaboration scientifique pertinente et fructueuse. Mais du côté de Peiresc elle alla beaucoup plus loin.
Certes le Minime était souvent traité de bon père par ses visiteurs ou ses lecteurs. Malgré l'apparence, un tel vocable n'était pas décisif, car au XVIIe siècle,on l'employait assez souvent pour désigner un prêtre ou un religieux. C'était vrai pour Mersenne. Mais Peiresc put remarquer chez son ami des paroles inadmissibles et qui risquaient de devenir injurieuses. La caractéristique de l'ami c'est qu'il puisse donner des conseils pertinents pour réformer les défauts de celui qui partage son amitié. C'est cet apanage qui détermina Peiresc. Il ne faut pas médire. Quand on le faict écrira-t-il plus tard, il me semble qu'on me donne un soufflet.
 
QUATRE TEMOIGNAGES :
 
 
1) Le premier cas se trouve dans l'attitude de Mersenne envers la cabale. A ce propos, Peiresc écrivait :
"S'il m'estoit loisible de vous faire une prière que vous trouverez possible trop libre, je vous prierois volontiers de vous abstenir de tancer personne d'ignorance ni de lourde faute sans necessité urgente pour n'induire personne à chercher de vous mordre en vengeance" (76).
Ces remarques devaient tenir Peiresc bien à coeur, car il en fait allusion auprès de Jacques Dupuy en demandant son aide pour convaincre le Minime :
"Je lui escripts en réponse d'une sienne lettre et vous envoye la mienne pour voir la liberté que j'y prends et me seconder s'il vous plaict à la première vue" (77). Pour lui Mersenne est un bon savant, il devrait savoir se modérer dans ses critiques au moins dans la forme. La réponse du Minime est assez évasive : il va se corriger, dit-il. Mais il reste dans une vague perspective, sans doute est-il un peu plus explicite plus tard, car Peiresc le remercie
 
"de ce qu'il vous a pleu de faire de mes humbles supplications pour la conservation de vos amys" (78).
Peiresc une fois encore, en quête d'un allié pour lui prêter main forte dans son désir de réformer l'attitude du Minime vis-à-vis de ses contradicteurs, avait cherché un nouvel appui auprès de Jacques Dupuy. Ce dernier s'était fidèlement empressé et avait sermonné le Minime. Il en reçoit des félicitations :
"... vous remerciant de ce qu'avez contribué pour le desmouvoir d'une partie de l'austérité de son procédé avec les gents de lettres dont il n'approuvoit pas les sentiments, dont il se trouvera mieux sans doute" (79).
Cette fois, comme le demandait Peiresc, Mersenne formule ses regrets sur ses dérives de langage. Il prend même des décisions sévères envers soi-même :
"Or Monsieur, puisque vous me voulez tant de bien, j'ay conceu un dessain que vous approuverez s'il vous plaist, à sçavoir de vous envoyer toutes les feuilles qui s'impriment l'une après l'autre (80) affin que vous soyez le juge si j'useray d'une aigreur envers qui que ce soit et que je suive vostre advis en tout et pour tout" (81).
Pourtant Peiresc ne se contente pas de cette résolution. Il ne voudrait pas seulement supprimer quelques aigreurs au fur et à mesure des impressions successives. Il écrit le 13 août 1634 :
"Vous reiterant surtout la prière que je vous ay si devant faite de vous abstenir de toute sorte d'aigreur et de paroles piquantes, rudes et subjetées à sinistre interprétation..." (82).
Il vaut même mieux éviter le plus grand nombre de discussions et de réfutations : ce qui importe le plus c'est la vérité au lieu du combat. Mersenne va essayer d'obéir dans ses publications. Par bonne volonté il se refuse d'offenser Peiresc :
"Sans vouloir contester avec vous d'aucune chose sur ce que vous me mandez, si j'ay failli ça esté pour parler trop franchement, quoyque je fusse fort éloigné de croire que vous en deussiez offenser. Je vous prie donc une fois pour toutes que ce que vous trouverez de trop libre en mes lettres pour le jugement que je fais de quelques uns, que cela ne passe point vos yeux et vostre reconnaissance, car en ce cas je recevray trez humblement toutes bonnes remontrances et acourciray ma liberté" (83).
 
 
2) Un deuxième cas où Mersenne trouva beaucoup de difficulté pour garder son calme, ce fut dans ses rapports avec Campanella, un dominicain qui avait connu la prison à Naples et qui avait risqué à Rome de perdre la vie (84). C'était un vieil adversaire pour le Minime qui dans les Quaestiones in Genesim l'avait classé parmi ceux qui flamman sentiant et fumo incantentur (85). Il l'avait accusé de fausseté et de mensonge. En effet comment croire un individu qui s'imaginait que les planètes étaient habitées ? Comment accepter que l'on se trompe dans la chute des corps ? Comment croire à l'astrologie judiciaire (86). Comment établir que la philosophie dépende des sens ? Comment peut-on nier l'existence du vide ? Pourquoi n'apporter aucune preuve ?
Pour Mersenne c'était grave même très grave. Il avait écrit au moins trois lettres à cet être pervers. On n'avait pas répondu aux deux premières. A la troisième, on s'était perdu dans les généralités.
Alors Mersenne ne voulait plus entendre parler de l'individu. Et il était tout prêt à trouver de nouvelles invectives.
Mais il y eut changement. Campanella remplaçant le costume de son ordre par celui des Minimes s'était enfui de Rome. Il prend le bateau et débarque à Marseille le 22 octobre 1634. Huit jours plus tard il est à Aix chez Peiresc.
Dans cette maison qui s'ouvrait si souvent par dizaines de fois devant des visiteurs si nombreux et si variés, il est bien accueilli. Avec Peiresc et Gassendi, il étudie la conjonction de Mercure et du Soleil. Les discussions périlleuses sont évitées.
Toujours sous l'habit de Minime il part pour Paris. Peiresc l'adressa à Mersenne. Ce dernier se souvenant des prescriptions de son ami, accepta de le recevoir et s'imposa une retenue, pour lui bien malaisée. Son accueil sans doute prudent fut peut-être aimable. Peiresc l'apprit et lui écrivit :
"J'ay sceu avec qulle retenue et modération, vous aviez compati à l'estat où se trouvait le bon P. Campanella à son arrivée, dont je vous scay bon gré" (87).
De fait Mersenne ne s'en vanta pas et garda le secret de cette visite.
Devant la Cour, Campanella fut présenté par Richelieu à Louis XIII. Un peu plus tard Mersenne le reçut à nouveau. Pas d'injures, ni de grise mine, mais des réserves platoniques :
"J'ay appris qu'il ne nous apprendra rien dans les sciences. En l'interrogeant, je n'ay pas trouvé qu'il sceust seulement ce que c'est que l'octave" (88).
Le 17 mai 1635, discussion entre les deux religieux sur l'astrologie judiciaire. Mersenne écrit à Peiresc :
"Assurez-vous que je l'estime autant que qui que soit, mais quand on me dit qu'il avoit assuré que tous les esprits de France n'estoient rien"… (89).
Mersenne s'en étonne avec trop de vivacité et
 
"... Si vous trouvez que j'ay beaucoup peché en cela, je passerai par où il vous plaira..." (90).
La réserve du Minime est touchante. Il tient tellement à l'amitié de Peiresc qu'il cherche des formules pour excuser son attitude, normale pourtant puisqu'il s'agit de critique littéraire habituelle. Non de civilité.
Peiresc, parlant à Diodati de l'attitude de Campanella :
"Je vois qu'il a bien commencé, puisqu'il a donné fort bien puisqu'il s'est donné la peine d'aller visiter le bon P. Mersenne, car bien qu'il se fusse autrefois assez mal comporté en son endroit, je sçais qu'il en estoit fort repentant et m'en avoit escrit qu'il se seroit volontiers sacrifié pour luy" (91).
 
 
3) Troisième circonstance où Peiresc se crut obligé de raisonner Mersenne ce fut pour calmer le Minime dans son texte où il attaquait Galilée sur le mouvement. Il en écrit à François Luillier (disciple et ami de Gassendi et Conseiller au Parlement, maître des comptes). Il veut dissuader le Minime de ses tentaives de combat. Il prie Luillier de s'entremettre auprès de Mersenne et de se procurer une copie du texte pour essayer d'éviter le pire : on pourra peut-être amender le passage ou le supprimer. Il transmet la même demande à Mersenne : Il faut éviter
"... toute querelle qui peusse blesser l'esprit d'un homme que toute l'Europe estime tant et qui sera à l'advenir en si grande vénération en la postérité" (92).
Mersenne répondit le 17 septembre :
 
"... affin que vous ayez le contentement de voir l'hônneur ou la modestie avec laquelle je me suis comporté avec Galilée. Toute le livre est encore en vostre disposition et privati juris... de sorte que si vous y trouvez quelque chose à redire ou de trop rude, je suis prest de l'oster entièrement" (93).
Le tiré à part fut aussitôt envoyé, mais il eut des problèmes de transmission. Le 2 octobre Peiresc n'avait encore rien reçu.
Le 12 octobre Mersenne s'en étonne, inquiet du silence de son ami, et reprend la plume le 17 novembre :
"... Je ne puis m'imaginer que vous ne soyez mary de ce que j'ay dict contre les propositions du Sr Galilée. Mais considerez que nous sommes comme luy et que parlant après luy du mesme sujet qu'il a entamé..., ce nous serait quelque deshonneur d'avoir celé ce qui ne correspond pas à la vérité puisque nous faisons profession de sapper l'erreur où nous la trouvons sans prejudice d'aucun... Neantmoins dechargez hardiment vostre coeur et commandez tout ce que vous voudrez, mais aprez avoir leu ce dont il est question, car je voy bien par vos lettres que vous n'avez pas leu mon Livre des Mouvements... Ce qui soit dit sans prejudicier à l'obeissance de vos commandemens futurs, touchant la suppression, amendement ou changement de ce livre et de quelque autre que ce soit"… (94).
La réponse de Peiresc (2 décembre 1635) fut ajournée par suite d'importants retards dans le courrier. Lui-même fut retenu au lit pendant près d'un mois par des accès de fièvre. Et c'est encore malade qu'il s'occupe des réactions contre Galilée :
"Quant au Sr Galilée, je ne pense pas qu'il puisse estre defendu de tenir des avis contraires puis mesmes que vous avez des experiences contraires, mais je vouldrois que ce fust en des termes, non pas de contradiction, ains seulement de proposition modeste comme de choses problematiques et qui seroient peultestre bien soutenables par d'autres raisons que les siennes"... (95).
"Je veux dire que de ces grands personnages, il ne fault pas rien blasmer legerement, ains supporter charitablement tout ce qui peult estre supportable sans s'amuser à leur aller sentir les pieds. Si l'odeur n'en est pas suave, il s'en vault mieux esloigner le nez" (96).
Les comparaisons employées dans les dernires lignes ne ressemblent pas à celles dont on se sert dans un texte de style que l'on dit élevé. Elles ont l'avantage d'être claires et de montrer qu'elles tiennent bien place dans une conversation entre deux amis.
 
 
4) Un quatrième cas : Gilles de Losches. Ce capucin jusqu'en 1626 avait passé sept ans en Orient où il avait dirigé la mission de son ordre. Il connaissait plusieurs langues et avait retrouvé plusieurs manuscrits intéressants. On pourrait penser qu'il serait bien accueilli à son retour en France. Mais dans le monde savant il ne fut pas toujours traité avec affabilité.
Certes, il fut bien reçu par Peiresc qui entreprit de le faire connaître à ses propres correspondants.
Le 1er mai 1634 avait commencé l'affaire du manuscrit arabe et celle de la musique des Mores. C'est Peiresc qui avait reçu le manuscrit du Caire, un manuscrit écrit en arabe et truffé de vocables que l'on croyait persans. On pensait qu'il répondait à toutes les demandes que Peiresc avait formulées en Orient pour aider Mersenne dans la rédaction de l'Harmonie Universelle.
Dès réception, Peiresc avait transmis le manuscrit à Mersenne qui malheureusement ne trouvait personne pour déchiffrer le texte. Peiresc serait prêt à subvenir aux frais demandés par un spécialiste. Mersenne aurait voulu le confier à Gabriel Sionita, compétent en arabe. Ce dernier est absent de Paris. Et l'on cherche à trouver un autre traducteur idéal. Mersenne croit que Mr Hardy pourra s'en tirer. Peiresc en doute un peu, il propose de chercher au Caire ce fameux traducteur idéal. Puis il se désole qu'on ne découvrît personne. On propose l'orientaliste Gaulmin. Mais Peiresc n'en voudrait pas ; il accepte de recourir à la fois à G. de Loches et à Gaulmin. Il en informe Jacques Dupuy :
"J'ay advisé de luy (Mersenne) dire que le R.P. Gilles de Losches, cappucin qui presche maintenant à Orléans peut faire cela mieux que tout autre, car il a une grande cognoissance des principales langues orientales... Je leur en écris à tous deux pour accelerer l'expedition (du manuscrit)... Le pauvre Mersenne l'avoit meprisé tant qu'il l'avait peu..."
Mersenne devra donc le remettre à Dupuy qui le fera parvenir au capucin (97). Pendant ce temps Saumaise qui s'y intéresse recommande, comme l'avait fait Mersenne, Gabriel Sionita. Mersenne continue à ne pas suivre la solution préconisée. C'est bien triste, dit Peiresc en l'assurant qu'en cas de publication,
"... je pourvoiray que l'honneur vous soit reservé tout entier" (98).
Le Minime garde toujours le silence et le manuscrit.
Peiresc insiste :
"Quant au livre arabe manuscrit, je suis marry qu'il ne soit plus digne de vostre curiosité et ne doubte pas dde vos bonnes intentions en mon endroit" (99).
Quinze jours plus tard il revient à la charge et le ton qu'il emploie montre sa déception :
"Je m'estonne que vous condamnez comme vous le faictes cet autre bon pere que vous imaginez entendre fort peu le langage de ce livre manuscrit arabe et estre entierement incapable de vous donner du soulagement là-dessus (car ce sont vos propres termes qui m'ont certainement un peu scandalisé" (100).
Dans un billet adressé, par Peiresc à Du Mesnil il se montre plus véhément et encore plus déçu de l'attitude de Mersenne qui temporisait toujours.
Le 17 mai 1635 Mersenne écrit à Peiresc, il insiste sur ses propres dispositions à bien faire. Il n'a jamais vu Gilles de Losches et veut bien croire Peiresc quand il assure que le capucin est capable et dévoué. Il fera des démarches auprès de Gaulmin qui essaiera de traduire certaines parties du manuscrit :
"Si tost que je l'auray osté de mes mains je le bailleray à Mr du Puy pour en faire selon vostre volonté... Mr Hardy m'a assuré que le P. Capucin n'est pas capable de bien faire, ne sachant pas si bien l'arabe que luy" (101).
Enfin le 5 juin, une lettre de Peiresc à J. Dupuy :
"Je suis bien ayse que vous avez retiré le manuscrit arabique de la musique"... (102).
Il a fallu plus d'un an avant d'arriver à cette solution. Peiresc avait montré sa fermeté à laquelle Mersenne a finalement obéi. Peiresc écrivit à son ami :
 
"Vous ne vous trouverez jamais bien de mesdire de personne. Vous scavez ce que je vous en ay dict si souvent. Pour l'amour de Dieu abstenez vous en à tout le moings dans les lettres que vous m'escrivez... Quand ce sont de mes amys particuliers, il me semble qu'on me donne des soufflets !" (103).
Cette dernière formule, déjà citée plus haut montre bien la sensibilité de Peiresc qui s'allie à une fermeté raisonnée.
Le minime fera parvenir des nouvelles de la traduction qu'il a reçue. Le 15 juillet 1635, G. de Loches lui écrit qu'il faut "espérer mais attendre" et le minime n'a pas critiqué le capucin de façon acerbe. Peiresc félicite Mersenne de sa délicatesse.
Entre Peiresc et Mersenne il ne sera plus question de ce manuscrit et de ses traductions.
Malgré des caractères très différents, on peut constater qu'un solide attachement arrive à aplanir les divergences.
 
 
 
LES DEMANDES DE PEIRESC
 
 
Il faudrait un volume pour citer les questions que s'adressent Mersenne et Peiresc. Tous les domaines sont abordés : la religion, la musique, les sciences, les prodiges, la philosophie, les guerres, les nouvelles découvertes...
Souvent Mersenne indique les sujets qui l'intéressent. Et son ami très fidèlement répond aux demandes, donne des réponses précises s'il les connaît ou s'empresse de chercher des renseignements... Quant à lui-même, il posa fort peu de questions nécessitant de nombreux échanges de correspondance. On peut, en revanche, signaler ceux des fontaines et celui du triangle dans un cercle.
 
1) Les fontaines.
Depuis longtemps déjà Peiresc s'était intéressé à la distribution de l'eau dans les fontaines privées ou publiques. Il semble surtout avoir eu besoin de précisions circonstanciées pour ses propres jardins à Aix ou à Belgentier (où il fit construire un aqueduc).
Il consulte donc Mersenne le 1er mai 1634 sur les techniques des répartitions de l'eau "avec les noms propres qui y sont employez vulgairement ; ensemble pour les noms propres de toutes les machines, tuyeaux, canaulx, aqueducs, robinets, bassins et toutes aultres appartenances tant de la fabrique et de la conduitte pour de l'ornement, despartement et mesurage de telles eaux et fontaines publiques et particulières et de la proportion soit du temps ou des espaces par où l'on faict passer les dictes eaux"... (104).
Demandez à M. Gailhard (avocat) de faire les demarches necessaires.
Mersenne répond rapidement : il n'a pas grande confiance dans les ouvriers qualifiés. Pourtant il raconte qu'il est allé "voir celuy qui gouverne les fontaines de Rougi et de Belleville....il m'a representé quantités de difficultés... Il faudrait envoyer des entrepreneurs".
Et paraît-il, il faut donc faire appel à toutes sortes de spécialistes (massons, carpentiers, limosins pour la taille des pierres, plombiers, etc.) et un chef par dessus tout qui gouverne et qui regle toutes choses. Il faut noter aussi que des vents compliquent l'écoulement et empeschent souvent l'eau de couler et mainent de grands bruits comme des cris de taureaux, de pourceaux, etc) (105).
Le 18 juin et le 16 juillet, Peiresc qui a reçu la lettre précédente, remercie et précise qu'il s'intéresse au diamètre des tuyaux et que les "cris des taureaux et des pourceaux sont remarquables... Il voudrait connaître les noms de tous les instruments tuyaux, canaux, rigolles, robinets, bassins ronds et quarrez ou irreguliers et tous les termes qui peuvent servir et secourir ceux qui n'ont pas le bon langage naturel français"... (106).
Toutes les précisions seront bien accueillies et son correspondant estime que Mersenne est tout à fait capable de répondre à des questions qui sont la base d'un savoir exact et complet.
Le Minime, le 26 juillet se félicite d'un échange de lettres fréquent entre eux. Il promet une documentation rigoureuse, car il est entré en relation avec Mr. Glain c'est lui qui gouverne les eaux. Ce personnage a montré toutes sortes d'instruments qui sont employés dans la spécialité (107).
Le 28 juillet Mersenne devait se rendre avec le Maistre des fontaines pour étudier les secrets de la distribution des eaux, mais un contre-temps ! Le Sr Gailhard (dont il a été question plus haut) n'a pu trouver de carrosse. Il espère en découvrir un dans une huitaine ou s'en faire prêter, il promet d'écrire aussitôt.
Gassendi est appelé à la rescousse. Il promet de venir pour aller voir la fontaine de Belleville. Il pourra aussi profiter du carrosse de Luillier.
En fait il sera absent. Mersenne seul assurera l'expédition et pourtant l'habit monacal n'était pas bien de mise pour l'aventure projetée. La science exigeant des concessions et le désir de rendre service à un ami permirent à Mersenne de passer outre. Quoi qu'il en soit, un dimanche, le Minime entreprit l'entreprise hasardeuse...
 
"... J'ay esté 1500 pas en terre pour voir le canal des fontaines avec le maistre d'icelles, mais le bruit des villageois au dessus de nos testes estoit si grand que nous ne peusmes quasi rien observer. C'est pourquoy, je l'ay prié de me prester ses clefs pour quelque jour ouvrier afin de n'estre troublé de personne et de n'incommoder point ses affaires, car il m'accompagna un jour de feste" (108).
Le récit de cette expédition monacale enchanta Peiresc qui exprima sa gratitude.
Une autre enquête du Minime commença mal : il se trouva en face d'une promesse non tenue :
"Un certain fontaigner qui travaille pour Mr de Liancourt m'avait promis... de ne s'en aller pas de cette ville sans me donner toutes les parties de ce qu'il faict de ce qui appartient à la conduite, canaux, aqueducs et fontaines. Mais il ne m'est pas encore revenu me voir. Sitôt que j'en auray quelque chose, je vous l'envoyeray" (109).
Le mémoire du fontainier sera bien donné à Mersenne. Il le fit parvenir à Peiresc qui envoya mes tres humbles remerciements.
D'autres renseignements sont demandés auprès d'autres spécialistes par Peiresc.
Mersenne écrit qu'il lui est difficile d'interroger à nouveau le fontainier de Paris qui pourrait s'imaginer qu'on veut lui enlever sa clientèle. C'est le regret de ne pouvoir aller plus loin.
 
2) Le triangle dans un cercle.
Comme beaucoup d'intellectuels du XVIIe siècle Peiresc connaissait les mathématiques au moins dans leurs généralités. Il écrivit à son ami lors de la préparation de l'Harmonie universelle :
"J'attendray principalement avec impatience vostre second Livre pour voir comment vous y representerez la quadrature du cercle, la duplication du cube, la proportion et dimension de la diagonale et aultres choses jusques icy totalement incognues et inconcepvables" (110).
Ces pensées élogieuses pour Mersenne sont reprises par Peiresc auprès de Bourdelot (Michon) dans une lettre du 6 septembre 1634. Il informe de l'interêt de l'ouvrage en préparation :
"... vous y verrez plusieurs particularitez. Par exemple ce qu'il a trouvé des proportions harmoniques pour la quadrature du cercle, les proportions du temps et du bruict tant de cloches que des coups de canon et du transport des boulets, mesurées avec le battement du poulce et mille autres raretez non encore ouyes" (111).
C'est auparavant, le 18 juin, que Peiresc a posé à Mersenne le problème du triangle inscrit dans un cercle :
"Je vous prie d'examiner les proportions et dimensions de la figure cy-jointe et specialement du triangle de lignes courbes qui est enfermé dans le cercle pour voir si vous y trouveriez rien qui eusse du rapport à vos tons et proportions harmoniques ou à quelque autre myustère de vostre philosophie" (112)
Mersenne répond le 2 juillet :
"Je me souviens d'un papier ou vous envoyez un triangle équilatéral inscrit dans un cercle pour scavoir s'il a de la correspondance avec de la musique. Je ne scay pourquoy vous le demandez, mais il est certain, car il represente le diapason diapenté et l'octave" (113).
Peiresc n'avait pas encore reçu la lettre précédente de Mersenne. Il revient à la charge :
"Pour la figure du triangle de lignes courbes dans un cercle, je serais marry de vous donner de la peine inutilement, mais si vous avez envie de m'obliger comme vous en témoignez tant de bonne volonté, vous avez plus de moyen de le faire en cela que vous ne vous imaginez. Car les Anciens se sont servi de cette figure pour symbole de la plus curieuse philosophie"... (114).
Il suggère ensuite quelques possibilités de réponse : "pas seulement harmonie du diapason, du diapente et de l'octave, mais une infinité d'autres choses qui comprenoient les principes de la primitive philosophie"...
Mersenne répond le 26 juillet :
"J'ay encore oublié le triangle inscrit,  c'est pouquoy j'ajoute le feuillet séparé" (115).
Ce feuillet séparé comporte toute une page.
"Si celuy qui a entrepris la louange et l'étendue du ternaire et du triangle inscrit est geometre, il n'est pas necssaire de l'advertir d'aucune chose puisque l'analyse peut lui fournir de solides conceptions sur ce sujet"... (116).
Malgré tout, la réponse du Minime reste dans le vague.
Peiresc s'en aperçoit et dans sa lettre trois semaines plus tard il est un peu déçu :
"Ce que vous mandez de la figure du triangle dans le cercle est bien succint et ne touche pas enchore ce que vous serez bien aise un jour d'y avoir trouvé. Et fault exprimer la différence du triangle des lignes courbes dans celuy des lignes droites. N'y plaignés pas quelque journée pour l'amour de moy et ne vous imaginées pas que vostre temps i soit perdu" (117).
Mersenne dans sa réponse marque un peu d'énervement :
"Pour la figure dans le triangle, je vous dis encore de nouveau qu'il n'y a que trois accords divers dans la musique, le reste n'estoit que repetition... Vous transcrire tout ce que dit Bongus sur le ternaire ce seroit vous envoyer mal escrit ce que vous avez imprimé. Je ne scay point quel autre mystere on y peut rencontrer ; s'il m'en vient quelqu'un à la pensee, je vous l'ecriray".
Un peu plus tard, il revient auprès de Peiresc sur les lettres précédentes :
"J'ay souvent pensé au nombre ternaire dont vous m'aviez parlé, mais je n'ay peu rien m'imaginer sur cela qui ne soit vulgaire ou dans les livres" (118)
Le remerciant des renseignements reçus, Peiresc, le 19 décembre 1634, semble mettre un terme à ses demandes mathematico-philosophiques auprès de Mersenne.
"Je vous remercie... du souvenir qu'avez conservé de ma priere sur les recherches des mystères de la figure triangulaire dont je ne vous ay pas voulu endosser la peine pour croire qu'il ayt rien de la vertu qu'aulcuns attribuent aux nombres. Mais je n'y cherche que de recongoistre de ce que les Anciens en ont creu, pour juger des fondements de leur crédulité et des superstitions qui s'y estoient glissées qui peuvent tant ayder à la cognoissance des mystères de la religion du paganisme et particulierement à celle de leurs ora qui est encores si obscure et si cachée. C'est pourquoy si vous trouviez le loisir de rediger par escript tout ce que vous pourriez imaginer ou emprunter des livres qui vous sont à la main concernant cette matiere, vous m'obligeriez de le faire"... (119).
Le texte de Peiresc pourrait clore la discussion. Il n'en est rien. Le 15 janvier 1635, Mersenne reprend la plume et donne une nouvelle dimension à ses anciens propos :
 
"Or, je viens maintenant à votre triangle fait de lignes courbes et inscrit dans le cercle sur lequel il est impossible de vous rien dire qui vaille la peine d'estre remarqué... On peut tirer une infinité de parties de cercles qui toutes feront le costé d'un triangle curviligne equilateral" (120).
 
Et dans un post-scriptum de la même lettre :
"Quant au nombre ternaire, je vous assure qu'outre ce que je vous en ay escrit et ce qu'en dit Bongus que vous avez sans doute, je ne scais rien. Et ne crois pas que l'on puisse beaucoup ajouter à ce qu'il en dit, de sorte que tout au plus, je ne vous envoyerois transcript que ce que vous avez imprimé" (121).
La réponse est donnée. Une fois de plus les deux amis s'étaient rencontrés dans le travail d'étude et même dans le cas d'une divergence d'opinions ils gardaient toujours un ton amical et respectueux.
 
 
 
A TRAVERS VENTS ET MAREES
 
 
1) Les vents
Depuis longtemps, Peiresc s'était intéressé aux vents, à leurs descriptions, à leurs localisations, à leurs forces... Gassendi était bien placé pour en témoigner avec détails. Mersenne l'avait appris et avait été mis au courant du vent qui soufflait de Ponthias à Nyon en Dauphiné et qui se caractérisait par une extrême fraicheur (122). De son côté il s'était intéressé aux souffles de l'air pour des questions musicales. C'en était assez pour chercher des précisions auprès de Peiresc :
 
"J'ay lue les belles remarques du Ponthias par la faveur de Mr Du Puy. La chose est digne de grande considération et particulièrement ce que vous avez observé de Venise à Trente" (123).
L'allusion à l'Italie rappelle les voyages de Peiresc qui répondit avec complaisance et promit de chercher d'autres témoignages :
Mersenne insiste :
"La relation que vous feites de ce vent qui se distribue dans les terres de Venise et dans les jardins voisins m'a pleu si fort que je desirerois bien scavoir l'éloignement du lieu avec quelque ville prochaine et les noms latins et françois de tout ce qui concerne la description affin d'en user dans la partie pneumatique de mon Harmonie"... Il revient plus loin sur les vents de Mantoue ou de Florence avec une allusion sur le savoir de son ami (124) :
si je l'avais veu comme vous, j'en serois hors de peine.
Peiresc répond assez rapidement (avec une allusion à la ville de Peiresc). Il regrette de ne pouvoir donner d'autres précisions :
"Bien marri de ne vous pouvoir envoyer sitôst celle que vous me demandés concernant les vents parce que j'en attans d'heure à autre des instructions particulieres et nommement de l'autre de la montagne du Grand Cohier dans notre territoire de Peiresc qui est la plus haute de toute la Provence"... (125).
Une douzaine de jours plus tôt, il avait écrit à P. Dupuy qu'au dessus de la même ville de Peiresc commence un vent perpetuel qui peut se comparer à celui du Ponthias. Il avait envoyé l'un de ses neveux pour contrôler le phénomène tant de nuit que de jour. Gassendi attribue ces observations à Malian (médecin à Remiremont en Lorraine) qui était venu constater le vent du Grand Cohier.
Le 19 décembre, Peiresc demande qu'on l'excuse de son retard à donner ses informations :
"J'attends des nouvelles observationz des vents pour l'assortiment que j'ay desja, que vous prendrez plaisir de voir. J'ay si peu de temps... pour m'acquitter de mon debvoir envers mes amys et mettre par escript ces petites curiositez" (126).
"Le 2 février 1635, Mersenne lui demande des précisions sur des vents qui se communiquent par robinets dans la patrie des Venetiens" (127).
La réponse de Peiresc n'est pas connue. Mais les quelques documents cités plus haut permettent d'apprécier l'aide que Peiresc apportait à son ami lorsqu'il s'agissait de recherches précises, pratiques autant que théoriques et souvent couteûses.
 
2) Les marées
Depuis l'antiquité, on s'était intéressé aux marées et à leurs causes. Au XVIIe siècle, Galilée a pu expliquer le phénomène en soutenant qu'elles étaient une conséquence de la rotation diurne de la terre (128). Mersenne dans ses Questions inouyes avait voulu attribuer à la lune une vertu de l'aymant, mais il convient, dit-il, que la Terre donne le branle à la mer. Gassendi acceptait les explications de Galilée avec quelques modifications. En tous cas, il est certain que c'est Galilée qui avait relancé les études sur les marées. Mersenne et Peiresc l'avaient bien compris : l'étude des flux et reflux pouvaient donner des éléments pour s'interpréter par la rotation de la terre.
Ici encore il convient de recourir à la Vie de Peiresc (129) par Gassendi dans la description qu'il donne des recherches de Peiresc à cette époque. C'est un résumé suggestif de ses enquêtes auprès des gens de la mer, enquêtes nécessaires pour essayer de trouver une explication des marées.
Le 19 mars 1634, par exemple, il écrit à P. Dupuy :
"Il fault que je vous envoye encores une certaine conception sur le flux et le reflux de la mer dont on m'avait fait grande feste, mais elle n'a pas répondu à l'attente" (130).
Trois mois plus tard, Mersenne qui lui aussi cherchait à multiplier les faits précis plutôt que de solliciter la philosophie ou les données scientifiques, apprend par Frénicle de Bessy  :
 
"que pour les Canaries, il n'y a plus presque de marées et que la mer n'y monte point si ce n'est qu'il fasse grand vent... Au contraire, pres du Cap Vert, la mer se haussait de 5 pieds au mois de Septembre.
Près de la Norvege et audelà vers les pôles il n'y a plus de marée" (131).
Mersenne résume auprès de Peiresc les indications données par des pilotes excellens de Frénicle :
"La mer n'a nul reflux vers l'equinoctial ni du coste de l'Affrique ni de celui de l'Amerique ni aux costes du Danemark et au-delà ; et que le plus grand du monde est à St Michel" (132).
Les mêmes renseignements sont répétés par Mersenne, quinze jours plus tard.
Peiresc exprime sa gratitude et compte apporter des compléments par des mariniers de ma connaissance ou par des religieux partant en mission. Il souhaite davantage d'exactitude. Il remarque qu'en Méditerranée, en face de Gibraltar, lorsque la mer monte d'un coté elle descend de l'autre (133).
Le 26 juillet, Mersenne reprend la plume pour apporter davantage de précisions :
"J'ai quasi oublié les observations de flux qui consistent seulement à sçavoir la relation unanime des pilotes qui disent tous qu'il y a un point aux costes d'Affrique et par delà, ni à celles de Norvège etc., mais delà depuis le 26e degré jusqu'au 66e. Et que le plus grand de tout le monde qu'ils aient veu est au Mont St Michel" (134).
Les notations employées pour faire le point sont acceptables pour Peiresc. En revanche l'excessive minutie proposée par Mersenne avec son verre d'eau, le fait sourire :
"J'avoys pensé qu'en mettant de l'eau de la mer dans un anneau creux de verre qu'elle auroit peut-estre son flux et reflux de 6 heures en 6 heures comme celle de l'Ocean, mais je suis trop eloigné pour en faire l'experience et ne croy pas qu'elle se meuve séparée de son tout non plus que le sang hors de sa veine" (135).
Ces remarques pouvaient pourtant s'imaginer si l'on se rappelait que Drebbel, vers 1607, avait construit pour le roi d'Angleterre et l'empereur Rodolphe II à Prague des perpetua mobilia qui se mouvaient grâce à des changements de température ce que l'on pouvait peut-être interpréter comme une imitation du flux et reflux de la mer. Peiresc en possédait un exemplaire depuis plus de 10 ans (136) ce qui lui permit de répondre à Mersenne que l'appareil
"avait faict fort constamment son mouvement de flux et reflux fort apparant et fort sensible ; mais d'avoir aulcune proportion au flux ou reflux de la mer, c'est ce que je n'ay jamais peu discerner" (137).
Peiresc n'avait donc pas accepté l'expérience de Mersenne comme une stupidité. Cela ne l'empêcha pourtant pas de lui recommander des méthodes plus classiques :
"Votre observation des flux et reflux est rompue trop courte. Il y faut des tenants et aboutissants à tout le moings des noms des observations de leur qualité, des lieux pris de l'observation et, s'il estoit possible du temps, sinon de l'année, du moings de la saison. Autrement, je ne scaurois y faire du fondement solide" (138).
Cette logique de travail est excellente et Peiresc la pratique généreusement. Un document conservé à Carpentras (Bibl. Inguimbertine, ms 1821, fol. 279) concerne des observations faites par Peiresc lui-même.
Le 24 août 1634, Mersenne écrit à son ami :
"Pour le reflux, je ne peux vous adjouter autre chose" (139).
A propos des pilotes interrogés par Frénicle :
"Je me rejouis de ce que vos observations seront bien mieux circonstanciees, ce que j'eusse aussi faict si j'eusse parlé avec eux" (140).
En revanche Peiresc continue avec persévérance. Il continue à revoir des mariniers. Il écrit de nombreuses lettres en France comme en Tunisie...
L'abondance des sujets imposés par l'actualité a empêché les deux amis de chercher d'autres pilotes capables de donner des informations plus précises. Les étapes ont été difficiles à franchir. Il convenait de s'y arrêter. Les constatations des pilotes du XVIIe siècle ne répondent qu'à une partie du problème. Elles sont nécessaires, mais les causes restent à découvrir.
 
3) Le canal entre les deux mers
Un projet qui passionna les deux amis, ce fut celui que l'on appellera plus tard le canal du Midi.
Ils ne contribuèrent pas à quelque intervention sur le dessein ni aux initiatives de réalisation, mais il est intéressant de citer leur enthousiasme et de voir comment l'un et l'autre se firent une joie de fréquenter l'inventeur, Mr le Maire.
Mersenne le premier en parla à Peiresc le 26 mai 1635 :
"Monsieur,
Je ne sçay si je vous escrivis dernierement qu'un excellent homme m'est venu voir de Gascogne qui est venu trouver le Roy pour avoir permission de joindre les deux mers par Bayonne et Narbonne, sans qu'il demeure aucune difficulté de toutes celles qui se presentoient dans les propositions de plusieurs autres qui s'en estoient meslez. Ils sont quatre qui le veulent entreprendre sans qu'il en couste rien au peuple ni au Roy. Il est fort habile homme en tout ce dont je l'ay entretenu et parle avec un fort bon jugement" (141).
Le 1er juillet, Mersenne redit la même nouvelle :
"Nous avons icy un brave homme qui est aprez a impetrer puissance du Roy pour joindre les deux mers depuis Blay jusques a l'autre costé de la 60 lieues sans demander aucun denier ni au Roy ni au peuple" (142).
Un autre correspondant de Mersenne, Christophe Villiers, avait reçu la même nouvelle et s'en était félicité. Il répondit avant Peiresc qui, lui, s'enthousiasma du projet :
"La jonction des deux mers est plus souhaitable que nous ne la pouvons esperer dans les temps qui courent où il faut deplorer le reculement des Muses qui debvoient bien estre employéees aussy bien que les armes. C'est pourquoy je vouldrois bien voir ce personnage-là et si je le tenois un jour, je pense que je luy ferois descouvrir de bien plus grandes merveilles que tout ce qu'il peut avoir faict" (143).
Quant à Mersenne, qui aima toujours des créations nouvelles, il continue à espérer la construction de ce canal : il en écrit à Peiresc le 12 octobre 1635 :
"Je discours souvent avec celuy qui poursuit ses despesches au Conseil pour avoir licence de joindre le mer Oceane à la Méditerranée sans qu'il en couste rien au Roy ni au peuple" (144).
Comme Mersenne, Peiresc montre son vif intérêt pour l'invention et son inventeur.
"J'ay prins plaisir de voir... ce que vous luy (145) dictes concernant le dessein du Sr. Le Maire pour la jonction des deux mers, de qui je desirerais apprendre le nom et sçauoir encores volontiers sa patrie et son aage et aultres qualitez principales"... (146).
La réponse de Mersenne, le 17 novembre :
"... Je viens maintenant à M. Le Maire qui ne se nomme point autrement, car c'est son nom. Il est champenois de nation et naissance et nourriture et demeure de Thoulouse. Il vient maintenant de me visiter ; il est deumuré tout ardent de vous voir lorsque je luy depeints une partie de vos vertus jusque là qu'en se retournant, je luy ay fait promettre de vous aller voir" (147).
Quinze jour après, Peiresc se réjouit de la nouvelle :
"Je vous suis bien redevable sur tout de vos bons offices envers M. Le Maire... Je plains bien que son advis de jonction des mers ne soit venu en meilleure saison ne luy fissent point l'obstacle qu'ils peuvent faire" (148).
Ni Peiresc ni Mersenne ne virent l'aboutissement du projet de Le Maire. Le Conseil d'Etat passa un bail avec Le Maire en 1636. Ce dessein n'aboutit pas, ni celui de 1644. Il fallut attendre 1662 pour que Pierre-Paul Riquet adressat à Colbert un plan qui fut adopté en 1665. Le canal était navigable en 1672. Actuellement il est toujours en service.
Mersenne et Peiresc s'enflammèrent aussi pour une autre invention de Le Maire : celle du luth almarique. Peiresc voudrait que le Minime y fasse allusion dans son ouvrage. Si c'était nécessaire il pourrait même y contribuer pécuniairement. En fait Mersenne en parla abondamment et Peiresc n'eut pas besoin d'y consacrer une aide financière.
 
 
CONCLUSION
 
 
En 1630 Mersenne s'était rendu dans les Pays Bas du Nord où il avait été envoyé en raison d'une question de santé afin de prendre les eaux de Spa (motif certain ?) (149). En fait, il avait utilisé ce voyage pour contacter les savants du pays et autres personnalités qui pouvaient l'intéresser.
Pour aller en pays protestant il avait dû quitter l'habit religieux et se laisser affubler d'un beau costume laïc et d'un magnifique chapeau rond (peut-être orné d'une plume !).
Le Minime devait se sentir frustré de se voir dépouillé de la robe monacale et ne pas rencontrer la considération respectueuse dont il avait l'habitude. Quoi qu'il en soit, il fut jeté en prison (sous prétexte d'espionnage). Pourquoi ne parla-t-il pas à Peiresc de cette mésaventure sans importance (il fut libéré après une nuit) ! Il ne parla pas davantage du voyage lui-même. Peut-être parce que la mésaventure n'était pas très reluisante (150). Peut-être parce qu'il ne devait pas parler du voyage autorisé exceptionnellement par son Supérieur.
Cinq ans plus tard, Peiresc en eut vent. Il ne questionna pas Mersenne, peut-être par délicatesse mais il essaya de savoir, peine perdue... En désespoir de cause, il écrivit le 23 mai 1635 une lettre au P. Minuti, un Minime et l'un de ses correspondants de Tunisie :
"Informez vous un peu de ces Pères de France tandis que vous les tenez là s'il est vray que le Pere Mercenne ayt fait le voyage inconnu comme on voulu asseurer et qu'il eust esté arreté prisonnier" (151).
Ce manque de franchise accidentel n'entame pas leur amitié et leur fidèle collaboration.
Les pages précédentes décrivent leur travail fructueux. On le retrouve grâce à des lettres, quelques écrits de tiroir ou d'impression, des recoupements permettant de déceler une influence réciproque entre nos deux héros.
Ce sont des dialogues par où s'échangent des idées, des souhaits, des critiques, des excuses. Les personnages nous permettent d'écouter les phrases qu'ils se sont prononcées ou qu'ils ont voulu taire.
Parfois le dialogue est impossible à retrouver. Il convient alors aux lecteurs de chercher en une ligne les sujets abordés : des sorcières aux parhélies ; de l'éducation des muets aux longitudes ; de la tablature du luth aux mécaniques de Galilée ; de l'oeil du thon aux satellites de Jupiter : d'une pierre ployante aux nombres ternaires : de la chute des graves à l'épicurisme etc., etc…
Le désordre n'est qu'apparent. Il n'y a aucune incohérence : tous ces sujets forment un tout et ce tout intéresse les deux savants qui gardent les yeux ouverts sur le monde qui les entoure. Les contingences, peu à peu ils en prennent connaissance. Ils veulent les surmonter avec l'aide que leur fournissent la religion, le bon sens ou les sciences. Peu importe la chronologie des questions.
Les réponses sont portées par les événements. Les deux amis se comprennent entre eux. Chacun essaie de fournir des répliques claires, chacun peut se rétracter ou vouloir se compléter.
Peiresc est un aristocrate qui a la noblesse du coeur et une délicatesse raffinée (152). Très cultivé, il possède un désir obstiné de trouver la vérité quand il ne la détient pas. D'un maître qu'il apprécie, il attend des réparties précises et probantes, les généralités ne lui suffisent pas, il veut qu'on les lui complète. Dans les manières, il a le sens des nuances mondaines : il ne veut pas rudoyer tout adversaire, encore moins le brutaliser. Il ménage les termes. Au style direct qui pourrait être malfaisant, il préfère des expressions courtoises et suggestives.
Une exception : il avait entouré d'attentions le moine Campanella. Mais ce misérable avait eu le malheur d'insulter Gassendi, un ami intime. Alors aucune pitié, tout moine qu'il soit, il mérite la géhenne.
Très doué pour l'Astronomie (il avait découvert la nébuleuse d'Orion) il avait su mobiliser tous les savants de l'époque pour étudier les diverses éclipses. Il avait pris part aux rectifications des longitudes.
Mersenne est un savant qui recherche la vérité au prix d'un travail acharné et persévérant, complétant une aptitude certaine. Quand il croit avoir atteint cette vérité, il ne veut y renoncer en aucune manière. Il a des ascendances paysannes ; il a bénéficié au temps de son enfance, d'une culture campagnarde (153). Son attitude est beaucoup moins nuancée que celle de son ami. Devant une protestation ou une objection d'un ignorant infatué, il agit plus rudement. En ce cas il ne reconnaît ni le titre, ni le renom, ni la popularité. Malgré la devise de son ordre (Caritas), il est sans pitié : magis amica veritas... Le reste du temps, il se met au service des autres. Il aide ceux qui manquent de documentations. Il les accable de son effarante bibliographie. Il court les rues pour satisfaire aux requêtes de ses amis.
Le 24 juin 1637, une tragique nouvelle :
Nicolas-Claude Fabri, seigner de Calas et de Peiresc, baron de Rians, abbé et seigneur de Guître, en Guienne, conseiller en la Cour de Parlement de Provence, mourut le 24 juin 1637, entre les bras de son cher ami le sieur Gassendi, âgé de près de cinquante sept ans.
Durant leur vie, Mersenne et son ami s'étaient entretenus de leurs problèmes. Ils avaient cherché des solutions. Très simplement, chacun dans sa sphère, avait fait avancer la science qui se construisait.
 

A. BEAULIEU

 
 
NOTES
 
 
 
1. Vie de Monsieur Des Cartes, t. II, Paris, 1691 p. 352.
2. Sous l'Ancien Régime, l'abbé commandataire était un simple laïc qui jouissait des revenus d'une abbaye sans la gouverner réellement. Pourtant Peiresc se fit un devoir de s'occuper activement des moines de l'abbaye dont il eut la charge.
3. GASSENDI, Vie de l'illustre Nicolas-Claude Fabri de Peiresc..., Paris, 1636 : Trad. fr. par Roger LASSALLE, Paris, Belin, 1992, p. 133-164.
4. R. TATON, Le P. Marin Mersenne et la communauté scientifique parisienne au XVIIe siècle dans Quatrième centenaire de la naissance de Mersenne, Univ. du Maine, 1588-1988, Le Mans, 1996, p. 15-16.
5. Impiété..., p. 156-158. Le texte de l'intervention de Peiresc se trouve à la Bibl. de Carpentras ms. 1777, fol. 475-476. - Sur les publications de Mersenne, voir A. BEAULIEU, Mersenne le grand minime, Bruxelles, ASBL N.C. Fabri de Peiresc, 1998, p. 327-328.
Et Correspondance de Mersenne, Paris, Beauchesne, puis C.N.R.S., comment. par C. De Waard et alii. t. I-XVII, 1933-1988, passim.
6. Paris, Bibl. nat., f.fr., nouv. acq. 5169, fol. 12, verso rouge.
7. Lettres de Peiresc, publ. par Philippe Tamisey de Laroque, t. VI, Lettres de Peiresc à sa famille et principalement à son frère (1602-1637). Paris, Impr. nationale, 1896, p. 220-221.
8. Jacques Gaffarel (1601-1681) était un hébraisant et un astrologue. Il fut reçu, avec le P. Mersenne, par le P. François de la Noue qui fut supérieur du Minime à plusieurs reprises (CM. I, p. 462 et XIII, p. 78).
9. Ragusaeus (Georges de Raguse) était philosophe, théologien, médecin et mathématicien.
10. CM. I, p. 303-307.
11. Cette lettre fait partie d'une collection Peiresc Reg. III des copies conservées à la Bibl. Ingimbertine à Carpentras et publiée par M.P. GAFFAREL dans les Annales des Basses Alpes t. XIII, 1908), Digne.
12. Cet exemplaire portait la mention manuscrite ad usum autoris : c'était bien l'un des ouvrages de Mersenne qu'il avait l'autorisation canonique de garder dans sa cellule. Sur la date de départ de Peiresc, voir Revue des Questions historiques, t. XXII (1877), p. 220.
13. Quaestiones in Genesim, col. 1481-1482.
14. CM. XIII, p. 465.
15. CM. I, p. 132.
16. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms. 1776, fol. 407-413.
17. CM. I, p. 586.
18. Ibid., p. 609.
19. CM. II, p. 20, 28, 29.
20. Ibid., p. 29. - Sur les travaux scientifiques de Peiresc, voir J. QUERON, Peiresc et son temps dans L'été Peiresc, Fioretti II. Nouveaux mélanges sous la direction de J. Ferrier, 1988, p. 114-115.
21. CM. II, p. 35.
22. Paris, Bibl. nat., f. Dupuy, ms. 716, fol. 256 (CM.II, p. 28).
23. Ibid., f.fr. 9544, fol. 77.
24. CM. II, p. 62.
25. Ibid., p. 62.
26. Paris, Bibl. nat., f. Dupuy, fol. 369.
27. CM. II, p. 149.
28. Gassendi.
29. CM. II, p. 421.
30. CM. III, p. 162.
31. CM. II, p. 73. Peiresc en avait parlé aux frères Dupuy dès 1628.
32. CM. III, p. 161.
33. CM. III, p. 169 - 461, et IV, p. 237.- A. BEAULIEU, les réactions des savants français du XVIIe siècle devant l'héliocentrisme du XVIIe siècle dans Novità celesti crisi del sapere, Suppl. Agli. Annal ; de l'Istituto e Museo di Storia della Scienza, 1983, fasc. 2, p. 373 - 382. - Voir aussi J.F. LHOTE et D. JOYAL, Correspondance de Peiresc, Aleandre I, Adosa, 1995, Introduct. p. 17.
34. A. BEAULIEU, Mersenne... op. cit. p. 109.
35. CM. IV, p. 31.
36. Ibid. p. 76. - A. BEAULIEU, Mersenne... op. cit. p. 109. - W. SHEA, Galileo's Intellectual Revolution... New York, Science History Publ., 1977, 54 p. ; Trad. fr. par F.. DE GANDT Paris, Ed. du Seuil, 1992. - GALILEO GALILEI Dialogo... Testo e commento di O. BESOMI e M. HELBING, 2 Vol., Padova, Antenore, 1998, 668 et 1098 p.
37. Sur toute la question, voir A. BEAULIEU, Mersenne... op. cit., p. 107 - 118. - MERSENNE, les Mecaniques de Galilée, dans Questions inouyes..., Corpus des oeuvres de Philos, en langue fr., Paris, Fayard, 1985, p. 436 - 512.
38. CM. IV, p. 404, La lapis Lydium désigne la pierre de touche.
39. Ibid., p. 417.
40. CM. V, p. 24.
41. Harmonie universelle, Livre I. Du Mouvement des corps (Lesure, I, p. 88).
42. CM. III, p. 351.
43. CM. IV, p. 109.
44. CM. III, p. 373.
45. Ibid., p. 392.
46. Ibid., p. 394.
47. Ibid., p. 399.
48. Ibid., p. 429.
49. Ibid., p. 474.
50. CM. IV, p. 80.
51. Ibid., p. 82.
52. Ibid., p. 176.
53. CM. V, p. 15 - Allusion à Doni, mais aussi une conviction : la persis- tance des théories anciennes (grecques ou romaines) en Orient.
54. Ibid., p. 478.
55. Ibid., p. 47,
56. Ibid., p. 502.
57. Harmonie Universelle, t. I, Livre II. Du mouvement. Corollaire p. 88.
58. CM. IV, p. 81. Voir P. COSTABEL, dans Cahiers d'Histoire et de Philosophie n°14, 1986, p. 3 - 19.
59. L'Age d'or du Mécénat (1598 - 1651). Textes réunis et publiés... par R. MOUSNIER et J. MESNARD, Paris, CNRS, Le mécénat scientifique avant l'Académie des Sciences dans La culture du XVIIe siècle, Paris PUF, 1988, p. 182 - 193.
60. CM. IV, p. 106.
61. Ibid., p. 132 - 133.
62. Ibid., p. 236.
63. Ibid., p. 237.
64. Ibid., p. 278.
65. CM., V, p. 135.
66. CM. IV, P. 256.
67. CM. V, p. 162.
68. Ibid., p. 202.
69. Ibid., p. 268.
70. Ibid., p. 322.
71. Ibid., p. 344.
72. Ibid., p. 462.
73. Ibid., p. 462
74. Ibid., p. 500.
75. J. MESNARD. L'Age d'or,. op cit., p. 439.
76. CM. IV, p. 181.
77. Ibid., p. 200.
78. Ibid., p. 239.
79. Ibid., p. 250.
80. Il s'agit de l'Harmonie universelle.
81. CM. IV, p. 255.
82. Ibid., p. 287.
83. CM. V, p. 201.
84. J. GRIMM, Campanella en France dans La France et l'Italie au temps de Mazarin, textes recueillis par J. SERROY, Presses univ. de Grenoble, 1986, p. 79 - 86.
85. MERSENNE, Quaestiones in Genesim, col. 1164 et 380-385 ; 939-942 ; 964-1002.
86. Jugements donnés par les astres.
87. CM. IV, p. 418. - A ce moment-là, la compassion de Mersenne n'était pas bien active.
88. CM. V, p. 209.
89. Ibid., p. 202.
90. Ibid., p. 202.
91. Ibid., p. 280.
92. Bibl. Inguilmbertine, ms 1874, fol. 269 verso.
93. CM. V, p. 403.
94. Ibid., p. 480.
95. Ibid., p. 520.
96. Ibid., p. 520.
97. Ibid., p. 108.
98. Ibid., p. 142. Voir Nicolas Claude Fabri de Peiresc, Lettres à Claude Saumaise et à son entourage, par Agnès BRESSON, Firenze, Olschki 1992, 570 p. pour le ms arabe p. 147.
99. CM. V, p. 164.
100. Ibid., p. 165.
101. Ibid., p. 209.
102. Ibid., p. 226.
103. Ibid., p. 277.
104. CM. IV, p. 110
105. Ibid., p. 231.
106. Ibid., p. 247 et 231.
107. Ibid., p. 254.
108. Ibid., p. 327.
109. CM. V, p. 47.
110. CM. IV, p; 176.
111. Ibid., p. 345.
112. Ibid., p. 183.
113. Ibid., p. 229.
114. Ibid., p. 246.
115. Ibid., p. 260.
116. Ibid., p. 260.
117. Ibid., p. 291 et 330. &emdash; Dans ses réponses, Mersenne s'inspira de l'œuvre de Pierre Bungo, chanoine italien (mort en 1601) qui publia des Numerorum Principia. (Trois éditions successives dont Mersenne et Peiresc reconnaissaient l'autorité).
118. Ibid., p. 406.
119. Ibid., p. 415.
120. CM. V, p. 26.
121. Ibid., p. 30.
122. GASSENDI, Vie de Peiresc (traduction R. Lassalle) op.cit , p. 230.
123. CM. IV, p. 163 et 229.
124. Ibid., p. 281.
125. Ibid., p. 286.
126. Ibid., p. 419.
127. CM. V , p. 46.
128. P. SOUFFRIN étudie actuellement cette question (ouvrage sous presse).
129. GASSENDI, Vie de Peiresc (trad. R. Lassalle) op. cit, p. 230.
130. Lettres de Peiresc, t. III, p. 59-60.
131. CM. IV, p. 169.
132. Ibid., p. 228.
133. Ibid., p. 245.
134. Ibid., p. 259.
135. Ibid., p. 282.
136. Ibid., p. 284 et 288.
137. Ibid., p. 288.
138. Ibid., p. 290.
139. Ibid., p. 329.
140. Ibid., p. 330.
141. CM. V, p. 216.
142. Ibid., p. 270.
143. Ibid., p. 320.
144. Ibid., p. 422.
145. J.B. Doni (musicologue averti. Pour lors, à Rome attaché aux offices du St Siège).
146. CM. V, p. 427
147. Ibid., p. 479.
148. Ibid., p. 519.
149. A. BEAULIEU, Mersenne.... op cit. p. 94-106.
150. Diarium II, p. 101. Le Diarium a été écrit par le minime le P. THUILLIER et avait été présenté aux membres de l'ordre comme un exemple de vie religieuse.
151. CM. V. p. 207.
152. GASSENDI la Vie de Peiresc... op. cit passim, surtout le Livre I.
153. Sur les premières années de Mersenne, voir A. BEAULIEU, Mersenne... op. cit., p. 1-16 ; et R. TATON, Quatrième centenaire de la naissance de Marin Mersenne, op. cit., p. 13-24 ; A. FILLON, Marin Mersenne, Villageois du Haut Maine, p. 127-154 ; G. GALBRUN-CHOUTEAU, Marin Mersenne, la recherche d'une enfance, Cercle généalogique Maine et Perche.
154. J. FERRIER, dans FIORETTI, op. cit., p. 89.
 
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