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Mersenne et Peiresc
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Une amitié
constructive
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- Le rôle de Mersenne dans la
science du XVIIe siècle fut
prépondérant. Ses contemporains en convinrent
souvent. Ses lecteurs immédiats le soulignèrent.
C'est ainsi qu'on peut relever chez l'historien de Descartes,
André Baillet, (1649-1706), un vibrant éloge du
Minime :
- "Jamais mortel ne fut plus
curieux que le P. Marin Mersenne pour pénétrer tous
les secrets de la nature et pour porter toutes les sciences et
tous les arts à leur perfection. Peu de gens furent plus
industrieux à satisfaire ceste insatiable curiosité
par des expériences de toutes manières, par ses
propres méditations et par les relations continuelles qu'il
avoit avec tous les scavants et curieux de
l'Europe... (1).
- C'est un témoignage sur sa
culture, sa recherche de renseignements, ses méthodes de
travail
D'autres que Baillet insisteront sur ses
qualités de correspondant ou sur son érudition. En
revanche, on s'est mal appesanti sur les influences directes qui
se sont exercées sur lui et sur les suggestions ou les
conseils qui ont pu changer son action
- Peiresc fut le seul qui l'aidera
à maîtriser certaines de ses
réactions.
- Comment naquit une profonde
amitié entre un religieux tenu par les règles d'un
ordre spécialement sévère et un personnage
qui sera magistrat, conseiller au parlement d'Aix en Provence et
abbé commandataire (2) de l'abbaye de
Notre-Dame de Guitres, près de Coutras en Gironde ?
Les témoignages qui seront relevés plus bas en
seront la preuve.
- Peiresc, brillant voyageur en
Europe, s'était fixé à Paris au printemps de
1616. Il y restera sept ans (3) environ et
apprécia Mersenne. Sans doute le connut-il à
l'Académie Dupuy, célèbre lieu de rencontre
des intellectuels (4).
- Le Minime avait
déjà publié ses deux ouvrages de
piété, puis son grand ouvrage les Quaestiones in
Genesim, un court traité (Observartiones ad
Francisci Georgii problemata), enfin
L'impiété des Déïstes sur plus
de 1000 pages.
- Dans cet ouvrage, on peut
retrouver la trace d'une intervention de Peiresc, la
première sans doute. Il s'agissait des Frères de la
Rose-Croix, ces charlatans ésotériques dont la
doctrine était perniciosissima. Peiresc qui
était au courant des travaux de Mersenne lui communiqua un
document rédigé par eux et traitant de la doctrine
des Sephirot, nécessaire pour entendre le Zobar. Le
Minime profita du renseignement pour l'insérer dans
l'Impiété des
Déïstes (5).
- Peiresc quitta Paris en octobre
1623, alors que Mersenne travaillait à la Synopsis
mathematica qui ne paraîtra qu'en 1626. Entre l'un et
l'autre s'était déjà établie une
amitié qui se développera au cours des
ans.
- Le registre où Peiresc
notait les adresses de ses correspondants et les dates de ses
envois nous apprend qu'il écrivit le 13 mai 1625 à
Mersenne (6). La lettre est perdue. Perdue aussi
une lettre de Mersenne à Peiresc. Mais cette fois il en
existe une certitude indirecte et des détails sur les
travaux du Minime (7) dans une lettre (10 juillet
1625) adressée par Peiresc à son frère
Palamède :
- "Le P. Mersenne m'escript
qu'il a esté faict un livre par un jeune
homme (8) contre luy et contre
Ragusaeus (9) sur le sujet de la Cabale et
que luy en faict une replique. Je ne scay si sa replique est
encore imprimée.
- En fait Peiresc reçut bien
mieux qu'une lettre. C'était un opuscule (de 6 pages)
imprimé, sans lieu ni nom d'imprimeur (10),
mais dédié ad clarissimum virum Dominum de
Peiresc, Abbatem de Aquistria et Senatorem Aquensem, (1625),
où Mersenne traitait les idées de Gaffarel comme
malfaisantes, sans intelligence, téméraires et
infâmes. Peiresc se montra conciliant. Sans doute
prenait-il les méchancetés de Mersenne comme
injustement outrées. Mais cette fois il ne fit pas de
remarques au Minime. Du moins nous n'en avons aucune trace. Il
voulut entrer en relation avec Gaffarel qui avait quitté
Paris et à qui il adressa, le 31 mai 1627, une lettre
datée d'Aix (11).
- L'histoire ne sera pas
terminée de sitôt : il y aura encore un document
rédigé officiellement par Mersenne au nom de Peiresc
le 13 novembre 1625 : il s'agit d'un opuscule de 8 pages,
rédigé aussi en latin pour faire plus sérieux
et qui reprend le combat contre la Cabale et contre Gaffarel sans
compter Ragusaeus. Mersenne prend pourtant le temps d'assurer
Peiresc de sa vieille amitié.
- En retournant en Provence il
avait emporté dans ses bagages un exemplaire des
Paralipomena (partie des Quaestiones in Genesim)
appartenant à Mersenne et qu'il gardera plusieurs
années (12).
- L'un et l'autre trouvant un
plaisir certain dans la correspondance ne manquaient pas de
s'écrire des lettres fréquentes. Malheureusement
celles du début ont disparu.
- Une invention passionna les
savants de l'époque ; celle du vaisseau sous-marin.
Des essais avaient été menés en Ecosse,
à Londres et même en France. Mersenne en parle dans
les Quaestiones in Genesim :
- "Il y a une admirable
habileté des navires qui nous emmènent au sein de la
mer et il y a déjà des navires qui conduisent
facilement au milieu des eaux"
(T) (13).
- Avec plaisir, Mersenne revint sur
la question dans les Cogitata "Hydraulica" et dans la
Correspondance (14).
- De son côté, Peiresc
avait rencontré en 1622 un parent de Drebbel à Paris
(Jacques Kufler) qui lui avait montré des microscopes
nouveaux et avait parlé des navires
sous-marins (15). Mersenne naturellement
était au courant et en avait parlé dans les
Paralipomena (col. 1835). Quant à Peiresc, il fut
également mis au courant de ces inventions de Drebbel par
une relation qui lui fut envoyée de Paris en septembre
1624 (16).
- Les mois passaient. Certes, des
lettres ont pu être perdues. Mais il semble que Mersenne,
absorbé par le début de sa fameuse Harmonie
Universelle (1624) (éditée par tranches et
terminée en 1637), ait marqué moins d'empressement
à rédiger du courrier. Surtout qu'il voulait garder
secret le nom d'auteur de l'Harmonie et qu'il la signait du
pseudonyme Sermes. Une lettre de Jacques Dupuy à
Peiresc (le 2 nov. 1627) le confirme :
- "Ce traité de la
musique est faict par le P. Mersenne, Minime, qui a desjà
escript. Il a deguisé son nom pour certaines
considérations, je vous prie de ne le nommer. Il y a
longtemps qu'il estudie ceste
matiere..." (17).
- La réponse de Peiresc
:
-
- "...Je ne reveleray pas le nom
de l'auteur que j'honnore
fort..." (18).
- L'annonce d'une éclipse de
lune (20 janvier 1628) allait mobiliser tous ceux qui en France
s'intéressaient à l'astronomie. En Provence
c'étaient ceux qui constituaient l'Ecole Provençale.
Peiresc les avait alertés : on pouvait compter sur
Joseph Gaultier, prieur de la Valette et Gassendi. Mais Peiresc
cherchait des collaborateurs à Paris : il en avait
écrit aux frères Dupuy en leur demandant de
prévenir tous les amis qui aimaient observer le
ciel (19). Le résultat fut une merveille.
L'éclipse commença à 7 h.35 (totale
à 8 h.34) et prit fin à
11 h.71/2. Elle fut suivie évidemment par
les spécialistes de l'Ecole Provençale et, à
Paris, par Mydorge et Mersenne et aussi par le P. Petau,
jésuite. Gassendi renseigna Galilée sur les
observations d'Aix et de Paris. Il en écrivit aussi
à Louvain, tandis que Peiresc prévint Louvain, puis
Rome, Florence, Padoue. Un récit de l'expérience fut
publié par Gassendi, puis par Boulliau
(20).
- Cette éclipse ne fut pas
seulement de curiosité passagère. Elle permit de
corriger la différence de longitude entre Paris et Aix
(21).
- Longtemps encore les
différents observateurs communiqueront par lettres leurs
observations et leurs commentaires.
- Peiresc, envoyant ses mesures aux
Frères Dupuy, écrivait :
- "(Je) seray bien aise
d'entendre les jugements qu'en feront ces messieurs-là et
principalement Mr Midorge et le P. Mersenne auxquels je vous
supplie de faire mes trez humbles recommandations quand vous les
verrez et les assurer de mon trez humble
service" (22).
- Pierre Dupuy le 6 mars, affirmait
dans sa réponse qu'il se chargerait de la commission
(23).
- Un mois plus tard, le 21 avril
1628, on trouve enfin une lettre de Peiresc à Mersenne.
C'est une recommandation pour introduire Gassendi parmi les amis
du Minime :
-
- "... Vous estes naturellement
si bon et si enclin à bien faire que je ne doute pas que
vous ne soyez en toute sorte de disposition de l'obliger si vous
pouvez, en quoy je prendray part, estant son serviteur et le
vostre comme je le suis..." (24).
- Ces quelques mots nous
éclairent déjà sur une certaine entente qui
unissait les deux hommes ; la confiance réciproque
pour soutenir une tierce personne ; le désir commun
d'un travail intellectuel constructif ; la recherche d'un
vaste consensus pour étudier les problèmes. Cette
dernière remarque se comprend mieux quand on constate que
Peiresc avait composé un certain nombre de lettres
semblables aux Dupuy, aux membres de leur Académie, au
savant prêtre italien Doni, alors en voyage d'étude
à Paris.
- De cette lettre on ne peut pas
tirer de conclusions sur la prééminence de Mersenne
ou de Peiresc. Leur amitié reste encore à ses
débuts.
- C'est ainsi qu'à
l'occasion du Discorso del flusso e reflusso del mare
de Galilée on avait pensé que Mersenne
entreprendrait une traduction du texte italien (les marées
ne seraient pas dues à l'attraction de corps
célestes, mais au mouvement de la Terre) et se chargerait
de dessiner les figures. En fait le Minime renonça à
ce travail et ce fut Peiresc qui trouva un spécialiste de
bonne volonté pour réduire toutes les figures en une
seule. La nouvelle fut envoyée par Peiresc aux
frères Dupuy, mais Mersenne, pas encore intime, ne fut pas
averti (25). En fait le traité ne sera
imprimé qu'en 1780. Mais auparavant Galilée l'avait
remanié et en avait fait la matière principale de la
Quatrième Journée de son Dialogo.
- Le 17 novembre 1628, après
un long retard, Peiresc reçut la Synopsis
Mathematica de Mersenne. Le paquet ne lui a pas
été envoyé par le Minime, mais par les
frères Dupuy (26).
- Le 2 décembre
commença un échange de vue qui dura plus de trois
mois. Cette fois c'est Mersenne qui s'agita. Dans les
Quaestiones in Genesim il avait critiqué avec
véhémence, une véhémence trop vive, le
Sr Fludd un alchimiste convaincu et partisan de la Cabale.
Vexé, ce dernier avait protesté et, pour se
défendre, Mersenne cherchait des appuis. Il en avait
parlé à Gassendi, alors à Paris, et l'avait
prié de trouver des arguments de réponse à
ces prétendus magiciens, alchimistes et frères de la
Rose Croix et semblables sortes de gens.
- Gassendi accepta. Mais il avait
besoin de consulter ses propres notes, laissées entre les
mains de Peiresc. Il en écrivit à Aix. Pas de
réponse. En voyage en Hollande, il rédigea un
premier texte en expliquant que ses notes étaient
restées dans le Midi chez Nicolas Fabri... qui n'est pas
inconnu de vous (y a-t-il quelqu'un parmi les lettrés qui
ne le connaîtrait pas) ?
- Si Gassendi avait accepté,
c'est que lui-même s'était déjà
lié d'amitié avec Mersenne : Il faut complaire
à ses amis... (27). Il semble souhaiter que
cette amitié puisse être partagée entre
Peiresc et le Minime. Quant au texte de Gassendi contre Fludd
l'éditeur Cramoisy n'en commencera l'édition qu'en
mars 1630. C'est ce que le philosophe (28)
écrira à Peiresc (29). Mersenne y
fait allusion en avril auprès de ses
correspondants.
- Au mois de mai le prieur de la
Valette écrivait à Peiresc : "J'ay parcouru
dès hier ces livres, le plus grand lesquels me semble avoir
esté mis au jour par le dit sieur Gassendi, plutost par
gratitude pour gratifier le P. Mersenne, son bon ami que pour
aucune nécessité de répondre aux fantasques
(à mon advis) imaginations de ce Fludd..."
(30).
- Mais commencent à
s'intensifier des bouleversements contre l'Ecole,
c'est-à-dire contre une autorité, jusqu'ici sans
appel, d'Aristote, même revue par Saint Thomas
d'Aquin.
- Gassendi avait exprimé sa
sympathie pour Epicure et en avait parlé à Peiresc
et à Mersenne. Le 28 avril, c'est l'annonce d'un travail
important qui intéresse le groupe des savants que nous
connaissons : Gassendi décrit à Peiresc le
développement de ses études sur Epicure : la
rédaction d'un traité est commencée, elle est
enrichie de textes grecs et de raisonnements
pertinents (31). "Le bon P. Mersenne et
quelques autres témoignant de voir avec grande
avidité ce que j'en fais cahier par
cahier" (32). Joseph Gaultier, prieur
de la Valette, a été alerté par Peiresc. Ce
fut le début d l'atomisme chrétien, mais à
cause des conseils de prudence de Mersenne, Gassendi
renonça à le développer.
- Ces réactions contre les
erreurs et les fabulations ne doivent pas faire oublier les
recherches constructives auxquelles s'adonnaient les savants du
moment. En juin 1631, membres du clergé, protestants,
laïcs se trouvèrent devant trois nouveaux commentaires
sur toute l'Ecriture à savoir un imprimé à
Cologne, l'autre à Anvers et un autre "qui s'imprime
icy". Mersenne ne les a pas encore étudiés. Mais
il mentionna les nouvelles publications sur le texte hébreu
(écrit en caractères samaritains, du manuscrit de
l'Oratoire) au pasteur A. Rivet. Un certain P. Morin, oratorien et
orientaliste se promettait de préparer une comparaison
entre le Pentateuque samaritain et hébreu. (Le Pentateuque
désigne les premiers livres de la Bible :
Genèse, Exode, Lévitique, Nombres,
Deutéronome).
- Ces projets ne paraissent pas
très simples. Et ils se compliquent, car Le Jay,
correspondant de Peiresc, l'avertit d'une nouvelle traduction du
samaritain et sollicita la communication d'un tritaple, sorte de
table de concordance entre trois textes de L'Ecriture (samaritain,
hébreu et syriaque). Ce tritaple était la
propriété de Peiresc : il l'avait reçu
de Constantinople par un Minime, le P. Minuti, ami de Mersenne et
l'avait transmis au P. Morin. En fait, Morin le reçut trop
tard pour son ouvrage où il prouvait déjà que
son texte samaritain était identique à celui du
manuscrit de l'Oratoire. Plus tard Peiresc envoya aux
frères Dupuy et à Mersenne d'autres exemplaires du
Pentateuque... Toutes ces préoccupations entre
clergé et laïcs sont la preuve d'un souci religieux
auquel Mersenne et Peiresc collaboraient.
- Un autre sujet d'importance qui
obséda les érudits du XVIIe
siècle, et qui relevait à la fois de la physique et
de la religion, ce fut le cas de Galilée.
- Avant même que ne fut
terminé le manuscrit, on pouvait craindre une condamnation
ecclésiastique. Cela n'arrêta pas Mersenne qui
écrivit à Galilée pour le soutenir et lui
proposer de publier l'ouvrage en France, car il espérait
sans doute que l'ouvrage serait protégé par le
gallicanisme (33).
- "Si tu voulais bien nous le
confier et par une voie sûre nous en envoyer un exemplaire,
nous prendrons sur nous de promettre son
édition" (34).
- Il n'y eut pas de réponse
de Galilée.
- Tous, en France, attendaient la
publication du savant toscan avec une impatience fébrile.
On savait qu'elle marquerait un tournant décisif en
physique et en philosophie religieuse. L'impression du
Dialogo fut terminée le 21 février 1632.
L'auteur fut condamné.
- Galilée écrit en
avril 1632 qu'il en a envoyé deux exemplaires en France le
mois précédent par la voie de Lyon. Peiresc, qui
sera toujours son défenseur, n'en avait reçu aucun
exemplaire en juin de la même année, mais, en
septembre, il en fait parvenir un à Gaultier et un autre
à Pierre Dupuy. De son côté Gassendi avait
écrit de Lyon qu'il a reçu deux exemplaires par
l'intermédiaire de Diodati. Mais déjà il
avait été discuté du mouvement de la terre,
le 29 octobre 1631 au Bureau d'Adresse de Renaudot. On sait
maintenant en France que Galilée a eu la permission de se
retirer à Rome chez l'ambassadeur de Toscane :
Gassendi en parlera le 30 avril 1633. Boulliaud, de son
côté, apprend la nouvelle de l'interrogatoire de
Galilée et écrit à Gassendi le 21 juin 1633
qu'il ne peut croire à la culpabilité du savant
toscan devant la foi et que lui-même Boulliaud,
espère prouver que la mobilité de la terre peut se
déduire de la chute des corps, plus rapide au début
qu'à la fin.
- Mais arrive la condamnation de
Galilée et l'abjuration du 22 juin (34). Le
16 juillet 1633, la nouvelle est donnée par le P. Scheiner,
adversaire de Galilée à la fois au P. Kircher qui se
trouvait alors à Avignon et à Gassendi ; les
deux lettres passèrent d'abord chez Peiresc qui les retint
chez lui plus d'un mois.
- Mersenne dès 1633 avait
réussi à se procurer deux exemplaires du
livre (35). Peiresc l'accuse de les avoir
indûment communiqués à d'autres. Un mois plus
tard, il avouera qu'il s'était trompé et que
Mersenne n'avait pas mal agi (36).
- Peiresc est
désespéré de la sentence contre le pauvre
Galilée, Mersenne aussi, lui qui se voit obligé de
donner la sentence contre Galilée dans un texte qu'il a
d'ailleurs à moitié tronqué. Par ailleurs, il
réserva la discussion des exposés de Galilée
dans une partie de l'Harmonie Universelle pour lors en
préparation. En outre dans la préface qui introduit
le lecteur dans Les mechaniques de Galilée
(1634) (37), Mersenne présente l'oeuvre du
savant toscan, cet excellent homme qui a l'un des plus subtils
esprits de ce siecle.
- Et toujours à propos de
Galilée, le Minime écrit à
Peiresc :
- "Je travaille à
respondre pour luy à tous les envieux dont j'ay veu les
livres, en détruisant leurs raisons et en affermissant les
siennes lorsque je les trouve veritables apres les avoir examinees
ad lapidem Lydium" (38).
- Peiresc approuva l'attitude de
Mersenne, en lui recommandant seulement toute la moderation et
doulceur que vous pourrez... (39). Le Minime
promet d'éviter les excès de langage et demande
à son ami le 15 janvier 1635 de communiquer à
Galilée le cheminement de ses propres expériences et
leurs résultats définitifs (40).
Quand on connaît Mersenne et sa façon d'éviter
les intermédiaires inutiles, on peut se demander pourquoi
il demande à Peiresc de s'entremettre entre lui-même
et Galilée. Le Minime avait ses raisons : c'est vrai,
il savait que Galilée ne tenait absolument pas à
correspondre avec lui. Le savant toscan n'avait pas répondu
aux trois lettres à lui adressées par Mersenne. Des
amis communs avaient essayé de leur trouver à tous
deux des liaisons de travail. En pure perte. On avait
souligné (avec raison et Galilée l'avait
confirmé) que l'écriture du Minime était bien
malaisée à déchiffrer (Un grimoire que
Plaute aurait attribué non pas à des poules mais
à des cochons, dira Torricelli). En
réalité ils étaient séparés par
leur façon de travailler, par la diversité de leurs
amis tout aussi bien que par le but qu'ils poursuivaient. L'un
était un génie ; un professeur qui cherchait
à enseigner. L'autre était un savant obstiné
qui voulait faire connaître à tous (savants et
chercheurs) des découvertes qu'il faisait ou dont il avait
eu connaissance.
- Peiresc, un esprit avisé
et compétent et ami des deux savants était tout
indiqué pour être un intermédiaire entre les
deux. C'est ce qu'il fit. Comme le décrivait Mersenne dans
son Harmonie Universelle : Monsieur de Peiresc,
conseiller au Parlement d'Aix, qui est le plus rare homme de
l'Europe pour obliger ceux qui cherissent les bonnes
lettres... (41).
- Mersenne sera conscient de la
contribution que lui fournissait Peiresc.
- Les quelques pages qui suivent
montreront comment les deux amis ont collaboré pour aborder
les questions qui se posaient à eux.
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LA
MUSIQUE
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- Depuis de longues années,
Mersenne songeait à écrire une vaste étude
sur la musique, les instruments, les lois de la composition, la
variété des mélodies, la technique des
interprètes... Immense entreprise où le Minime
appliqua toute son activité.
- Il lut beaucoup, recourut
à des textes anciens et modernes. Mais il interrogea aussi
beaucoup : il sollicita des savants ou des artistes, des
religieux ou des laïcs, des catholiques, des orthodoxes grecs
ou des athées. Surtout qu'à la musique s'ajoutaient
des explications ou des suggestions, pour le Minime
nécessaires, sur les mathématiques ou la physique.
Toute collaboration possible lui semblait souhaitable. Il
s'adressa à Gassendi qui, de son côté alerta
Peiresc.
- L'ouvrage fut
découpé en plusieurs parties et se termina en 1637.
Il fut publié sous le pseudonyme de Sieur de
Sermes.
- Dès 1632
déjà Peiresc propose un soutien qui sera
inégalable et qui s'amplifiera d'année en
année (42) :
- "Quant à la musique du
P. Mersenne, la relation que vous m'en faites m'en faict prendre
meilleure opinion que je ne l'eusse possible peu
concevoir".
- Et avec le dévouement qui
le caractérise, il part aussitôt en guerre : il fera
crayonner des cymbales comme le demande Mersenne et prie
même qu'on l'excuse s'il y a quelques approximations dans
les dimensions (43).
- Dès la fin de 1632 ou
début de 1633 il écrit à Thomas d'Arcos
:
-
- "Pour un ouvrage excellent de
la musique qui se va mettre soubz la presse, on desireroit d'avoir
quelque cognoissance de la musique et façon de chanter dont
se servent aujourd'huy les Grecs vulgaires, les Turcs, les
Persans, les Aegyptiens, les Mores et autres peuples de ces pays
là. Sy en tout ou en partie, vous pouvez obliger ce bon
personnages, je vous asseure qu'il n'en sera pas ingrat et que
c'est un homme qui le vaut bien. Les demandes qui sont
formulées portent ensuite sur les notes de la
gamme" (44)
- ou leurs clés ou les
tessitures.
- Peiresc voudrait connaître
le but exact que recherche Mersenne et cela pour pouvoir le
seconder par quelques références ou des
traductions.
- Le 1er mai 1633, Mersenne
écrit une lettre : c'est la deuxième qu'il lui
envoie en demandant explicitement la collaboration de son ami. Il
y renouvelle les questions qu'il avait posées à
Gassendi et qui s'appliquent à tout ce que l'on sait de la
musique : Si par votre moyen, je puis recouvrer toutes les
choses ou bonne partie d'icelles, il n'est pas besoin de vous
assurer de l'obligation que j'auray de le faire scavoir à
tout le monde, dans le meilleur des
livres... (45).
- Et le Minime formule une nouvelle
demande : "il se trouve à Alep en Syrie un
monastère de St Basile qui chante fort bien. Le Consul de
France pourrait être un intermédiaire souhaitable :
Si vous pouviez faire connoissance et contracter amitié
avec luy, nous aurions un singulier plaisir de conférer
ensemble de plusieurs belles
difficultés" (46).
- La réponse de Peiresc, il
la formule dans une lettre expédiée à Pierre
Dupuy en lui demandant de la transmettre à Mersenne. Il est
tout à fait d'accord pour les démarches à
entreprendre et même propose d'autres correspondants. Il
envoie de nouveaux dessins. Pour d'autres instruments, il ne
connaît qu'une certaine "sanbucca que l'on me dict avoir
esté inventée à Rome depuis quelques
années... J'attends une bonne relation d'un excellent
musicien joueur de luth qui a esté esclave des Turcs il y a
10 ou 12 ans... Je luy enverray copie de ces dernieres
instructions et en envoyeray aultant du costé du Levant et
en Jerusalem où sont les chrestiens de differentes sectes
et en Alep et
ailleurs" (47).
- La première
réaction de l'Orient est connue par une lettre
adressée par Peiresc à Gassendi il annonce avoir
reçu une grande caisse de livres où se trouvent
plusieurs rituels des Eglises grecques :
-
- "Je pense le P. Mersenne
trouvera les notes de musique qu'il leur demandoit, mais il faudra
un interprete musicien du
pais" (48).
- Malheureusement l'envoi de ces
livres à Mersenne par fagots (gros paquets) fut
retardé d'une année. C'était la faute des
Moreaux qui tenaient le bureau de poste entre Aix et Lyon
d'où les fagots auraient dû être dirigés
sur Paris. Les rituels, en fait, ne partirent que le 22
février 1634 par le premier muletier
trouvé.
- Une seconde expédition en
provenance de Tunis consistait en un mémoire que Peiresc
fait parvenir aussitôt à Mersenne. De son
côté Peiresc lui-même a reçu par
Mersenne des figures de luths, théorbes, flûtes et
cornemuses. Il serait bon de les faire passer au Levant. Echange
souhaitable (49).
- Pour répondre à une
demande de son ami, le Minime envoie des explications sur les
cloches pour les faire connaître à un ouvrier qui
réussit merveilleusement et qui se réjouirait de
connaître certains perfectionnements.
- Nouvelle intervention de
Peiresc : il écrit à Henry de Gournay
ambassadeur à Constantinople qu'il voudrait des
informations précises sur les instruments de musique et
façons de chanter des différentes
nations (50). Malheureusement de Gournay
dut quitter son ambassade sur la demande des
Turcs.
- La décision qu'avait prise
Mersenne de vouloir chercher au-delà de la
Méditerranée des textes musicaux originaux et utiles
peut se comprendre. Mais finalement il trouve que les
qualités musicales des orientaux sont trop difficiles
à saisir, il pense à renoncer.
- "Je n'espere plus rien de la
musique des Grecs et des Orientaux apres avoir attendu 2 ou 3 ou 4
ans après sans aucun fruit comme vous le savez... Je crois
que nous les surpassons tous en ceste matiere. C'est pourquoy je
ne veux plus m'en mettre en
peine" (51). La décision semble
définitive.
- En effet des documents
reçus ne sont pas toujours dignes de foi. Les langues se
comptent par dizaines et sont difficilement accessibles. Peiresc
et Mersenne assez souvent entremêlent pays, rites et
religions, époques, à cause des difficultés
des correspondances...
- Peiresc qui avait voyagé
et recevait chez lui tant d'étrangers est moins
déçu que le Minime. Il connaît les
difficultés. Il se charge de les lui aplanir,
espérant toujours que son ami pourra les
maîtriser.
- Lui-même craint sa propre
faiblesse. Il regrette les limites de ses propres
connaissances :
- "Toutes mes estudes ont eu un
object trop différant du vostre et mon genie est trop
faible pour voler si hault" (52).
- Il croit pourtant qu'il doit
venir au secours du Minime. Il veut continuer la collaboration.
Ses démarches récoltent de plus en plus de
documents : des airs chantés par des turcs, des
instruments provenant de Chine, des caisses de livres grecs. Il
s'adresse à des religieux ou à des diplomates qui se
trouvent en Orient (pour lui : l'Afrique du Nord ou l'Asie
occidentale). On retrouve plus de 60 lettres consacrées
à cette recherche qui, à son point de vue, en vaut
la peine et permettrait de retrouver la musique des anciens qu'ils
croient avoir été sauvegardée en
Orient.
- Il faut découvrir enfin la
musique des anciens :
- "Ce beau secret de
l'antiquité y ayant des braves hommes qui travaillent
maintenant en divers lieux de l'Europe sur la plus excellente
musique des anciens Grecs et
Romains" (53).
- Il continuera inlassablement ses
recherches et Mersenne eut le temps d'utiliser certaines de ces
informations. Quant à Peiresc, il se chargea de tous les
frais imposés par ses correspondants.
- Mersenne n'avait pas seulement
besoin de son ami pour des recherches actives en France ou
à l'étranger. Il le considère comme un
correcteur avisé et indispensable. Aucun autre correcteur
ne sera consulté par le Minime.
- Au cours de la publication de
l'Harmonie universelle, Peiresc est tenu par Mersenne, au
courant de la rédaction :
- "Je vous envoye encore le
livre De la voix et des chants. Je desire que vous le parcouriez
affin de m'en dire votre jugement affin que s'il y a quelque chose
qui vous choque, je le puisse amander dans ma préface
devant les errata" (54).
- Une pareille affirmation
dénote l'estime que Mersenne portait à son ami. Elle
permet de comprendre combien le Minime appréciait sa
façon de penser et de rectifier s'il en était
besoin, des expériences ou même des théories
fussent-elles musicales ou mathématiques.
- Dans cette même lettre
Mersenne promet la communication du 3e Livre du
Mouvement demandé par Peiresc :
- "Je vous l'envoyeray si tost
qu'il sera achevé comme j'ay faict des aultres". Et la
conclusion, c'est l'assurance de
Mersenne (55) :
- "Gardez vous bien de croire,
Monsieur, que je désire aultre chose de vous que vostre
amitié qui m'est plus precieuse que quoy que ce soit au
monde" (56).
- C'est une formule qu'il redit
sous une forme ou sous une autre. Il était convaincu de son
évidence.
-
-
-
-
LES
DEDICACES
-
-
- Nous sommes en 1634.
- Mersenne et Peiresc se
connaissent un peu mieux. Le Minime reste plongé dans sa
musique et dans une vaste vie intellectuelle qui s'étend
depuis la religion et la philosophie jusqu'aux découvertes
des plus récentes et les plus déconcertantes. Son
ami continue à s'intéresser à la science
comprise dans sa généralité. Il entretient
une correspondance assidue avec les savants. Il reçoit
beaucoup. Il s'active pour prêter un concours efficace
à ceux qui de près ou de loin ont recours à
sa compétence ou à son
dévouement.
- Et en cette année 1634,
Mersenne qui travaillait à son Harmonie Universelle
au moins depuis 1623 perfectionnait son texte et rencontrait
quelques complications afin de trouver des éditeurs non
seulement pour les techniques de composition (surtout en musique),
mais aussi pour couvrir les prix d'une production qui se
promettait peu avantageuse à la vente. Chez Peiresc il
avait apprécié une sympathie compréhensive.
Il avait déjà écrit de lui dans l'ouvrage en
préparation :
- Monsieur Peiresc d'Aix qui est
le plus rare homme de
l'Europe (57).
- Mersenne décida d'avoir
recours à lui :
- "Voyant que j'ay achevé
mon grand oeuvre de l'Harmonie
Universelle et qu'il
merite à mon advis, d'estre dedié à un
personnage de merite qui sache faire cas des choses qui ont
cousté plus de 10 ans de labeur assez particulier et quant
et quant que nos libraires ne sont pas assez hardis d'entreprendre
un livre de 300 feuilles de cette nature, si l'on ne leur donne
quelques avance, j'ai premierement voulu sçavoir de vous si
vous le désirez luy donner la vie et vous rendre le
protecteur. Ils demandent cent escus et disent qu'il coustera
mille escus à l'imprimer. Si je n'estois lié
à ma condition, je le ferois imprimer propriis impensis,
affin qu'il n'eust que les honnetes hommes qui en eussent. Vous
verrez ce qu'il vous plaira
repondre" (58).
- Une dédicace, au
XVIIe siècle exigeait la mention des
qualités de celui qui était honoré, mais elle
supposait, en retour, une aide plus ou moins
substantielle (59).
- Avec Peiresc, Mersenne agit
différemment : il le traite comme un ami, et lui demande,
sans détours, l'aide pécuniaire dont il avait
besoin. Quant à la dédicace c'était une
façon de remercier celui qui avait déjà tant
oeuvré pour l'aider, et dont il voulait faire
connaître la valeur au monde entier.
- Peiresc au contraire est
gêné de l'honneur que Mersenne veut lui faire :
pour lui, une aide amicale ne demande pas de
récompense :
- "Je serois bien marry qu'il
eust tenu a cent escus de ma petite bourse que ceste belle
pièce ne vist le jour. C'est pourquoy vous pouvez faire
estat que je vous les feray tenir par un de mes amis... Mais pour
la dedicace, je vous supplie de croire que je reçois ce
grand honneur et advantage la bonne volonté qu'il vous
plaict me temoigner et ne vous suis pas moins redevable que sy
l'effet s'en estoit ensuivy, vous suppliant neantmoins de choisir
une personne plus relevée et plus digne de ceste
faveur..."
- Cependant, ayant
réfléchi sur cette répulsion de Peiresc pour
la dédicace, Mersenne insiste au printemps de
1634 :
- "Je m'estonnerois que vous ne
vous croyez pas digne d'une dédicace de mon ouvrage attendu
que je ne connois personne qui la mérite mieux que vous
puisque vous aydez sa fabrique en toutes sortes de manières
jusqu'à faire venir de l'orient ce que l'on auroit
seulement grande peine
d'esperer" (61).
- Le 8 juillet 1634, Peiresc
annonça l'envoi de sa contribution
financière : "celle-ci ne sera que pour accompagner
la petite partie de cent escus que vostre imprimeur a
désirée pour ayder aux fraiz de l'edition de vostre
ouvrage Harmonique, laquelle je vous avois promise par Mr le
prothonotaire Aguillenquy, mon
cousin..." (62).
- Cette nouvelle est
confirmée par une lettre de Peiresc à Jacques
Dupuy : "Mr le prothonotaire Aguillenquy... partit d'icy
sammedy... et se chargea de quelque chose que le bon P. Mercene
attendoit quelque temps y
a" (63).
- On peut admirer
l'élégante délicatesse de la
formule.
- Mersenne accusera
réception de la somme et exprimera sa
reconnaissance :
- "... Je manquerois grandement
à mon devoir si je n'ajoutois celle-cy pour vous assurer de
vostre liberalité par les mains de Mr vostre cousin... et
quant et quant pour vous en remercier... Il y a 20 escus d'or, 13
pistoles d'Hespagne, un quadruplé d'Italie, 29 demies
pistoles et 40 sols. J'espère qu'il sera employé si
fidellement que vous en recevrez du contentement avec l'ayde de
Dieu" (64).
- Envoyant à Peiresc de
nouveaux cahiers de l'Harmonie Universelle, Mersenne
exprime à nouveau sa gratitude :
- "Je ne doubte nullement que
les livres du volume que je vous envoye ne vous soient agreables
puisque vous leur avez donné l'estre en les tirant de la
poussière pour leur faire voir le jour dont ils n'eussent
pas jouy sans une main assez bonne et assez puissante pour les
tirer de l'obscurité comme vous avez
faict..." (65).
- Nous sommes au siècle de
la préciosité. Mais les formules employées
par le Minime sont nécessaires et on ne peut le
blâmer d'un vocabulaire un peu dramatisé.
- La décision de Peiresc au
sujet de la suppression de la dédicace semblerait
définitive. Mais Mersenne propose d'amender les expressions
pour que rien ne puisse déplaire à son
correspondant :
- "Je ne feray rien en la
dédicace que je vous la communique devant affin que le tout
soit faict selon vostre souhait".
- Il avait alors insisté sur
les qualités de son ami sans quoi rien de bien n'aurait pu
être imprimé (66).
- La réponse de
Peiresc :
- "J'ay certainement à
vous remercier comme je le faictz de vostre bonne volonté
en mon endroit. Et à vous dire ingenument et sans cajoller
ou pour faire le renchery ou le desgousté, ains pour vous
parler franchement et selon mon humeur que je n'ay point friandise
à cez dedicaces de
livres" (67).
- Mersenne avait demandé que
le projet de la dédicace fût corrigé par le
destinataire et retourné à l'auteur. En fait on
avait oublié de mettre ce projet dans le paquet et on le
glissa plus tard dans un nouvel envoi.
- Déjà pourtant,
Mersenne précise une nouvelle fois qu'il ne veut pas
revenir sur le principe de la dédicace :
- "Je ne vous parle pas de la
Dedicace, vous pouvez seulement vous assurer que j'y procederay.
Dieu aydant, en homme d'honneur et que vous n'en recevrez que du
contentement" (68).
- Le 1er juillet 1635,
il annonce qu'il a un peu modifié le
texte :
- "J'ay un peu allongé
l'epistre dedicatoire que je mets au frontispice de mon oeuvre et
l'ay mise à peu prez en l'estat qu'elle demeurera sy ce
n'est que vous y veuilliez corriger quelque chose, soit en
ajoutant ou en diminuant ce qui me sera tres agreable comme tout
ce qui vient de vostre main... vous me la renverrez s'il vous
plaist corrigée de vostre
main" (69).
- Quinze jours plus tard, Peiresc
se défend encore :
- "... J'ay à vous
reiterer les très humbles et instantes prieres que je vous
ay cy-devant faictes de vouloir choisir une meilleure adresse que
la sienne,... mes infirmités et faiblesses d'esprit et de
corps n'estant que trop notoires...je ne peu que rougir de me voir
entre d'autres personnes que je suis indigne
d'approcher" (70).
- Mersenne, un peu rusé,
pose une question dont il connaissait déjà la
réponse :
- On me dit que vous êtes
baron d'une certaine seigneurie... Oui Peiresc était
baron de Rians.
- Peiresc confirme et Mersenne est
satisfait.
- Songeant à ajouter
à son livre de nouvelles explications, il demande à
son ami de continuer à lui adresser des remarques sur le
texte, car il se rend compte de l'aide que Peiresc peut lui
apporter :
- "Vous estes l'unique qui avez
le loisir de considerer mes imperfections pour y mettre remede
avant de passer
oûtre" (71).
- Enfin le 18 août, la
fameuse dédicace est achevée. Elle
précède les Traitez des Consonances, des
Dissonances, des Genres, des Modes et de la Composition (Livre
I) faisant partie de l'Harmonie Universelle. Le texte de
cette dédicace est très élogieux : il
remercie de l'attention que Peiresc porte aux travaux de son ami,
de ses libéralités envers tous les savants, de ses
recherches de documents en Orient, de ses accueils multiples et
chaleureux des écrivains, artistes ou
scientifiques.
- L'éloge était
très sérieux et véritable. Mais il donna
naissance à une plaisanterie de Mersenne : l'honorable
dédicace fut traduite en latin et figura dès le
début des Harmonicorum Libri (72).
Cet ouvrage reproduit en partie le texte de l'Harmonie
Universelle et avait été rédigé
par le Minime pour ceux qui ne pouvaient profiter de
l'édition française. Et, s'il en était
besoin, voilà notre modeste Peiresc connu dans le monde
entier.
- Mersenne, avant la publication
officielle des Harmonicorum Libri (13 novembre 1635) en
envoya la première page à Peiresc qui lui
répondit le 19 novembre 1635 sans trop se formaliser de la
plaisanterie :
- "J'ay receu par le dernier
ordinaire une lettre de vous sans datte, accompagnée de la
premiere feuille de vostre Epitome harmonique en latin où
je n'ay pas esté moins surpris que honteux de me voir
derechef mis en drap blanc avec tant d'excez de vostre
honnesteté et tant de manquement en moy de tout ce que vous
voulez y faire paroistre de plus remarquable... vous me prenez
pour un aultre si vous vous laissez persuader que je sois bient
friant de ces
honneurs" (73).
- Le mot de la fin, en novembre
1637 : Mersenne à Peiresc :
-
- "Vous n'avez nul sujet de me
remercier de cette deuxiesme dédicace puisqu'ou je me
trompe et tous avec moy, ou vous meritez que tout ce que l'on fait
d'excellent ez sciences vous soit dédié puisque vous
vous portez si genereusement pour les faire reussir à la
perfection. Et je vous prie de croire que je n'ay pas mis la
moitié de ce que j'y eusse peu
ajouter" (74).
-
- Au XVIIe siècle
Au lieu de se situer l'un par rapport à l'autre dans un
rapport de dépendance, le mécène et son
protégé se retrouvent de plain-pied et presque sur
le pied de l'amitié (75).
-
-
-
REPROCHES
AMICAUX
-
-
- La très sincère
sympathie qui unissait Peiresc et Mersenne leur permettait une
collaboration scientifique pertinente et fructueuse. Mais du
côté de Peiresc elle alla beaucoup plus
loin.
- Certes le Minime était
souvent traité de bon père par ses visiteurs ou ses
lecteurs. Malgré l'apparence, un tel vocable n'était
pas décisif, car au XVIIe siècle,on
l'employait assez souvent pour désigner un prêtre ou
un religieux. C'était vrai pour Mersenne. Mais Peiresc put
remarquer chez son ami des paroles inadmissibles et qui risquaient
de devenir injurieuses. La caractéristique de l'ami c'est
qu'il puisse donner des conseils pertinents pour réformer
les défauts de celui qui partage son amitié. C'est
cet apanage qui détermina Peiresc. Il ne faut pas
médire. Quand on le faict écrira-t-il plus
tard, il me semble qu'on me donne un soufflet.
-
-
QUATRE TEMOIGNAGES
:
-
-
- 1) Le premier cas se
trouve dans l'attitude de Mersenne envers la cabale. A ce propos,
Peiresc écrivait :
- "S'il m'estoit loisible de
vous faire une prière que vous trouverez possible trop
libre, je vous prierois volontiers de vous abstenir de tancer
personne d'ignorance ni de lourde faute sans necessité
urgente pour n'induire personne à chercher de vous mordre
en vengeance" (76).
- Ces remarques devaient tenir
Peiresc bien à coeur, car il en fait allusion auprès
de Jacques Dupuy en demandant son aide pour convaincre le
Minime :
- "Je lui escripts en
réponse d'une sienne lettre et vous envoye la mienne pour
voir la liberté que j'y prends et me seconder s'il vous
plaict à la première
vue" (77). Pour lui Mersenne est un bon
savant, il devrait savoir se modérer dans ses critiques au
moins dans la forme. La réponse du Minime est assez
évasive : il va se corriger, dit-il. Mais il reste
dans une vague perspective, sans doute est-il un peu plus
explicite plus tard, car Peiresc le remercie
-
- "de ce qu'il vous a pleu de
faire de mes humbles supplications pour la conservation de vos
amys" (78).
- Peiresc une fois encore, en
quête d'un allié pour lui prêter main forte
dans son désir de réformer l'attitude du Minime
vis-à-vis de ses contradicteurs, avait cherché un
nouvel appui auprès de Jacques Dupuy. Ce dernier
s'était fidèlement empressé et avait
sermonné le Minime. Il en reçoit des
félicitations :
- "... vous remerciant de ce
qu'avez contribué pour le desmouvoir d'une partie de
l'austérité de son procédé avec les
gents de lettres dont il n'approuvoit pas les sentiments, dont il
se trouvera mieux sans
doute" (79).
- Cette fois, comme le demandait
Peiresc, Mersenne formule ses regrets sur ses dérives de
langage. Il prend même des décisions
sévères envers soi-même :
- "Or Monsieur, puisque vous me
voulez tant de bien, j'ay conceu un dessain que vous approuverez
s'il vous plaist, à sçavoir de vous envoyer toutes
les feuilles qui s'impriment l'une après l'autre (80) affin
que vous soyez le juge si j'useray d'une aigreur envers qui que ce
soit et que je suive vostre advis en tout et pour
tout" (81).
- Pourtant Peiresc ne se contente
pas de cette résolution. Il ne voudrait pas seulement
supprimer quelques aigreurs au fur et à mesure des
impressions successives. Il écrit le 13 août
1634 :
- "Vous reiterant surtout la
prière que je vous ay si devant faite de vous abstenir de
toute sorte d'aigreur et de paroles piquantes, rudes et
subjetées à sinistre
interprétation..." (82).
- Il vaut même mieux
éviter le plus grand nombre de discussions et de
réfutations : ce qui importe le plus c'est la
vérité au lieu du combat. Mersenne va essayer
d'obéir dans ses publications. Par bonne volonté il
se refuse d'offenser Peiresc :
- "Sans vouloir contester avec
vous d'aucune chose sur ce que vous me mandez, si j'ay failli
ça esté pour parler trop franchement, quoyque je
fusse fort éloigné de croire que vous en deussiez
offenser. Je vous prie donc une fois pour toutes que ce que vous
trouverez de trop libre en mes lettres pour le jugement que je
fais de quelques uns, que cela ne passe point vos yeux et vostre
reconnaissance, car en ce cas je recevray trez humblement toutes
bonnes remontrances et acourciray ma
liberté" (83).
-
-
- 2) Un deuxième cas
où Mersenne trouva beaucoup de difficulté pour
garder son calme, ce fut dans ses rapports avec Campanella, un
dominicain qui avait connu la prison à Naples et qui avait
risqué à Rome de perdre la vie (84).
C'était un vieil adversaire pour le Minime qui dans les
Quaestiones in Genesim l'avait classé parmi ceux
qui flamman sentiant et fumo
incantentur (85). Il l'avait
accusé de fausseté et de mensonge. En effet comment
croire un individu qui s'imaginait que les planètes
étaient habitées ? Comment accepter que l'on se
trompe dans la chute des corps ? Comment croire à
l'astrologie judiciaire (86). Comment
établir que la philosophie dépende des sens ?
Comment peut-on nier l'existence du vide ? Pourquoi
n'apporter aucune preuve ?
- Pour Mersenne c'était
grave même très grave. Il avait écrit au moins
trois lettres à cet être pervers. On n'avait pas
répondu aux deux premières. A la troisième,
on s'était perdu dans les
généralités.
- Alors Mersenne ne voulait plus
entendre parler de l'individu. Et il était tout prêt
à trouver de nouvelles invectives.
- Mais il y eut changement.
Campanella remplaçant le costume de son ordre par celui des
Minimes s'était enfui de Rome. Il prend le bateau et
débarque à Marseille le 22 octobre 1634. Huit jours
plus tard il est à Aix chez Peiresc.
- Dans cette maison qui s'ouvrait
si souvent par dizaines de fois devant des visiteurs si nombreux
et si variés, il est bien accueilli. Avec Peiresc et
Gassendi, il étudie la conjonction de Mercure et du Soleil.
Les discussions périlleuses sont
évitées.
- Toujours sous l'habit de Minime
il part pour Paris. Peiresc l'adressa à Mersenne. Ce
dernier se souvenant des prescriptions de son ami, accepta de le
recevoir et s'imposa une retenue, pour lui bien malaisée.
Son accueil sans doute prudent fut peut-être aimable.
Peiresc l'apprit et lui écrivit :
- "J'ay sceu avec qulle retenue
et modération, vous aviez compati à l'estat
où se trouvait le bon P. Campanella à son
arrivée, dont je vous scay bon
gré" (87).
- De fait Mersenne ne s'en vanta
pas et garda le secret de cette visite.
- Devant la Cour, Campanella fut
présenté par Richelieu à Louis XIII. Un peu
plus tard Mersenne le reçut à nouveau. Pas
d'injures, ni de grise mine, mais des réserves
platoniques :
- "J'ay appris qu'il ne nous
apprendra rien dans les sciences. En l'interrogeant, je n'ay pas
trouvé qu'il sceust seulement ce que c'est que
l'octave" (88).
- Le 17 mai 1635, discussion entre
les deux religieux sur l'astrologie judiciaire. Mersenne
écrit à Peiresc :
- "Assurez-vous que je l'estime
autant que qui que soit, mais quand on me dit qu'il avoit
assuré que tous les esprits de France n'estoient
rien"
(89).
- Mersenne s'en étonne avec
trop de vivacité et
-
- "... Si vous trouvez que j'ay
beaucoup peché en cela, je passerai par où il vous
plaira..." (90).
- La réserve du Minime est
touchante. Il tient tellement à l'amitié de Peiresc
qu'il cherche des formules pour excuser son attitude, normale
pourtant puisqu'il s'agit de critique littéraire
habituelle. Non de civilité.
- Peiresc, parlant à Diodati
de l'attitude de Campanella :
- "Je vois qu'il a bien
commencé, puisqu'il a donné fort bien puisqu'il
s'est donné la peine d'aller visiter le bon P. Mersenne,
car bien qu'il se fusse autrefois assez mal comporté en son
endroit, je sçais qu'il en estoit fort repentant et m'en
avoit escrit qu'il se seroit volontiers sacrifié pour
luy" (91).
-
-
- 3) Troisième
circonstance où Peiresc se crut obligé de raisonner
Mersenne ce fut pour calmer le Minime dans son texte où il
attaquait Galilée sur le mouvement. Il en écrit
à François Luillier (disciple et ami de Gassendi et
Conseiller au Parlement, maître des comptes). Il veut
dissuader le Minime de ses tentaives de combat. Il prie Luillier
de s'entremettre auprès de Mersenne et de se procurer une
copie du texte pour essayer d'éviter le pire : on
pourra peut-être amender le passage ou le supprimer. Il
transmet la même demande à Mersenne : Il faut
éviter
- "... toute querelle qui peusse
blesser l'esprit d'un homme que toute l'Europe estime tant et qui
sera à l'advenir en si grande vénération en
la
postérité" (92).
- Mersenne répondit le 17
septembre :
-
- "... affin que vous ayez le
contentement de voir l'hônneur ou la modestie avec laquelle
je me suis comporté avec Galilée. Toute le livre est
encore en vostre disposition et privati juris... de sorte que si
vous y trouvez quelque chose à redire ou de trop rude, je
suis prest de l'oster
entièrement" (93).
- Le tiré à part fut
aussitôt envoyé, mais il eut des problèmes de
transmission. Le 2 octobre Peiresc n'avait encore rien
reçu.
- Le 12 octobre Mersenne s'en
étonne, inquiet du silence de son ami, et reprend la plume
le 17 novembre :
- "... Je ne puis m'imaginer que
vous ne soyez mary de ce que j'ay dict contre les propositions du
Sr Galilée. Mais considerez que nous sommes comme luy et
que parlant après luy du mesme sujet qu'il a
entamé..., ce nous serait quelque deshonneur d'avoir
celé ce qui ne correspond pas à la
vérité puisque nous faisons profession de sapper
l'erreur où nous la trouvons sans prejudice d'aucun...
Neantmoins dechargez hardiment vostre coeur et commandez tout ce
que vous voudrez, mais aprez avoir leu ce dont il est question,
car je voy bien par vos lettres que vous n'avez pas leu mon Livre
des Mouvements... Ce qui soit dit sans prejudicier à
l'obeissance de vos commandemens futurs, touchant la suppression,
amendement ou changement de ce livre et de quelque autre que ce
soit"
(94).
- La réponse de Peiresc (2
décembre 1635) fut ajournée par suite d'importants
retards dans le courrier. Lui-même fut retenu au lit pendant
près d'un mois par des accès de fièvre. Et
c'est encore malade qu'il s'occupe des réactions contre
Galilée :
- "Quant au Sr Galilée,
je ne pense pas qu'il puisse estre defendu de tenir des avis
contraires puis mesmes que vous avez des experiences contraires,
mais je vouldrois que ce fust en des termes, non pas de
contradiction, ains seulement de proposition modeste comme de
choses problematiques et qui seroient peultestre bien soutenables
par d'autres raisons que les
siennes"... (95).
- "Je veux dire que de ces
grands personnages, il ne fault pas rien blasmer legerement, ains
supporter charitablement tout ce qui peult estre supportable sans
s'amuser à leur aller sentir les pieds. Si l'odeur n'en est
pas suave, il s'en vault mieux esloigner le
nez" (96).
- Les comparaisons employées
dans les dernires lignes ne ressemblent pas à celles dont
on se sert dans un texte de style que l'on dit
élevé. Elles ont l'avantage d'être claires et
de montrer qu'elles tiennent bien place dans une conversation
entre deux amis.
-
-
- 4) Un quatrième
cas : Gilles de Losches. Ce capucin jusqu'en 1626 avait
passé sept ans en Orient où il avait dirigé
la mission de son ordre. Il connaissait plusieurs langues et avait
retrouvé plusieurs manuscrits intéressants. On
pourrait penser qu'il serait bien accueilli à son retour en
France. Mais dans le monde savant il ne fut pas toujours
traité avec affabilité.
- Certes, il fut bien reçu
par Peiresc qui entreprit de le faire connaître à ses
propres correspondants.
- Le 1er mai 1634 avait
commencé l'affaire du manuscrit arabe et celle de la
musique des Mores. C'est Peiresc qui avait reçu le
manuscrit du Caire, un manuscrit écrit en arabe et
truffé de vocables que l'on croyait persans. On pensait
qu'il répondait à toutes les demandes que Peiresc
avait formulées en Orient pour aider Mersenne dans la
rédaction de l'Harmonie Universelle.
- Dès réception,
Peiresc avait transmis le manuscrit à Mersenne qui
malheureusement ne trouvait personne pour déchiffrer le
texte. Peiresc serait prêt à subvenir aux frais
demandés par un spécialiste. Mersenne aurait voulu
le confier à Gabriel Sionita, compétent en arabe. Ce
dernier est absent de Paris. Et l'on cherche à trouver un
autre traducteur idéal. Mersenne croit que Mr Hardy pourra
s'en tirer. Peiresc en doute un peu, il propose de chercher au
Caire ce fameux traducteur idéal. Puis il se désole
qu'on ne découvrît personne. On propose
l'orientaliste Gaulmin. Mais Peiresc n'en voudrait pas ; il
accepte de recourir à la fois à G. de Loches et
à Gaulmin. Il en informe Jacques Dupuy :
- "J'ay advisé de luy
(Mersenne) dire que le R.P. Gilles de Losches, cappucin qui
presche maintenant à Orléans peut faire cela mieux
que tout autre, car il a une grande cognoissance des principales
langues orientales... Je leur en écris à tous deux
pour accelerer l'expedition (du manuscrit)... Le pauvre Mersenne
l'avoit meprisé tant qu'il l'avait peu..."
- Mersenne devra donc le remettre
à Dupuy qui le fera parvenir au
capucin (97). Pendant ce temps Saumaise qui s'y
intéresse recommande, comme l'avait fait Mersenne, Gabriel
Sionita. Mersenne continue à ne pas suivre la solution
préconisée. C'est bien triste, dit Peiresc en
l'assurant qu'en cas de publication,
- "... je pourvoiray que
l'honneur vous soit reservé tout
entier" (98).
- Le Minime garde toujours le
silence et le manuscrit.
- Peiresc
insiste :
- "Quant au livre arabe
manuscrit, je suis marry qu'il ne soit plus digne de vostre
curiosité et ne doubte pas dde vos bonnes intentions en mon
endroit" (99).
- Quinze jours plus tard il revient
à la charge et le ton qu'il emploie montre sa
déception :
- "Je m'estonne que vous
condamnez comme vous le faictes cet autre bon pere que vous
imaginez entendre fort peu le langage de ce livre manuscrit arabe
et estre entierement incapable de vous donner du soulagement
là-dessus (car ce sont vos propres termes qui m'ont
certainement un peu
scandalisé" (100).
- Dans un billet adressé,
par Peiresc à Du Mesnil il se montre plus
véhément et encore plus déçu de
l'attitude de Mersenne qui temporisait toujours.
- Le 17 mai 1635 Mersenne
écrit à Peiresc, il insiste sur ses propres
dispositions à bien faire. Il n'a jamais vu Gilles de
Losches et veut bien croire Peiresc quand il assure que le capucin
est capable et dévoué. Il fera des démarches
auprès de Gaulmin qui essaiera de traduire certaines
parties du manuscrit :
- "Si tost que je l'auray
osté de mes mains je le bailleray à Mr du Puy pour
en faire selon vostre volonté... Mr Hardy m'a assuré
que le P. Capucin n'est pas capable de bien faire, ne sachant pas
si bien l'arabe que
luy" (101).
- Enfin le 5 juin, une lettre de
Peiresc à J. Dupuy :
- "Je suis bien ayse que vous
avez retiré le manuscrit arabique de la
musique"... (102).
- Il a fallu plus d'un an avant
d'arriver à cette solution. Peiresc avait montré sa
fermeté à laquelle Mersenne a finalement
obéi. Peiresc écrivit à son
ami :
-
- "Vous ne vous trouverez jamais
bien de mesdire de personne. Vous scavez ce que je vous en ay dict
si souvent. Pour l'amour de Dieu abstenez vous en à tout le
moings dans les lettres que vous m'escrivez... Quand ce sont de
mes amys particuliers, il me semble qu'on me donne des
soufflets !" (103).
- Cette dernière formule,
déjà citée plus haut montre bien la
sensibilité de Peiresc qui s'allie à une
fermeté raisonnée.
- Le minime fera parvenir des
nouvelles de la traduction qu'il a reçue. Le 15 juillet
1635, G. de Loches lui écrit qu'il faut "espérer
mais attendre" et le minime n'a pas critiqué le capucin
de façon acerbe. Peiresc félicite Mersenne de sa
délicatesse.
- Entre Peiresc et Mersenne il ne
sera plus question de ce manuscrit et de ses
traductions.
- Malgré des
caractères très différents, on peut constater
qu'un solide attachement arrive à aplanir les
divergences.
-
-
-
-
LES DEMANDES DE
PEIRESC
-
-
- Il faudrait un volume pour citer
les questions que s'adressent Mersenne et Peiresc. Tous les
domaines sont abordés : la religion, la musique, les
sciences, les prodiges, la philosophie, les guerres, les nouvelles
découvertes...
- Souvent Mersenne indique les
sujets qui l'intéressent. Et son ami très
fidèlement répond aux demandes, donne des
réponses précises s'il les connaît ou
s'empresse de chercher des renseignements... Quant à
lui-même, il posa fort peu de questions nécessitant
de nombreux échanges de correspondance. On peut, en
revanche, signaler ceux des fontaines et celui du triangle dans un
cercle.
-
- 1) Les
fontaines.
- Depuis longtemps
déjà Peiresc s'était intéressé
à la distribution de l'eau dans les fontaines
privées ou publiques. Il semble surtout avoir eu besoin de
précisions circonstanciées pour ses propres jardins
à Aix ou à Belgentier (où il fit construire
un aqueduc).
- Il consulte donc Mersenne le 1er
mai 1634 sur les techniques des répartitions de l'eau
"avec les noms propres qui y sont employez vulgairement ;
ensemble pour les noms propres de toutes les machines, tuyeaux,
canaulx, aqueducs, robinets, bassins et toutes aultres
appartenances tant de la fabrique et de la conduitte pour de
l'ornement, despartement et mesurage de telles eaux et fontaines
publiques et particulières et de la proportion soit du
temps ou des espaces par où l'on faict passer les dictes
eaux"... (104).
- Demandez à M. Gailhard
(avocat) de faire les demarches necessaires.
- Mersenne répond rapidement
: il n'a pas grande confiance dans les ouvriers qualifiés.
Pourtant il raconte qu'il est allé "voir celuy qui
gouverne les fontaines de Rougi et de Belleville....il m'a
representé quantités de difficultés... Il
faudrait envoyer des entrepreneurs".
- Et paraît-il, il faut donc
faire appel à toutes sortes de spécialistes
(massons, carpentiers, limosins pour la taille des pierres,
plombiers, etc.) et un chef par dessus tout qui gouverne et qui
regle toutes choses. Il faut noter aussi que des vents compliquent
l'écoulement et empeschent souvent l'eau de couler et
mainent de grands bruits comme des cris de taureaux, de pourceaux,
etc) (105).
- Le 18 juin et le 16 juillet,
Peiresc qui a reçu la lettre précédente,
remercie et précise qu'il s'intéresse au
diamètre des tuyaux et que les "cris des taureaux et des
pourceaux sont remarquables... Il voudrait connaître les
noms de tous les instruments tuyaux, canaux, rigolles,
robinets, bassins ronds et quarrez ou irreguliers et tous les
termes qui peuvent servir et secourir ceux qui n'ont pas le bon
langage naturel
français"... (106).
- Toutes les précisions
seront bien accueillies et son correspondant estime que Mersenne
est tout à fait capable de répondre à des
questions qui sont la base d'un savoir exact et
complet.
- Le Minime, le 26 juillet se
félicite d'un échange de lettres fréquent
entre eux. Il promet une documentation rigoureuse, car il est
entré en relation avec Mr. Glain c'est lui qui gouverne
les eaux. Ce personnage a montré toutes sortes
d'instruments qui sont employés dans la
spécialité (107).
- Le 28 juillet Mersenne devait se
rendre avec le Maistre des fontaines pour étudier
les secrets de la distribution des eaux, mais un
contre-temps ! Le Sr Gailhard (dont il a été
question plus haut) n'a pu trouver de carrosse. Il espère
en découvrir un dans une huitaine ou s'en faire
prêter, il promet d'écrire
aussitôt.
- Gassendi est appelé
à la rescousse. Il promet de venir pour aller
voir la fontaine de Belleville. Il pourra aussi
profiter du carrosse de Luillier.
- En fait il sera absent. Mersenne
seul assurera l'expédition et pourtant l'habit monacal
n'était pas bien de mise pour l'aventure projetée.
La science exigeant des concessions et le désir de rendre
service à un ami permirent à Mersenne de passer
outre. Quoi qu'il en soit, un dimanche, le Minime entreprit
l'entreprise hasardeuse...
-
- "... J'ay esté 1500 pas
en terre pour voir le canal des fontaines avec le maistre
d'icelles, mais le bruit des villageois au dessus de nos testes
estoit si grand que nous ne peusmes quasi rien observer. C'est
pourquoy, je l'ay prié de me prester ses clefs pour quelque
jour ouvrier afin de n'estre troublé de personne et de
n'incommoder point ses affaires, car il m'accompagna un jour de
feste" (108).
- Le récit de cette
expédition monacale enchanta Peiresc qui exprima sa
gratitude.
- Une autre enquête du Minime
commença mal : il se trouva en face d'une promesse non
tenue :
- "Un certain fontaigner qui
travaille pour Mr de Liancourt m'avait promis... de ne s'en aller
pas de cette ville sans me donner toutes les parties de ce qu'il
faict de ce qui appartient à la conduite, canaux, aqueducs
et fontaines. Mais il ne m'est pas encore revenu me voir.
Sitôt que j'en auray quelque chose, je vous
l'envoyeray" (109).
- Le mémoire du fontainier
sera bien donné à Mersenne. Il le fit parvenir
à Peiresc qui envoya mes tres humbles
remerciements.
- D'autres renseignements sont
demandés auprès d'autres spécialistes par
Peiresc.
- Mersenne écrit qu'il lui
est difficile d'interroger à nouveau le fontainier de Paris
qui pourrait s'imaginer qu'on veut lui enlever sa
clientèle. C'est le regret de ne pouvoir aller plus
loin.
-
- 2) Le triangle dans un
cercle.
- Comme beaucoup d'intellectuels du
XVIIe siècle Peiresc connaissait les
mathématiques au moins dans leurs
généralités. Il écrivit à son
ami lors de la préparation de l'Harmonie
universelle :
- "J'attendray principalement
avec impatience vostre second Livre pour voir comment vous y
representerez la quadrature du cercle, la duplication du cube, la
proportion et dimension de la diagonale et aultres choses jusques
icy totalement incognues et
inconcepvables" (110).
- Ces pensées
élogieuses pour Mersenne sont reprises par Peiresc
auprès de Bourdelot (Michon) dans une lettre du 6 septembre
1634. Il informe de l'interêt de l'ouvrage en
préparation :
- "... vous y verrez plusieurs
particularitez. Par exemple ce qu'il a trouvé des
proportions harmoniques pour la quadrature du cercle, les
proportions du temps et du bruict tant de cloches que des coups de
canon et du transport des boulets, mesurées avec le
battement du poulce et mille autres raretez non encore
ouyes" (111).
- C'est auparavant, le 18 juin, que
Peiresc a posé à Mersenne le problème du
triangle inscrit dans un cercle :
- "Je vous prie d'examiner les
proportions et dimensions de la figure cy-jointe et specialement
du triangle de lignes courbes qui est enfermé dans le
cercle pour voir si vous y trouveriez rien qui eusse du rapport
à vos tons et proportions harmoniques ou à quelque
autre myustère de vostre
philosophie" (112).
- Mersenne répond le 2
juillet :
- "Je me souviens d'un papier ou
vous envoyez un triangle équilatéral inscrit dans un
cercle pour scavoir s'il a de la correspondance avec de la
musique. Je ne scay pourquoy vous le demandez, mais il est
certain, car il represente le diapason diapenté et
l'octave" (113).
- Peiresc n'avait pas encore
reçu la lettre précédente de Mersenne. Il
revient à la charge :
- "Pour la figure du triangle de
lignes courbes dans un cercle, je serais marry de vous donner de
la peine inutilement, mais si vous avez envie de m'obliger comme
vous en témoignez tant de bonne volonté, vous avez
plus de moyen de le faire en cela que vous ne vous imaginez. Car
les Anciens se sont servi de cette figure pour symbole de la plus
curieuse philosophie"... (114).
- Il suggère ensuite
quelques possibilités de réponse : "pas
seulement harmonie du diapason, du diapente et de l'octave, mais
une infinité d'autres choses qui comprenoient les principes
de la primitive philosophie"...
- Mersenne répond le 26
juillet :
- "J'ay encore oublié le
triangle inscrit, c'est pouquoy j'ajoute le feuillet
séparé" (115).
- Ce feuillet séparé
comporte toute une page.
- "Si celuy qui a entrepris la
louange et l'étendue du ternaire et du triangle inscrit est
geometre, il n'est pas necssaire de l'advertir d'aucune chose
puisque l'analyse peut lui fournir de solides conceptions sur ce
sujet"... (116).
- Malgré tout, la
réponse du Minime reste dans le vague.
- Peiresc s'en aperçoit et
dans sa lettre trois semaines plus tard il est un peu
déçu :
- "Ce que vous mandez de la
figure du triangle dans le cercle est bien succint et ne touche
pas enchore ce que vous serez bien aise un jour d'y avoir
trouvé. Et fault exprimer la différence du triangle
des lignes courbes dans celuy des lignes droites. N'y
plaignés pas quelque journée pour l'amour de moy et
ne vous imaginées pas que vostre temps i soit
perdu" (117).
- Mersenne dans sa réponse
marque un peu d'énervement :
- "Pour la figure dans le
triangle, je vous dis encore de nouveau qu'il n'y a que trois
accords divers dans la musique, le reste n'estoit que
repetition... Vous transcrire tout ce que dit Bongus sur le
ternaire ce seroit vous envoyer mal escrit ce que vous avez
imprimé. Je ne scay point quel autre mystere on y peut
rencontrer ; s'il m'en vient quelqu'un à la pensee, je
vous l'ecriray".
- Un peu plus tard, il revient
auprès de Peiresc sur les lettres
précédentes :
- "J'ay souvent pensé au
nombre ternaire dont vous m'aviez parlé, mais je n'ay peu
rien m'imaginer sur cela qui ne soit vulgaire ou dans les
livres" (118).
- Le remerciant des renseignements
reçus, Peiresc, le 19 décembre 1634, semble mettre
un terme à ses demandes mathematico-philosophiques
auprès de Mersenne.
- "Je vous remercie... du
souvenir qu'avez conservé de ma priere sur les recherches
des mystères de la figure triangulaire dont je ne vous ay
pas voulu endosser la peine pour croire qu'il ayt rien de la vertu
qu'aulcuns attribuent aux nombres. Mais je n'y cherche que de
recongoistre de ce que les Anciens en ont creu, pour juger des
fondements de leur crédulité et des superstitions
qui s'y estoient glissées qui peuvent tant ayder à
la cognoissance des mystères de la religion du paganisme et
particulierement à celle de leurs ora qui est encores si
obscure et si cachée. C'est pourquoy si vous trouviez le
loisir de rediger par escript tout ce que vous pourriez imaginer
ou emprunter des livres qui vous sont à la main concernant
cette matiere, vous m'obligeriez de le
faire"... (119).
- Le texte de Peiresc pourrait
clore la discussion. Il n'en est rien. Le 15 janvier 1635,
Mersenne reprend la plume et donne une nouvelle dimension à
ses anciens propos :
-
- "Or, je viens maintenant
à votre triangle fait de lignes courbes et inscrit dans le
cercle sur lequel il est impossible de vous rien dire qui vaille
la peine d'estre remarqué... On peut tirer une
infinité de parties de cercles qui toutes feront le
costé d'un triangle curviligne
equilateral" (120).
-
- Et dans un post-scriptum de la
même lettre :
- "Quant au nombre ternaire, je
vous assure qu'outre ce que je vous en ay escrit et ce qu'en dit
Bongus que vous avez sans doute, je ne scais rien. Et ne crois pas
que l'on puisse beaucoup ajouter à ce qu'il en dit, de
sorte que tout au plus, je ne vous envoyerois transcript que ce
que vous avez
imprimé" (121).
- La réponse est
donnée. Une fois de plus les deux amis s'étaient
rencontrés dans le travail d'étude et même
dans le cas d'une divergence d'opinions ils gardaient toujours un
ton amical et respectueux.
-
-
-
-
A TRAVERS VENTS ET
MAREES
-
-
- 1) Les vents
- Depuis longtemps, Peiresc
s'était intéressé aux vents, à leurs
descriptions, à leurs localisations, à leurs
forces... Gassendi était bien placé pour en
témoigner avec détails. Mersenne l'avait appris et
avait été mis au courant du vent qui soufflait de
Ponthias à Nyon en Dauphiné et qui se
caractérisait par une extrême
fraicheur (122). De son côté il
s'était intéressé aux souffles de l'air pour
des questions musicales. C'en était assez pour chercher des
précisions auprès de Peiresc :
-
- "J'ay lue les belles remarques
du Ponthias par la faveur de Mr Du Puy. La chose est digne de
grande considération et particulièrement ce que vous
avez observé de Venise à
Trente" (123).
- L'allusion à l'Italie
rappelle les voyages de Peiresc qui répondit avec
complaisance et promit de chercher d'autres
témoignages :
- Mersenne
insiste :
- "La relation que vous feites
de ce vent qui se distribue dans les terres de Venise et dans les
jardins voisins m'a pleu si fort que je desirerois bien scavoir
l'éloignement du lieu avec quelque ville prochaine et les
noms latins et françois de tout ce qui concerne la
description affin d'en user dans la partie pneumatique de mon
Harmonie"... Il revient plus loin sur les vents de Mantoue ou
de Florence avec une allusion sur le savoir de son
ami (124) :
- si je l'avais veu comme vous,
j'en serois hors de peine.
- Peiresc répond assez
rapidement (avec une allusion à la ville de Peiresc). Il
regrette de ne pouvoir donner d'autres
précisions :
- "Bien marri de ne vous pouvoir
envoyer sitôst celle que vous me demandés concernant
les vents parce que j'en attans d'heure à autre des
instructions particulieres et nommement de l'autre de la montagne
du Grand Cohier dans notre territoire de Peiresc qui est la plus
haute de toute la
Provence"... (125).
- Une douzaine de jours plus
tôt, il avait écrit à P. Dupuy qu'au dessus de
la même ville de Peiresc commence un vent perpetuel
qui peut se comparer à celui du Ponthias. Il avait
envoyé l'un de ses neveux pour contrôler le
phénomène tant de nuit que de jour. Gassendi
attribue ces observations à Malian (médecin à
Remiremont en Lorraine) qui était venu constater le vent du
Grand Cohier.
- Le 19 décembre, Peiresc
demande qu'on l'excuse de son retard à donner ses
informations :
- "J'attends des nouvelles
observationz des vents pour l'assortiment que j'ay desja, que vous
prendrez plaisir de voir. J'ay si peu de temps... pour m'acquitter
de mon debvoir envers mes amys et mettre par escript ces petites
curiositez" (126).
- "Le 2 février 1635,
Mersenne lui demande des précisions sur des vents qui se
communiquent par robinets dans la patrie des
Venetiens" (127).
- La réponse de Peiresc
n'est pas connue. Mais les quelques documents cités plus
haut permettent d'apprécier l'aide que Peiresc apportait
à son ami lorsqu'il s'agissait de recherches
précises, pratiques autant que théoriques et souvent
couteûses.
-
- 2) Les
marées
- Depuis l'antiquité, on
s'était intéressé aux marées et
à leurs causes. Au XVIIe siècle,
Galilée a pu expliquer le phénomène en
soutenant qu'elles étaient une conséquence de la
rotation diurne de la terre (128). Mersenne dans
ses Questions inouyes avait voulu attribuer à la
lune une vertu de l'aymant, mais il convient, dit-il,
que la Terre donne le branle à la mer. Gassendi
acceptait les explications de Galilée avec quelques
modifications. En tous cas, il est certain que c'est
Galilée qui avait relancé les études sur les
marées. Mersenne et Peiresc l'avaient bien compris :
l'étude des flux et reflux pouvaient donner des
éléments pour s'interpréter par la rotation
de la terre.
- Ici encore il convient de
recourir à la Vie de Peiresc (129)
par Gassendi dans la description qu'il donne des recherches de
Peiresc à cette époque. C'est un
résumé suggestif de ses enquêtes auprès
des gens de la mer, enquêtes nécessaires pour essayer
de trouver une explication des marées.
- Le 19 mars 1634, par exemple, il
écrit à P. Dupuy :
- "Il fault que je vous envoye
encores une certaine conception sur le flux et le reflux de la mer
dont on m'avait fait grande feste, mais elle n'a pas
répondu à
l'attente" (130).
- Trois mois plus tard, Mersenne
qui lui aussi cherchait à multiplier les faits
précis plutôt que de solliciter la philosophie ou les
données scientifiques, apprend par Frénicle de Bessy
:
-
- "que pour les Canaries, il n'y
a plus presque de marées et que la mer n'y monte point si
ce n'est qu'il fasse grand vent... Au contraire, pres du Cap Vert,
la mer se haussait de 5 pieds au mois de
Septembre.
- Près de la Norvege et
audelà vers les pôles il n'y a plus de
marée" (131).
- Mersenne résume
auprès de Peiresc les indications données par des
pilotes excellens de Frénicle :
- "La mer n'a nul reflux vers
l'equinoctial ni du coste de l'Affrique ni de celui de l'Amerique
ni aux costes du Danemark et au-delà ; et que le plus grand
du monde est à St
Michel" (132).
- Les mêmes renseignements
sont répétés par Mersenne, quinze jours plus
tard.
- Peiresc exprime sa gratitude et
compte apporter des compléments par des mariniers de ma
connaissance ou par des religieux partant en mission. Il
souhaite davantage d'exactitude. Il remarque qu'en
Méditerranée, en face de Gibraltar, lorsque la mer
monte d'un coté elle descend de
l'autre (133).
- Le 26 juillet, Mersenne reprend
la plume pour apporter davantage de
précisions :
- "J'ai quasi oublié les
observations de flux qui consistent seulement à
sçavoir la relation unanime des pilotes qui disent tous
qu'il y a un point aux costes d'Affrique et par delà, ni
à celles de Norvège etc., mais delà depuis le
26e degré jusqu'au 66e. Et que le plus grand de tout le
monde qu'ils aient veu est au Mont St
Michel" (134).
- Les notations employées
pour faire le point sont acceptables pour Peiresc. En revanche
l'excessive minutie proposée par Mersenne avec son verre
d'eau, le fait sourire :
- "J'avoys pensé qu'en
mettant de l'eau de la mer dans un anneau creux de verre qu'elle
auroit peut-estre son flux et reflux de 6 heures en 6 heures comme
celle de l'Ocean, mais je suis trop eloigné pour en faire
l'experience et ne croy pas qu'elle se meuve séparée
de son tout non plus que le sang hors de sa
veine" (135).
- Ces remarques pouvaient pourtant
s'imaginer si l'on se rappelait que Drebbel, vers 1607, avait
construit pour le roi d'Angleterre et l'empereur Rodolphe II
à Prague des perpetua mobilia qui se mouvaient
grâce à des changements de température ce que
l'on pouvait peut-être interpréter comme une
imitation du flux et reflux de la mer. Peiresc en possédait
un exemplaire depuis plus de 10 ans (136) ce qui lui
permit de répondre à Mersenne que
l'appareil
- "avait faict fort constamment
son mouvement de flux et reflux fort apparant et fort
sensible ; mais d'avoir aulcune proportion au flux ou reflux
de la mer, c'est ce que je n'ay jamais peu
discerner" (137).
- Peiresc n'avait donc pas
accepté l'expérience de Mersenne comme une
stupidité. Cela ne l'empêcha pourtant pas de lui
recommander des méthodes plus classiques :
- "Votre observation des flux et
reflux est rompue trop courte. Il y faut des tenants et
aboutissants à tout le moings des noms des observations de
leur qualité, des lieux pris de l'observation et, s'il
estoit possible du temps, sinon de l'année, du moings de la
saison. Autrement, je ne scaurois y faire du fondement
solide" (138).
- Cette logique de travail est
excellente et Peiresc la pratique généreusement. Un
document conservé à Carpentras (Bibl. Inguimbertine,
ms 1821, fol. 279) concerne des observations faites par Peiresc
lui-même.
- Le 24 août 1634, Mersenne
écrit à son ami :
- "Pour le reflux, je ne peux
vous adjouter autre
chose" (139).
- A propos des pilotes
interrogés par Frénicle :
- "Je me rejouis de ce que vos
observations seront bien mieux circonstanciees, ce que j'eusse
aussi faict si j'eusse parlé avec
eux" (140).
- En revanche Peiresc continue avec
persévérance. Il continue à revoir des
mariniers. Il écrit de nombreuses lettres en France comme
en Tunisie...
- L'abondance des sujets
imposés par l'actualité a empêché les
deux amis de chercher d'autres pilotes capables de donner des
informations plus précises. Les étapes ont
été difficiles à franchir. Il convenait de
s'y arrêter. Les constatations des pilotes du XVIIe
siècle ne répondent qu'à une partie du
problème. Elles sont nécessaires, mais les causes
restent à découvrir.
-
- 3) Le canal entre les deux
mers
- Un projet qui passionna les deux
amis, ce fut celui que l'on appellera plus tard le canal du
Midi.
- Ils ne contribuèrent pas
à quelque intervention sur le dessein ni aux initiatives de
réalisation, mais il est intéressant de citer leur
enthousiasme et de voir comment l'un et l'autre se firent une joie
de fréquenter l'inventeur, Mr le Maire.
- Mersenne le premier en parla
à Peiresc le 26 mai 1635 :
- "Monsieur,
- Je ne sçay si je vous
escrivis dernierement qu'un excellent homme m'est venu voir de
Gascogne qui est venu trouver le Roy pour avoir permission de
joindre les deux mers par Bayonne et Narbonne, sans qu'il demeure
aucune difficulté de toutes celles qui se presentoient dans
les propositions de plusieurs autres qui s'en estoient meslez. Ils
sont quatre qui le veulent entreprendre sans qu'il en couste rien
au peuple ni au Roy. Il est fort habile homme en tout ce dont je
l'ay entretenu et parle avec un fort bon
jugement" (141).
- Le 1er juillet, Mersenne redit la
même nouvelle :
- "Nous avons icy un brave homme
qui est aprez a impetrer puissance du Roy pour joindre les deux
mers depuis Blay jusques a l'autre costé de la 60 lieues
sans demander aucun denier ni au Roy ni au
peuple" (142).
- Un autre correspondant de
Mersenne, Christophe Villiers, avait reçu la même
nouvelle et s'en était félicité. Il
répondit avant Peiresc qui, lui, s'enthousiasma du
projet :
- "La jonction des deux mers est
plus souhaitable que nous ne la pouvons esperer dans les temps qui
courent où il faut deplorer le reculement des Muses qui
debvoient bien estre employéees aussy bien que les armes.
C'est pourquoy je vouldrois bien voir ce personnage-là et
si je le tenois un jour, je pense que je luy ferois descouvrir de
bien plus grandes merveilles que tout ce qu'il peut avoir
faict" (143).
- Quant à Mersenne, qui aima
toujours des créations nouvelles, il continue à
espérer la construction de ce canal : il en écrit
à Peiresc le 12 octobre 1635 :
- "Je discours souvent avec
celuy qui poursuit ses despesches au Conseil pour avoir licence de
joindre le mer Oceane à la Méditerranée sans
qu'il en couste rien au Roy ni au
peuple" (144).
- Comme Mersenne, Peiresc montre
son vif intérêt pour l'invention et son
inventeur.
- "J'ay prins plaisir de voir...
ce que vous luy (145) dictes concernant le dessein du Sr. Le Maire
pour la jonction des deux mers, de qui je desirerais apprendre le
nom et sçauoir encores volontiers sa patrie et son aage et
aultres qualitez
principales"... (146).
- La réponse de Mersenne, le
17 novembre :
- "... Je viens maintenant
à M. Le Maire qui ne se nomme point autrement, car c'est
son nom. Il est champenois de nation et naissance et nourriture et
demeure de Thoulouse. Il vient maintenant de me visiter ; il est
deumuré tout ardent de vous voir lorsque je luy depeints
une partie de vos vertus jusque là qu'en se retournant, je
luy ay fait promettre de vous aller
voir" (147).
- Quinze jour après, Peiresc
se réjouit de la nouvelle :
- "Je vous suis bien redevable
sur tout de vos bons offices envers M. Le Maire... Je plains bien
que son advis de jonction des mers ne soit venu en meilleure
saison ne luy fissent point l'obstacle qu'ils peuvent
faire" (148).
- Ni Peiresc ni Mersenne ne virent
l'aboutissement du projet de Le Maire. Le Conseil d'Etat passa un
bail avec Le Maire en 1636. Ce dessein n'aboutit pas, ni celui de
1644. Il fallut attendre 1662 pour que Pierre-Paul Riquet adressat
à Colbert un plan qui fut adopté en 1665. Le canal
était navigable en 1672. Actuellement il est toujours en
service.
- Mersenne et Peiresc
s'enflammèrent aussi pour une autre invention de Le
Maire : celle du luth almarique. Peiresc voudrait que le
Minime y fasse allusion dans son ouvrage. Si c'était
nécessaire il pourrait même y contribuer
pécuniairement. En fait Mersenne en parla abondamment et
Peiresc n'eut pas besoin d'y consacrer une aide
financière.
-
-
-
CONCLUSION
-
-
- En 1630 Mersenne s'était
rendu dans les Pays Bas du Nord où il avait
été envoyé en raison d'une question de
santé afin de prendre les eaux de Spa (motif
certain ?) (149). En fait, il avait
utilisé ce voyage pour contacter les savants du pays et
autres personnalités qui pouvaient
l'intéresser.
- Pour aller en pays protestant il
avait dû quitter l'habit religieux et se laisser affubler
d'un beau costume laïc et d'un magnifique chapeau rond
(peut-être orné d'une plume !).
- Le Minime devait se sentir
frustré de se voir dépouillé de la robe
monacale et ne pas rencontrer la considération respectueuse
dont il avait l'habitude. Quoi qu'il en soit, il fut jeté
en prison (sous prétexte d'espionnage). Pourquoi ne
parla-t-il pas à Peiresc de cette mésaventure sans
importance (il fut libéré après une nuit) !
Il ne parla pas davantage du voyage lui-même.
Peut-être parce que la mésaventure n'était pas
très reluisante (150). Peut-être
parce qu'il ne devait pas parler du voyage autorisé
exceptionnellement par son Supérieur.
- Cinq ans plus tard, Peiresc en
eut vent. Il ne questionna pas Mersenne, peut-être par
délicatesse mais il essaya de savoir, peine perdue... En
désespoir de cause, il écrivit le 23 mai 1635 une
lettre au P. Minuti, un Minime et l'un de ses correspondants de
Tunisie :
- "Informez vous un peu de ces
Pères de France tandis que vous les tenez là s'il
est vray que le Pere Mercenne ayt fait le voyage inconnu comme on
voulu asseurer et qu'il eust esté arreté
prisonnier" (151).
- Ce manque de franchise accidentel
n'entame pas leur amitié et leur fidèle
collaboration.
- Les pages
précédentes décrivent leur travail fructueux.
On le retrouve grâce à des lettres, quelques
écrits de tiroir ou d'impression, des recoupements
permettant de déceler une influence réciproque entre
nos deux héros.
- Ce sont des dialogues par
où s'échangent des idées, des souhaits, des
critiques, des excuses. Les personnages nous permettent
d'écouter les phrases qu'ils se sont prononcées ou
qu'ils ont voulu taire.
- Parfois le dialogue est
impossible à retrouver. Il convient alors aux lecteurs de
chercher en une ligne les sujets abordés : des
sorcières aux parhélies ; de l'éducation
des muets aux longitudes ; de la tablature du luth aux
mécaniques de Galilée ; de l'oeil du thon aux
satellites de Jupiter : d'une pierre ployante aux
nombres ternaires : de la chute des graves à
l'épicurisme etc., etc
- Le désordre n'est
qu'apparent. Il n'y a aucune incohérence : tous ces
sujets forment un tout et ce tout intéresse les deux
savants qui gardent les yeux ouverts sur le monde qui les entoure.
Les contingences, peu à peu ils en prennent connaissance.
Ils veulent les surmonter avec l'aide que leur fournissent la
religion, le bon sens ou les sciences. Peu importe la chronologie
des questions.
- Les réponses sont
portées par les événements. Les deux amis se
comprennent entre eux. Chacun essaie de fournir des
répliques claires, chacun peut se rétracter ou
vouloir se compléter.
- Peiresc est un aristocrate qui a
la noblesse du coeur et une délicatesse
raffinée (152). Très cultivé,
il possède un désir obstiné de trouver la
vérité quand il ne la détient pas. D'un
maître qu'il apprécie, il attend des réparties
précises et probantes, les généralités
ne lui suffisent pas, il veut qu'on les lui complète. Dans
les manières, il a le sens des nuances mondaines : il
ne veut pas rudoyer tout adversaire, encore moins le brutaliser.
Il ménage les termes. Au style direct qui pourrait
être malfaisant, il préfère des expressions
courtoises et suggestives.
- Une exception : il avait
entouré d'attentions le moine Campanella. Mais ce
misérable avait eu le malheur d'insulter Gassendi, un ami
intime. Alors aucune pitié, tout moine qu'il soit, il
mérite la géhenne.
- Très doué pour
l'Astronomie (il avait découvert la nébuleuse
d'Orion) il avait su mobiliser tous les savants de l'époque
pour étudier les diverses éclipses. Il avait pris
part aux rectifications des longitudes.
- Mersenne est un savant qui
recherche la vérité au prix d'un travail
acharné et persévérant, complétant une
aptitude certaine. Quand il croit avoir atteint cette
vérité, il ne veut y renoncer en aucune
manière. Il a des ascendances paysannes ; il a
bénéficié au temps de son enfance, d'une
culture campagnarde (153). Son attitude est
beaucoup moins nuancée que celle de son ami. Devant une
protestation ou une objection d'un ignorant infatué, il
agit plus rudement. En ce cas il ne reconnaît ni le titre,
ni le renom, ni la popularité. Malgré la devise de
son ordre (Caritas), il est sans pitié :
magis amica veritas... Le reste du temps, il se met au service
des autres. Il aide ceux qui manquent de documentations. Il les
accable de son effarante bibliographie. Il court les rues pour
satisfaire aux requêtes de ses amis.
- Le 24 juin 1637, une tragique
nouvelle :
- Nicolas-Claude Fabri, seigner
de Calas et de Peiresc, baron de Rians, abbé et seigneur de
Guître, en Guienne, conseiller en la Cour de Parlement de
Provence, mourut le 24 juin 1637, entre les bras de son cher ami
le sieur Gassendi, âgé de près de cinquante
sept ans.
- Durant leur vie, Mersenne et son
ami s'étaient entretenus de leurs problèmes. Ils
avaient cherché des solutions. Très simplement,
chacun dans sa sphère, avait fait avancer la science qui se
construisait.
-
-
A.
BEAULIEU
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-
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NOTES
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-
- 1. Vie de Monsieur Des Cartes, t.
II, Paris, 1691 p. 352.
- 2. Sous l'Ancien Régime,
l'abbé commandataire était un simple laïc
qui jouissait des revenus d'une abbaye sans la gouverner
réellement. Pourtant Peiresc se fit un devoir de
s'occuper activement des moines de l'abbaye dont il eut la
charge.
- 3. GASSENDI, Vie de l'illustre
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc..., Paris, 1636 :
Trad. fr. par Roger LASSALLE, Paris, Belin, 1992, p.
133-164.
- 4. R. TATON, Le P. Marin Mersenne et
la communauté scientifique parisienne au XVIIe
siècle dans Quatrième centenaire de la naissance
de Mersenne, Univ. du Maine, 1588-1988, Le Mans, 1996, p.
15-16.
- 5. Impiété..., p.
156-158. Le texte de l'intervention de Peiresc se trouve
à la Bibl. de Carpentras ms. 1777, fol. 475-476. - Sur
les publications de Mersenne, voir A. BEAULIEU, Mersenne le
grand minime, Bruxelles, ASBL N.C. Fabri de Peiresc, 1998, p. 327-328.
- Et Correspondance de Mersenne,
Paris, Beauchesne, puis C.N.R.S., comment. par C. De Waard et
alii. t. I-XVII, 1933-1988, passim.
- 6. Paris, Bibl. nat., f.fr., nouv. acq.
5169, fol. 12, verso rouge.
- 7. Lettres de Peiresc, publ. par
Philippe Tamisey de Laroque, t. VI, Lettres de Peiresc à
sa famille et principalement à son frère
(1602-1637). Paris, Impr. nationale, 1896, p.
220-221.
- 8. Jacques Gaffarel (1601-1681)
était un hébraisant et un astrologue. Il fut
reçu, avec le P. Mersenne, par le P. François de
la Noue qui fut supérieur du Minime à plusieurs
reprises (CM. I, p. 462 et XIII, p. 78).
- 9. Ragusaeus (Georges de Raguse)
était philosophe, théologien, médecin et
mathématicien.
- 10. CM. I, p. 303-307.
- 11. Cette lettre fait partie d'une
collection Peiresc Reg. III des copies conservées
à la Bibl. Ingimbertine à Carpentras et
publiée par M.P. GAFFAREL dans les Annales des Basses
Alpes t. XIII, 1908), Digne.
- 12. Cet exemplaire portait la mention
manuscrite ad usum autoris : c'était bien l'un
des ouvrages de Mersenne qu'il avait l'autorisation canonique
de garder dans sa cellule. Sur la date de départ de
Peiresc, voir Revue des Questions historiques, t. XXII
(1877), p. 220.
- 13. Quaestiones in Genesim, col.
1481-1482.
- 14. CM. XIII, p. 465.
- 15. CM. I, p. 132.
- 16. Carpentras, Bibl. Inguimbertine, ms.
1776, fol. 407-413.
- 17. CM. I, p. 586.
- 18. Ibid., p. 609.
- 19. CM. II, p. 20, 28, 29.
- 20. Ibid., p. 29. - Sur les
travaux scientifiques de Peiresc, voir J. QUERON, Peiresc et
son temps dans L'été Peiresc, Fioretti
II. Nouveaux mélanges sous la direction de J.
Ferrier, 1988, p. 114-115.
- 21. CM. II, p. 35.
- 22. Paris, Bibl. nat., f. Dupuy, ms.
716, fol. 256 (CM.II, p. 28).
- 23. Ibid., f.fr. 9544, fol.
77.
- 24. CM. II, p. 62.
- 25. Ibid., p. 62.
- 26. Paris, Bibl. nat., f. Dupuy, fol.
369.
- 27. CM. II, p. 149.
- 28. Gassendi.
- 29. CM. II, p. 421.
- 30. CM. III, p. 162.
- 31. CM. II, p. 73. Peiresc en avait
parlé aux frères Dupuy dès
1628.
- 32. CM. III, p. 161.
- 33. CM. III, p. 169 - 461, et IV, p.
237.- A. BEAULIEU, les réactions des savants
français du XVIIe siècle devant
l'héliocentrisme du XVIIe siècle dans
Novità celesti crisi del sapere, Suppl. Agli. Annal
; de l'Istituto e Museo di Storia della Scienza, 1983, fasc. 2,
p. 373 - 382. - Voir aussi J.F. LHOTE et D. JOYAL,
Correspondance de Peiresc, Aleandre I, Adosa, 1995,
Introduct. p. 17.
- 34. A. BEAULIEU, Mersenne... op.
cit. p. 109.
- 35. CM. IV, p. 31.
- 36. Ibid. p. 76. - A. BEAULIEU,
Mersenne... op. cit. p. 109. - W. SHEA, Galileo's
Intellectual Revolution... New York, Science History Publ.,
1977, 54 p. ; Trad. fr. par F.. DE GANDT Paris, Ed. du
Seuil, 1992. - GALILEO GALILEI Dialogo... Testo e
commento di O. BESOMI e M. HELBING, 2 Vol., Padova, Antenore,
1998, 668 et 1098 p.
- 37. Sur toute la question, voir A.
BEAULIEU, Mersenne... op. cit., p. 107 - 118. -
MERSENNE, les Mecaniques de Galilée, dans Questions
inouyes..., Corpus des oeuvres de Philos, en langue fr.,
Paris, Fayard, 1985, p. 436 - 512.
- 38. CM. IV, p. 404, La lapis
Lydium désigne la pierre de touche.
- 39. Ibid., p. 417.
- 40. CM. V, p. 24.
- 41. Harmonie universelle, Livre
I. Du Mouvement des corps (Lesure, I, p.
88).
- 42. CM. III, p. 351.
- 43. CM. IV, p. 109.
- 44. CM. III, p. 373.
- 45. Ibid., p. 392.
- 46. Ibid., p. 394.
- 47. Ibid., p. 399.
- 48. Ibid., p. 429.
- 49. Ibid., p. 474.
- 50. CM. IV, p. 80.
- 51. Ibid., p. 82.
- 52. Ibid., p. 176.
- 53. CM. V, p. 15 - Allusion à
Doni, mais aussi une conviction : la persis- tance des
théories anciennes (grecques ou romaines) en
Orient.
- 54. Ibid., p. 478.
- 55. Ibid., p. 47,
- 56. Ibid., p. 502.
- 57. Harmonie Universelle, t. I,
Livre II. Du mouvement. Corollaire p. 88.
- 58. CM. IV, p. 81. Voir P. COSTABEL,
dans Cahiers d'Histoire et de Philosophie n°14,
1986, p. 3 - 19.
- 59. L'Age d'or du
Mécénat (1598 - 1651). Textes réunis
et publiés... par R. MOUSNIER et J. MESNARD, Paris,
CNRS, Le mécénat scientifique avant
l'Académie des Sciences dans La culture du XVIIe
siècle, Paris PUF, 1988, p. 182 - 193.
- 60. CM. IV, p. 106.
- 61. Ibid., p. 132 -
133.
- 62. Ibid., p. 236.
- 63. Ibid., p. 237.
- 64. Ibid., p. 278.
- 65. CM., V, p. 135.
- 66. CM. IV, P. 256.
- 67. CM. V, p. 162.
- 68. Ibid., p. 202.
- 69. Ibid., p. 268.
- 70. Ibid., p. 322.
- 71. Ibid., p. 344.
- 72. Ibid., p. 462.
- 73. Ibid., p. 462
- 74. Ibid., p. 500.
- 75. J. MESNARD. L'Age d'or,. op
cit., p. 439.
- 76. CM. IV, p. 181.
- 77. Ibid., p. 200.
- 78. Ibid., p. 239.
- 79. Ibid., p. 250.
- 80. Il s'agit de l'Harmonie
universelle.
- 81. CM. IV, p. 255.
- 82. Ibid., p. 287.
- 83. CM. V, p. 201.
- 84. J. GRIMM, Campanella en
France dans La France et l'Italie au temps de
Mazarin, textes recueillis par J. SERROY, Presses univ. de
Grenoble, 1986, p. 79 - 86.
- 85. MERSENNE, Quaestiones in
Genesim, col. 1164 et 380-385 ; 939-942 ;
964-1002.
- 86. Jugements donnés par les
astres.
- 87. CM. IV, p. 418. - A ce
moment-là, la compassion de Mersenne
n'était pas bien active.
- 88. CM. V, p. 209.
- 89. Ibid., p. 202.
- 90. Ibid., p. 202.
- 91. Ibid., p. 280.
- 92. Bibl. Inguilmbertine, ms 1874, fol.
269 verso.
- 93. CM. V, p. 403.
- 94. Ibid., p. 480.
- 95. Ibid., p. 520.
- 96. Ibid., p. 520.
- 97. Ibid., p. 108.
- 98. Ibid., p. 142. Voir
Nicolas Claude Fabri de Peiresc, Lettres à Claude
Saumaise et à son entourage, par Agnès
BRESSON, Firenze, Olschki 1992, 570 p. pour le ms arabe p.
147.
- 99. CM. V, p. 164.
- 100. Ibid., p. 165.
- 101. Ibid., p. 209.
- 102. Ibid., p. 226.
- 103. Ibid., p. 277.
- 104. CM. IV, p. 110
- 105. Ibid., p. 231.
- 106. Ibid., p. 247 et
231.
- 107. Ibid., p. 254.
- 108. Ibid., p. 327.
- 109. CM. V, p. 47.
- 110. CM. IV, p; 176.
- 111. Ibid., p. 345.
- 112. Ibid., p. 183.
- 113. Ibid., p. 229.
- 114. Ibid., p. 246.
- 115. Ibid., p. 260.
- 116. Ibid., p. 260.
- 117. Ibid., p. 291 et 330.
&emdash; Dans ses réponses, Mersenne s'inspira de
l'uvre de Pierre Bungo, chanoine italien (mort en 1601)
qui publia des Numerorum Principia. (Trois
éditions successives dont Mersenne et Peiresc
reconnaissaient l'autorité).
- 118. Ibid., p. 406.
- 119. Ibid., p. 415.
- 120. CM. V, p. 26.
- 121. Ibid., p. 30.
- 122. GASSENDI, Vie de Peiresc
(traduction R. Lassalle) op.cit , p. 230.
- 123. CM. IV, p. 163 et 229.
- 124. Ibid., p. 281.
- 125. Ibid., p. 286.
- 126. Ibid., p. 419.
- 127. CM. V , p. 46.
- 128. P. SOUFFRIN étudie
actuellement cette question (ouvrage sous presse).
- 129. GASSENDI, Vie de Peiresc
(trad. R. Lassalle) op. cit, p. 230.
- 130. Lettres de Peiresc, t. III,
p. 59-60.
- 131. CM. IV, p. 169.
- 132. Ibid., p. 228.
- 133. Ibid., p. 245.
- 134. Ibid., p. 259.
- 135. Ibid., p. 282.
- 136. Ibid., p. 284 et
288.
- 137. Ibid., p. 288.
- 138. Ibid., p. 290.
- 139. Ibid., p. 329.
- 140. Ibid., p. 330.
- 141. CM. V, p. 216.
- 142. Ibid., p. 270.
- 143. Ibid., p. 320.
- 144. Ibid., p. 422.
- 145. J.B. Doni (musicologue averti. Pour
lors, à Rome attaché aux offices du St
Siège).
- 146. CM. V, p. 427
- 147. Ibid., p. 479.
- 148. Ibid., p. 519.
- 149. A. BEAULIEU, Mersenne.... op
cit. p. 94-106.
- 150. Diarium II, p. 101. Le
Diarium a été écrit par le minime
le P. THUILLIER et avait été
présenté aux membres de l'ordre comme un exemple
de vie religieuse.
- 151. CM. V. p. 207.
- 152. GASSENDI la Vie de Peiresc...
op. cit passim, surtout le Livre I.
- 153. Sur les premières
années de Mersenne, voir A. BEAULIEU, Mersenne... op.
cit., p. 1-16 ; et R. TATON, Quatrième centenaire
de la naissance de Marin Mersenne, op. cit., p. 13-24 ; A.
FILLON, Marin Mersenne, Villageois du Haut Maine, p.
127-154 ; G. GALBRUN-CHOUTEAU, Marin Mersenne, la
recherche d'une enfance, Cercle généalogique
Maine et Perche.
- 154. J. FERRIER, dans FIORETTI, op.
cit., p. 89.
-
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