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Compte rendu :
Pour la deuxième année consécutive, notre stage “Les Sciences au service de la Montagne” a recueilli un vif succès. Les différentes thématiques abordées furent accueillies de façon enthousiaste par les participants de formations diverses et variées (étudiants, mathématiciens, géologues, géographes, romanistes, polytechniciens, chimistes, médecins…). Des rencontres avec des professionnels régionaux ont créé une ambiance propice aux débats qui s’avérèrent plus qu’enrichissants.
Au plus grand plaisir des participants, le stage de cette année s'est déroulé en huit journées, dont les thèmes peuvent se synthétiser en (1) la démographie et l’économie locales, (2) quelques aspects historiques de la région et (3) paysages et géologie du pays.
1. Evolutions démographique et économique de la région.
Le pays de l’A3V (Vallées de l’Asse, du Verdon, du Var & de la Vaïre, http://www.pays-a3v.net/) est un bel exemple de région de moyenne montagne reculée, affectée par l’exode rural et dont l’exploitation des ressources reste un problème.
Le premier jour, munis de résumés d’études bibliographiques sur la démographie et les productions agricoles passées, nous avons été à la recherche des anciens lieux de peuplement entre Peyresq et la Braïsse (croupes sous Peyresq, le Villard, la Forest) et entamé des débats sur les raisons de ces abandons et les possibles projets, tels ceux de Camille (pommiers, ruches,...) et l’affectation récente de la Braïsse à des fins d’observation de la faune.
Après avoir ainsi initié les stagiaires aux difficultés économiques de la région, nous avons rencontré Thomas Duboeuf et Chloé Monta à la Maison de Pays de Beauvezer, qui nous organisèrent une conférence sur mesure. Tous deux employés à la Maison de Pays de Beauvezer a mis en place les “Itinéraires Paysans”, qui consistent à rencontrer des professionnels et qui permettent la découverte d’activités en vue de redynamiser le Pays et les richesses du terroir par le biais de visite d’infrastructures économiques de la région.
Notre premier itinéraire, “Les chemins bleus d’Argens” nous mit en contact avec Véronique Blanc dont la famille a permis de réintroduire lavande, thym, sarriette et même génépi dans le village (Photo 1). Véronique Blanc nous fit tout d’abord visiter ses champs afin d’initier les stagiaires aux techniques agricoles spécifiques ainsi qu’aux nombreux produits dérivés utilisés, entre autre, dans le domaine de la santé. Nous avons découvert l’évolution des cultures régionales au fil des XIXe et XXe siècles - dont la fulgurante époque de “l’or mauve” où la culture de lavande à destination de Grasse a enrichi les villages - et leur importance dans l’économie locale ainsi que les répercutions économiques sur la population. Véronique Blanc nous mena ensuite dans sa distillerie de lavande afin de nous expliquer le processus d’extraction des essences nécessaires à la fabrication des huiles essentielles, par exemple. Une comparaison entre l’essence de lavande et celle de lavandin retint longuement l’attention des stagiaires.
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Photo 1 : chez Véronique Blanc
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Photo 2 : chez Boris Pougnet
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Photo 3
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Le second itinéraire nous a mené sur les terres de Boris Pougnet, agriculteur mais également maire de Thorame-Basse (Photo 2). Ce sympathique biochimiste de formation, agriculteur “multifonctionnel” a réussi un pari osé en montagne : il a construit de ses mains une exploitation brassicole. “Du champ à la chope” illustre les différentes étapes de fabrication de la bière. Si Boris Pougnet est désigné comme “multifonctionnel”, c’est avant tout car il est tant agriculteur que brasseur. En effet, il cultive lui-même orge, blé et même houblon afin d’être totalement autonome. Après une visite de ses champs, Boris Pougnet nous mena dans sa brasserie afin d’y exposer les étapes de fabrications d’une bière.
Véronique Blanc et Boris Pougnet s’accordent sur un point : pour survivre économiquement dans la région, il faut gérer soi-même l’entièreté de la chaîne de production. Boris Pougnet insiste également sur le fait qu’il faut éviter d’être “monoproduit”.
Enfin, notons également notre rencontre avec Alphonse, le berger. Cette rencontre, agrémentée de camemberts braisés, s'intégrait parfaitement dans cette première thématique de stage. Les aspects pastoraux, la problématique des loups et de leur réintroduction en montagne,… ont alimentés d'intenses discussions entre Alphonse et nos stagiaires.
2. Quelques aspects historiques de la région
Lors de l'édition 2007 de notre stage, nous avions abordé le patrimoine frontalier de la région au travers de la visite des fortifications de Colmars. Cette année, une visite libre de la ville a été organisée à destination de nos nouveaux stagiaires.
L'essentiel de la thématique historique a été traitée lors de notre visite à Argenton. L'accès, à pied, à Argenton au départ du lieu dit "La Plaine" nous a permis d'emprunter l'ancienne voie romaine et de découvrir les vestiges de l'occupation des lieux. Nous nous sommes rendus sur les vestiges d'un mausolée de l'époque romaine (Photo 3), qui a été l'objet de recherches menées par un scientifique du CNRS, Anne Roth Congès. Après avoir consulté un rapport rédigé sur ce thème, nous avons appris que ce mausolée était daté de la première moitié du 1er siècle avant J.-C. et dédié à un chevalier romain. Nous avons pu ainsi nous interroger sur les raisons de la présence d'une telle autorité romaine dans cette région. Une hypothèse qui n'est pas complètement démontrée serait l'implication de la région dans l'exploitation ou le transit de minerais précieux - l’or (Aurent) et l’argent (Argenton) en particulier - mais, sans trace retrouvée des carrières, cela reste une supposition.
Toujours dans cette grande thématique consacrée à l'Histoire, nous avons eu le plaisir d'assister à une conférence de Jean Dhombres consacrée à Buffon, naturaliste et philosophe. Jean Dhombres a ainsi brossé les diverses facettes de ce scientifique écrivain, qui s'était, entre autres, penché sur la classification et la description des espèces.
3. Paysages et géologie du pays
La montée du Courradour et du Puy de Rent nous a permis de demander aux participants de comprendre les relations entre le paysage d’une région, son occupation du sol, sa géomorphologie avec la géologie locale, et en particulier la solidité et la perméabilité de la roche en place. Rien que la présence de poudingue à Peyresq, fait très original dans la région, séparant les calcaires turoniens du secondaire des calcaires lutétiens tertiaires, mérite le détour. Cela nous servit de date de référence afin de situer chronologiquement parlant les différentes couches géologiques de la région. La présence de ces différents calcaires nous permis d’approfondir nos connaissances des déformations géologiques, en particulier celle ayant causé la formation des Alpes. L’excursion à Aurent permit en particulier de voir l’énorme accumulation du tertiaire turonnien (plusieurs centaines de mètres de hauteur), la solidité de la roche permettant des falaises impressionnantes et sa capacité à développer des systèmes vauclusiens de rétention et chasses d’eau, telles les sources du Coulomp.
Mais le point d'orgue de ce thème fut de loin la visite de la réserve géologique de Digne (http://www.resgeol04.org) en compagnie de notre guide Marie-Jo Soncini. Barrême fut le point de départ de notre découverte des trésors géologiques de la région. Nous avons découvert à la mairie de Barrême une collection impressionnante de fossiles issus de la région. Nous avons poursuivi nos découvertes par la visite du Musée géologique de Digne. Il est difficile de résumer l'ensemble des informations qui y ont été présentées à nos stagiaires. D'un point de vue des fossiles, nous avons tout d'abord discuté des possibles liens entre l'ammonite et des espèces actuelles : similitudes avec les céphalopodes (dont le nautile) et divergences avec les gastéropodes (Photo 4). Le moulage du fossile d'un ichtyosaure nous a également été présenté au musée. L'après-midi a été consacrée à la visite de la dalle aux ammonites (Photo 5), puis au “vélodrome” (Photo 6). La visite de ce dernier a permis à Marie-Jo de nous expliquer de manière extrêmement didactique les mouvements géologiques qui ont sculpté les paysages actuels.
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Photo 4
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Photo 5
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Photo 6
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4. Conclusion
Très clairement, le stage de cette année a été plus loin que celui de l’année précédente dans la recherche de la compréhension du profil tant physique qu’humain et économique que la région présente actuellement et des défis qui l’attendent. Les stagiaires sont demandeurs d’encore plus d’explications, de rencontres avec les forces vives locales (surtout la Maison de Pays de Beauvezer), d’autres Itinéraires paysans et ainsi qu’un approfondissement de la région dignoise par le biais d’excursions proposées par le Musée de Digne, par exemple dans les environs de Castellane.
Le stage de l’année prochaine pourrait selon nous avoir de nouvelles philosophies transversales :
- une vision environnementale plus acerbe, se basant par exemple sur la minimisation des déchets (en commençant par les nôtres, par exemple dans la facture des lunchs pique-nique), et l’étude des transports qu’ont subi nos aliments avant consommation (empreinte environnementale),
- la problématique de l’accès au réseau internet à haut-débit, dans le contexte européen - et surtout français et belge - de l’accès universel à ce service,
- l’accès (et son coût) à l’eau potable et à l’épuration des eaux dans les villages, au vu des nouvelles réglementations européennes.
A.Sc.Br.
Alain Colard, Dimitri Gilis
et Michel Hermand
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