- Chap. I - La
châtaigneraie du massif d'Annot : un enjeu de
développement territorial
« Les paysages, comme les civilisations,
sont mortels. »
Jean Robert Pitte
-
-
Photo 2. Châtaigneraie, Le Fugeret (CF- 2004)
-
- En arrivant sur le massif d'Annot, il est difficile de ne pas
remarquer le spectacle désolant de châtaigniers morts
ou mourrant (cime dégarnie, branches mortes
).
Toutefois, une politique de rénovation est actuellement en
cours. En effet, le « massif » d'Annot a
été retenu comme site pilote par le Ministère
de l'Agriculture pour mettre en uvre une Charte
forestière de territoire, parmi laquelle figurent deux
actions concernant la châtaigneraie.
- Dans cette partie, nous allons essayer de comprendre qu'est ce
qu'une Charte forestière de territoire et voir comment la
châtaigneraie s'inscrit dans ce projet de
développement territorial.
- La quantification de la production de châtaignes de
Braux, Méailles et Le Fugeret, et l'étude de pistes
de valorisation, ont été réalisées
à partir d'un questionnaire (annexe
1) envoyé à l'ensemble des adhérents des
ASL. Au total, 71 enquêtes ont été
postées aux 3 ASL(1) et 28
réponses sont revenues (annexe
2).
-
- « Le territoire est un construit historique,
socio-économique et institutionnel. Ceci signifie quatre
éléments principaux : le territoire ne
procède pas de la génération
spontanée, il résulte d'un processus historique qui
le modèle et en fait un lieu de mémoire ; le
territoire procède d'une logique d'acteurs ; les relations
entre agents s'inscrivent pour une bonne part en dehors des
relations marchandes, d'où l'importance des règles,
normes et signes de la communauté d'appartenance ; enfin
les institutions sont très largement imbriquées dans
le fonctionnement économique du territoire » (Courlet,
1995).
-
- 1. La charte
forestière du massif d'Annot
-
- 1.1 Situation géographique, géologique et
climatique du canton d'Annot
- Situé au sud-est du département des Alpes de
Haute Provence, à égale distance (80km) de Nice et
de Digne, proche des gorges du Verdon, du parc du Mercantour et de
l'Italie, le canton d'Annot comprend 7 communes : Annot qui en est
le Chef-lieu, Braux, Le Fugeret, Méailles, Saint-Benoit,
Ubraye et Vergons.
- Canton de montagne, sa notoriété doit beaucoup
à une originalité géologique : un synclinal
gréseux, dit « des grès d'Annot ». De
formation tertiaire de l'oligocène, ces grès sont
à associer à des formations du secondaire :
calcaires nummulitiques et marnes bleues. Cet îlot
gréseux (substrat acide) a permis le développement
de châtaigniers qui ont, pendant longtemps,
conditionné une partie de l'activité humaine sur le
canton.
- Le climat est montagnard avec des pénétrations
subméditerranéennes par les vallées du Var et
du Verdon. La station météorologique la plus proche,
Entrevaux, fait apparaître des pluviométries moyennes
annuelles de 975 mm, avec une moyenne estivale de 183 mm. Des
chutes de neige sont abondantes et irrégulières. Le
réseau hydrographique du secteur est essentiellement
marqué par les torrents de la Vaïre, la Beïte et
le Coulomp, d'orientation nord-sud.
-
- 1.2 Mise en place de la Charte forestière du massif
d'Annot (2)
- Sur le canton d'Annot a été mis en place une
Charte forestière. Cet outil de développement
singulier n'aurait pu voir le jour sans une vision
différente du développement territorial.
Vers une nouvelle orientation du gouvernement
- Depuis une vingtaine d'années, des formes de
mobilisation se développent autour des questions
environnementales pour la mise en place d'un développement
durable dont l'objectif est de répondre « aux besoins
du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs
» (Commission Brundtland, 1987). A côté de cet
élan, l'ambition d'agir sur des territoires en
difficulté est clairement officialisée par les
pouvoirs publics en France depuis les lois Pasqua et Voynet de
1995 et 1999. Ces nouvelles orientations constituent un message
d'avertissement pour la prise en compte des espaces naturels et
des facteurs sociaux dans la mise en place de projets de
développement.
- Les pouvoirs publics choisissent d'accompagner les projets des
territoires, principalement ruraux et oubliés par les
programmes nationaux d'aménagement (Deffontaines et
Prod'homme, 2001). A la suite du rapport Bianco(3)
(1998) « La forêt, une chance pour la France »,
les acteurs et les partenaires de la politique forestière
ont affiché leur volonté de relever solidairement
les défis de la mondialisation tant sur le plan
environnemental, qu'économique, en promouvant une gestion
durable et multifonctionnelle des forêts et en
renforçant la compétitivité économique
de la filière bois, tout en améliorant l'emploi dans
ce secteur. Il a été décidé de mettre
en uvre, à titre expérimental, dès
2001, une vingtaine de sites pilotes de Charte de territoire
forestier.
-
- Les Chartes forestières de territoire
- Si la notion de Charte de territoire est aujourd'hui
d'actualité, les Chartes sont effectives depuis 30 ans avec
les Chartes des parcs naturels régionaux. Elles
définissent la politique d'aménagement des
territoires, en prenant en compte la préservation des
milieux naturels et le développement économique. Les
Chartes engagent la mobilisation de partenaires autour d'un projet
commun de développement.
- Plus spécifiquement, les Chartes forestières de
territoire s'intègrent dans le cadre d'une gestion durable
multifonctionnelle de la forêt. Ce sont des documents
contractuels visant à permettre la rencontre entre les
offreurs de biens et services que sont les propriétaires
forestiers privés ou publics, et des demandeurs. Ses enjeux
concernent un grande diversité de problématiques
territoriales forestières (approvisionnement des industries
locales du bois, tourisme et loisir, préservation de la
diversité biologique, mise en valeur des paysages
) et
porte sur des territoires à dimension variable (massif,
bassin versant
).
- La loi assigne aux Chartes de territoire forestier quatre
types d'objectifs possibles :
- garantir la satisfaction de demandes environnementales
ou sociales particulières concernant la gestion des
forêts et des espaces naturels qui leurs sont connexes,
- contribuer à l'emploi et à
l'aménagement rural,
- favoriser le regroupement technique et
économique des propriétaires forestiers, la
restructuration foncière ou la gestion groupée
à l'échelle du massif forestier,
- renforcer la compétitivité de la
filière de production, de récolte et de valorisation
des produits forestiers en favorisant le regroupement technique et
économique des propriétaires forestiers.
-
- Rappel historique de la Charte forestière du massif
d'Annot
- La Charte forestière du massif d'Annot a
été initiée en 2001 par le Conseil
Général des Alpes de Haute Provence. Elle couvre le
canton d'Annot, soit 7 communes pour 1666 habitants.
- Le choix du massif d'Annot comme site pilote relève
d'une réflexion multi-partenariale (Département,
Région, DDAF, ONF, CRPF, CDT, COFOR,
). Cette
décision a été orientée par
l'omniprésence de la forêt sur le territoire (84% de
taux de recouvrement) et parce ce que le massif avait fait l'objet
d'études préalables :
- diagnostic sur la forêt privée
réalisé par le CRPF,
- étude sur la desserte forestière et les
flux de bois confiée à l'ONF et au CRPF.
- De plus, le massif d'Annot se prêtait
particulièrement bien à une approche multi-usages
puisqu'on y retrouve les fonctions de production (bois,
châtaignes, champignons
), de protection (lutte contre
l'érosion, réservoir de faune et de flore
), et
de loisirs (randonnée, chasse
).
- Le Conseil Général, porteur et maître
d'ouvrage de l'étude pour l'élaboration de la
Charte, a fait appel à un prestataire
extérieur(4) (consultant) pour animer la
démarche d'étude de la Charte. Le diagnostic,
démarré en mai 2002, a pris fin en juin 2003, date
où les orientations de la Charte accompagnées d'un
plan d'action ont été validées par les
élus des communes du canton d'Annot.
- La Charte forestière du massif d'Annot a
été signée le 29 janvier 2004 à
Méailles par les élus locaux et plus d'une vingtaine
d'acteurs : propriétaires et gestionnaires de la
forêt, utilisateurs de l'espace et partenaires financiers.
Le pilotage de la Charte a été confié au Pays
Verdon, Vaïre, Var à défaut d'une structure
porteuse locale (intercommunalité).
-
- Présentation synthétique de la Charte
forestière du massif d'Annot
- La forêt du massif d'Annot est une forêt jeune et
peu exploitée du fait d'une mauvaise desserte et de la
faible valeur du bois. Elle couvre plus de 80% du territoire et
continue de s'étendre suite au quasi abandon des
activités pastorales et agricoles. Elle est parfois
perçue comme l'héritage pesant d'une histoire
récente et malheureuse du milieu rural. Les enjeux y sont
nombreux, comme nous l'avons précédemment
évoqué.
- En réponse à cette diversité des enjeux,
la Charte comprend trois grands objectifs :
- Réintégrer l'espace rural dans la vie du
canton et soutenir la mobilisation des bois,
- Renforcer le lien agriculture / forêt,
- Préserver et valoriser le patrimoine forestier
et promouvoir un développement équilibré du
tourisme « nature ».
- Une douzaine d'opérations sont prévues sur cinq
ans pour mettre en uvre ces objectifs : sentiers de
découverte, amélioration de la desserte
forestière, travaux de sylviculture (en forêt
domaniale et privée), rénovation de la
châtaigneraie et aménagements sylvopastoraux,
etc
- Le programme de développement territorial passe
avant-tout par une dynamique des acteurs locaux.
L'opération châtaigne est effectivement l'action qui
a suscité la plus grande mobilisation. Dans quel contexte
est née cette action ?
-
- 2. La châtaigneraie
du massif d'Annot
2.1 Les vergers de châtaigniers du massif
d'Annot
- Sur le massif d'Annot, d'après le centre
régional de la propriété forestière
(CRPF, 2001), le châtaignier a été introduit
pour les besoins de la castanéiculture(5).
Son implantation date vraisemblablement du XVI°
siècle. Plusieurs arbres estimés à plus de
300 ou 400 ans attestent de sa présence lointaine. En
revanche, la quasi absence d'arbres d'un âgé
inférieur à 150 ans permet d'émettre
l'hypothèse de l'arrêt des plantations après
la Révolution de 1789.
- Ces anciens vergers sont en cours d'abandon. Ils sont
menacés par l'envahissement de broussailles et de pins
sylvestre, ainsi que par diverses maladies. La châtaigneraie
n'est présente que sur cinq communes du canton.
-
- Description d'actions préalables
- Même si la Charte qui orchestre l'action
châtaigneraie est récente et innovante, des premiers
essais de rénovation de la châtaigneraie ont
déjà été menés. En 1995, on
note que l'ONF avait fourni des plants aux propriétaires
dans le but d'assurer la régénération de la
châtaigneraie. Au demeurant, le dernier essai, piloté
par la Chambre d'Agriculture des Alpes de Haute Provence (Chailan,
2001), date de 2001. L'étude a associé le CEEP
(étude écologique), le CRPF (résumé du
travail, cartographie, typologie) et la Chambre d'Agriculture
(volet patrimoine et tourisme). Il s'agissait de la mise en place
d'une opération de taille selon deux procédés
bien distincts, avec pour but d'entrevoir des solutions de remise
en valeur paysagère et de production des
châtaigniers. A cette occasion, pour concrétiser
l'étude, la Chambre d'Agriculture a lancé
l'idée de mettre en place la première fête de
la châtaigne accueillie par la commune de Le Fugeret.
- Cette action préliminaire de valorisation et de
rénovation de la châtaigneraie a permis de
sensibiliser les élus et les professionnels locaux et
d'améliorer la compréhension des difficultés
par rapport à la mise en uvre d'une politique
foncière. Pour autant, les travaux se sont
avérés peu fructueux. Les propriétaires n'ont
pas reçu avec un grand enthousiasme ce qu'on appelait alors
la « coupe totem » qui rabat drastiquement le houppier
de l'arbre (taille sévère où on ne laisse que
le tronc de façon à obtenir une réaction vive
de l'arbre). Les arbres ont plus ou moins bien réagi
à cette technique : certains sont morts, d'autres - en
majorité- repartent aujourd'hui. Au final, les apports
positifs de cette action ne sont pas tant les résultats
concrets sur les arbres mais la conscience nouvelle de la
nécessité de protéger le patrimoine de la
part des propriétaires de châtaigneraie.
L'opération a aussi montré l'importance de
l'animation pour maintenir la mobilisation des
propriétaires.
- Une dynamique s'est installée : l'action
châtaigne est née.
-
- Description des actions proposées
- Sujet fort et mobilisateur, la démarche châtaigne
se poursuit au sein de la Charte forestière qui compte deux
fiches actions(6) la concernant (actions 2.2 «
rénovation de la châtaigneraie » et 2.3 «
valorisation des châtaignes »).
- Les fiches sont issues du diagnostic réalisé par
Cochaud (2003) qui a assuré une mission d'assistance et
d'animation. Elles concernent une zone de vergers qui constitue un
patrimoine de 231 ha, répartis en mosaïque de trois
types de vergers(7) :
- verger entretenu : sol entretenu et en herbe, ramassage
de châtaignes effectué, bon état sanitaire des
arbres
- verger abandonné : sol embroussaillé,
arbres dépérissant et présence de maladies,
rejets non coupés, début envahissement par les
arbustes
- verger dégradé : arrêt de
l'entretien, colonisation du sol pas d'autres essences (ligneux),
arbres en très mauvais états, persistance maladies,
rejets au pied
-
- Graphique
1 &endash; sources CRPF PACA (2001), Cochaud
(2003)
-
- La cartographie présente la dominance de tel ou tel
type de vergers mais on peut trouver des arbres
dégradés au sein de quelques ares d'une
châtaigneraie entretenue. Ceci est du à
l'extrême morcellement du foncier sur le canton
d'Annot.
-
- Compte-tenu de l'état de la châtaigneraie (46% de
vergers dégradés, 37% de vergers abandonnés,
17% de vergers entretenus), les premières initiatives se
concentrent sur la rénovation. Les premiers effets attendus
sont le nettoyage au sol, les tailles sanitaires et l'augmentation
de la production.
- Les objectifs visés sont :
- remettre en état les châtaigneraies
- permettre le parcours par les animaux, favoriser le
travail avec des éleveurs et les agriculteurs
- fédérer les propriétaires
- relancer la production de châtaignes
- De plus, un volet concerne la mise en place de formations pour
les propriétaires.
- Les enjeux de la rénovation et de la valorisation de la
châtaigneraie sont nombreux.
-
-
Photo 2. Châtaigneraie Argenton (CF-
2004)
-
- 2.2 Les enjeux de la châtaigneraie du massif
d'Annot
- La châtaigneraie représente, surtout pour les
propriétaires, un grand enjeu patrimonial et paysager.
Arbres majestueux, qui peuvent atteindre jusqu'à deux
mètres de diamètre, ils s'insèrent dans des
milieux insolites composés de terrasses et de blocs de
grès. Les gens s'y promènent facilement. De plus, la
châtaigneraie se transmet de génération en
génération &endash; « lorsqu'on plante un
arbre, nous savons que nos enfants en profiteront » (Laurent,
castanéiculteur d'Ardèche).
- Si pour les propriétaires, l'aspect patrimonial prime,
la rénovation de la châtaigneraie regorge
d'intérêts dans l'aménagement du territoire en
combinant des enjeux pour la défense des feux de
forêts, pour le tourisme, pour les bêtes (apport
nutritif) ou encore pour sa production et sa rente
économique ; d'où l'implication des élus et
des collectivités territoriales.
- Elle présente aussi un intérêt
écologique fort : le Conservatoire des études des
écosystèmes de Provence (CEEP, 2001) atteste de la
présence d'une avifaune cavernicole et fortement
anthropophile - rouge-queue à front blanc (Phoenicurus
phoenicurus), torcol (Jynx torquilla), gobe-mouche gris (Musticapa
striata) &endash; sur les vergers un minimum entretenus. Il
révèle aussi l'existence de chauves-souris, de
reptiles - lézard des murailles (Podarcis muralis)-,
d'amphibiens (la salamandre tachetée), d'insectes (Lucarne
cerf-volant, grand capricorne) et d'une flore spécifique
(orchis coriophora en particulier). En conclusion, il encourage la
restauration des vergers qui permettrait de conserver des arbres
très âgés et d'entretenir une
végétation herbacée favorables à une
faune et une flore spécialisés.
- Regardons maintenant d'un peu plus près la
filière actuelle de la production de châtaignes.
-
- 2.3 Etat de la filière châtaigne &endash;
« une production asphyxiée »
- Sur le massif d'Annot, le marché était jadis
florissant comme en témoignent les anciens. Ils estiment
à 300 tonnes la production uniquement sur Braux au
début du XXè siècle. Le ramassage des
châtaignes commence vers la mi-octobre et se termine
à la fin du mois de novembre.
- D'après le questionnaire, les ASL de Braux, Le Fugeret
et Méailles récoltent 6.800 kg de châtaignes.
Il a été décidé de multiplier par
trois le volume donné de châtaignes ramassées
par les ASL, au regard non de la surface qui comprend tous les
types de vergers mais du nombre d'adhérents ayant fourni
des réponses, soit un peu plus d'un tiers des
adhérents. En extrapolant, nous pouvons estimer que la
production de châtaignes en 2003 est d'un peu plus de 20
tonnes.
-
- Graphique
3 &endash; Source ASL (annexe
2)
- Consommation et vente
- En dehors de la consommation dans le cercle familial et
amical, une partie des châtaignes est destinée
à la vente. La commercialisation passe le plus souvent par
un négociant. Il est impossible de connaître la
quantité vendue à ce jour, n'étant pas
déclarée.
- Avant la vente, les propriétaires trient les
châtaignes mais n'appliquent pas de méthode de
conservation par trempage. Les fruits sont conditionnés
dans des sacs. Certains les stockent en chambre froide, ce qui
leur permet de les vendre après le pic de production.
- La qualité des fruits et le calibre sont variables.
Quelques rares propriétaires récoltent des marrons.
Les variétés courantes sont : la raboune de
Méailles, la sur de Braou, la commune, la fer
(variété non greffée) et la cristole (petit
marron). Elles sont reconnues pour leur qualité
gustative.
- Tout dépend des propriétaires, mais les sacs
contiennent souvent toutes châtaignes ramassées
confondues. Nonobstant, mis à part un agriculteur qui
possède un aspirateur à châtaignes
récoltant petites et grosses châtaignes qu'il calibre
ensuite, les personnes qui ramassent à la main essayent de
récolter les fruits les plus gros. Le prix de vente
déclaré par les propriétaires varie entre 1,5
euros et 5 euros. Tout dépend du calibre mais la plus
grande partie des châtaignes du canton sont vendues entre 2
euros et 3 euros directement à un négociant.
- Il n'existe quasiment pas de transformation. Quelques
traiteurs/bouchers sur Annot préparent des plats à
base de châtaignes toute l'année : saucisson aux
châtaignes et pâtés aux châtaignes. On
peut déguster de la crème de marrons à la
Rouïe (Le fugeret). Des plats à base de
châtaignes agrémentent également, en saison,
les menus de divers restaurateurs.
- Face à tous ces enjeux, il est urgent de se
réapproprier cet espace en cours d'abandon. Plusieurs
acteurs se mobilisent pour sauver la châtaigneraie.
3. Les acteurs de
l'opération châtaigneraie
- Les ingrédients nécessaires pour réussir
une opération de rénovation sont : des
propriétaires motivés qui se sont regroupés
en associations syndicales libres, des techniciens (études
et travaux), des financeurs et un animateur pour coordonner et
animer le déroulement des actions. Tous les facteurs de
succès sont donc ici réunis.
3.1 Les associations syndicales libres (ASL) (8)
- Trois associations ont été créées
en 2003 avec l'aide du CRPF, à la suite diagnostic
établi par Pierre Cochaud.
- Une première association se situe à Braux. Ce
village est considéré par les habitants comme
l'ancienne « capitale de la châtaigne » du canton
d'Annot. Au début du XX° siècle, les habitants
récoltaient plus de 300 tonnes de châtaignes. Ces
dernières, réputées sur les marchés de
Nice et de Marseille, faisaient que les châtaignes des
villages alentours se trouvaient étouffées sous
l'appellation « châtaignes de Braux ». La commune,
dont le blason porte une châtaigne, développe des
sentiers touristiques (9) autour de cette
culture.
- Association La Castagno de Braou
(Braux)
|
- Directeur : André Grac
|
- Nombre d'adhérents : 37
- Age moyen : 53 ans, avec 60% des gens qui
ont entre 30 et 40 et 40% entre 65-75 ans
- Résidence : 70% de résidents
secondaires
- Situation professionnelle : 1 agriculteur,
majorité de personnes en activité
|
- Surface des parcelles : 49,25 ha (soit
environ 60% de la châtaigneraie de la commune
encore en verger)
- Taille des parcelles : de 0,2 ha à 3
ha (souvent, un propriétaire possède
plusieurs petites parcelles non limitrophes)
|
Production estimée : presque 8
tonnes
|
Tableau 1 - Sources : ASL la Castagno de Braou et questionnaire
récolte 2004
-
- Le village de Le Fugeret est le berceau d'une deuxième
association, l' « association fugerétaine pour la
rénovation de la châtaigneraie ».
Association fugerétaine pour la
rénovation de la châtaigneraie
(AFREC)
|
- Directrice : Jeanine Leydet
|
- Nombre d'adhérents : 26
- Age moyen : 55-60 ans
- Résidence : majorité de
résidents permanents (20 personnes)
- Situation professionnelle : 5 agriculteurs,
majorité de retraités
|
- Surface des parcelles : 92 ha (10)
- Taille des parcelles : 0,2 ha à 3 ha
(souvent, un propriétaire possède
plusieurs petites parcelles non limitrophes)
|
- Production estimée : environ 10
tonnes
|
Tableau 2 - Sources : AFREC et questionnaire récolte
2004
-
- En continuant la route étroite de Le Fugeret, on arrive
sur le village perché de Méailles, où niche
la troisième association, « la Raboune de
Méailles ».
La Raboune de Méailles
|
- Directeur : Jean-Charles Bonnet
|
- Nombre d'adhérents : 20
- Age moyen : 50 ans
- Résidence : 65% de résidents
secondaires
- Situation professionnelle : 1 agriculteur,
majorité des adhérents en
activité
|
- Surface des parcelles : 26 ha (soit, 80%
des vergers de la commune)
- Taille des parcelles : 0,2 ha à 3 ha
(souvent, un propriétaire possède
plusieurs petites parcelles non limitrophes)
|
- Production estimée : un peu plus de
2,7 tonnes
|
Tableau 3 - Sources : ASL la Raboune et questionnaire
récolte 2004
-
- Sur un autre versant, à Castellet les Sausses,
l'association « la Verdale » est en cours de
création. Cette quatrième association devrait se
constituer dans le courant du mois d'Août. L'équipe
d'animation du Pays Verdon, Vaïre, Var précise que la
non appartenance de la commune au périmètre de la
Charte forestière du massif d'Annot ne posera pas de
problème. L'objectif d'une Charte de territoire
étant d'avoir une cohésion à l'échelle
d'un territoire, la participation de tous les propriétaires
de châtaigneraies à ce groupe de travail semble
logique.
- La Verdale, à Castellet Les
Sausses
- (en cour de
création, les renseignements restent donc
à confirmer)
|
- Directrice : Chrisitine Degeorges
|
- Nombre d'adhérents : 18
- Age moyen : 45 ans
- Résidence : proportion égale
de résidents permanents et de résidents
secondaires
- Situation professionnelle : 2 agriculteurs,
majorité des adhérents en
activité
|
- Surface des parcelles : 25 ha
|
- Production estimée : non
renseigné
|
Tableau 4 - Source : la Verdale, 2004
- Compte-tenu des données fournies par les ASL et des
réponses au questionnaire, nous pouvons pousser plus loin
l'analyse de la structure sociale et foncière des ASL.
-
- Les propriétaires &endash; « vers une nouvelle
définition du castanéiculteur »
- Les propriétaires de châtaigneraies n'habitent
plus dans le canton d'Annot. Il est significatif de constater que
plus des 2/3 des personnes de l'ASL de Méailles et de Braux
résident dans les départements limitrophes (Bouches
du Rhône et Alpes Maritimes en majorité). Seule
l'AFREC compte plus de 70% d'autochtones. La délocalisation
propriétés-propriétaires participent à
l'abandon et la dégradation de la châtaigneraie.
- En parallèle, on assiste à une situation
dichotomique : des propriétaires âgés, des
propriétaires jeunes. Nous pouvons constater une tendance
au rajeunissement des propriétaires pour trois raisons
:
- la diminution progressive des propriétaires
âgés locaux et l'arrivée des enfants ayant
entre 30 et 50 ans (héritage),
- les propriétaires qui habitent en dehors du
canton qui ont tendance à être plus jeune,
- la vente des parcelles à des résidents
extérieurs (résidence secondaire).
- Cette évolution se fait particulièrement sentir
dans les ASL de Méailles et de Braux. La transmission des
terres s'accompagne ainsi d'un changement d'objectif : avant d'y
trouver un enjeu productif, les propriétaires y cherchent
un intérêt patrimonial.
- Les propriétés se caractérisent
désormais par la dominance de petites parcelles
morcelées souvent inférieures à 1 hectare et
réparties dans plusieurs endroits. Cet éclatement
peut avoir deux impacts opposés. Il peut être
favorable aux opérations de rénovation car il est
plus facile d'effectuer des travaux et d'entretenir de petites
surfaces. A contrario, il peut nuire par le manque d'unité
des opérations et rend difficile d'envisager un
développement économique sérieux.
- Ces changements témoignent de la perte de
l'identité agricole de la châtaigneraie. Sur les
trois ASL, on compte approximativement 10 % d'agriculteurs et
plusieurs retraités agricoles présents et actifs sur
le terrain. Cependant, la châtaigneraie ne représente
jamais l'activité dominante des agriculteurs. Ceux qui
possèdent des troupeaux l'utilisent également pour
alimenter les bêtes.
- Plus largement, elle contribue de façon subsidiaire aux
revenus des ménages. Elle permet notamment aux
retraités d'avoir un revenu d'appoint.
-
- Graphique
2. Source ASL (annexe
2)
-
- Alors que la castanéiculture fait
référence à la culture du châtaignier,
à une activité locale et agricole, la nouvelle
génération présente sur le massif d'Annot se
compose de propriétaires fonciers, conscients de
détenir un bout de terre patrimonial fort. On rejoint alors
Nadine Allione (1998) qui parle d'une nouvelle identité du
castanéiculteur.
- La remise en valeur de l'espace castanéicole repose
donc en majorité dans les mains des non-agriculteurs.
Paradoxalement, que ce soit par souci économique ou
environnemental, la finalité est identique : sauver un
arbre noble.
3.2 Les partenaires techniques
- Compte-tenu de l'état de la châtaigneraie, les
ASL font appel à divers organismes techniques pour
réaliser les études et diriger les travaux. Les
relais principaux sont l'Office national des forêts, la
coopérative Provence forêt et le Centre
régional de la propriété
forestière.
-
- L'Office National des Forêts (ONF) est un
Etablissement Public à caractère Industriel et
Commercial.
- Il intervient en tant que prestataire de services dans le
cadre de la maîtrise d'uvre d'étude pour les
ASL de Méailles et de Braux.
- Les études comprennent :
- Les actions de rénovation des vergers avec
taille, débroussaillage, réhabilitation de la
desserte, réfection des terrasses, irrigation des
vergers
- La possible conversion en châtaigneraie à
bois dans les secteurs où la forêt a largement pris
le dessus
- Au vu des résultats de cette étude, les
propriétaires décideront des travaux qu'ils
souhaitent engager.
- Le bureau de l'ONF chargé de l'étude est
situé à Annot.
-
- Le centre régional de la propriété
forestière (CRPF) est un établissement public
administratif. Il s'occupe de la forêt privée.
- Assurant une compétence technique pour répondre
aux questions sur la forêt et son milieu (diagnostic
stationnel, état sanitaire, desserte,
réglementation, fiscalité
) et
présentant des capacités d'écoute et de
conseils pour valoriser le patrimoine forestier des
propriétaires, le CRPF a mené l'étude
préliminaire d'un plan de valorisation et de
rénovation de la châtaigneraie d'Annot (2001). Dans
son rôle d'animation, le CRPF a accompagné la
création des ASL. Les référents sur le projet
châtaignes sont basés à Digne.
- N'étant pas gestionnaire, le CRPF travaille ici en
partenariat avec la Coopérative Provence Forêt qui
s'occupe du volet gestion et la mise en uvre des travaux
concernant la rénovation de la châtaigneraie.
-
- La Coopérative Provence Forêt,
coopérative régionale, propose une gamme de services
aux propriétaires. Elle a mené une étude,
comprenant l'état sanitaire des arbres et les travaux
à réaliser, sur la châtaigneraie de Le
Fugeret. C'est elle qui a la maîtrise d'ouvrage
déléguée de l'ASL AFREC. Elle leur assure le
montage des dossiers de demande de subventions et assure des
avances de trésoreries. Les travaux commenceront
normalement dès cet hiver.
- Elle devrait aussi prendre en charge les travaux de Castellet
les Sausses.
-
- Le centre d'études et de réalisations pastorales
Alpes Méditerranée, le CERPAM, intervient
à titre d'expertise et de diagnostic concernant la valeur
pastorale sous les châtaigniers.
-
- La Chambre d'Agriculture des Alpes de Haute Provence a
participé au lancement de plusieurs opérations de
rénovation et de valorisation de la châtaigneraie
(travaux 2001, fête de la châtaigne de Le Fugeret).
Après l'étape de rénovation de la
châtaigneraie, elle interviendra à différents
niveaux :
- Mise en place de formations
- Support méthodologique, juridique et
économique pour la mise en route de groupements (CUMA,
coopératives
)
- Assistance sur la mise en place d'ateliers de
transformation (atelier, moulin
)
-
- L'action châtaigne est aussi soutenue par
différents partenaires financiers.
-
- 3.3 Les modes de financement
- Assurées par l'Europe, l'Etat, la Région ou le
Département, les subventions des travaux de
rénovation s'élèvent à 80% maximum
(sur le hors taxe ou le toutes taxes comprises selon les travaux
et les financeurs prévus). Les 20% restants sont à
la charge du propriétaire. Seules les parcelles disposant
d'une desserte sont éligibles au financement.
3.4 L'animateur
- Enfin, l'animateur de la Charte forestière du massif
d'Annot intervient à plusieurs titres : animation,
coordination ou encore relais entre les élus, les
propriétaires et les techniciens. Son dynamisme permet de
maintenir la mobilisation des acteurs, de fédérer le
mouvement châtaigne, et d'assurer la cohésion des
actions en cours.
Ainsi, les actions de rénovation et de valorisation
de la châtaigneraie inclues dans la Charte forestière
du massif d'Annot impliquent de nombreux acteurs. Elles
apparaissent comme innovantes. En effet, elles s'inscrivent dans
l'évolution des politiques associées à
l'émergence de comportements citoyens nouveaux qui font
apparaître la nécessité de ne plus se
contenter d'un système transversal fondé uniquement
sur le principe de volontés dictées d'« en haut
», qui laissait, alors, aux seuls soins des élus la
possibilité de choisir les orientations à prendre
dans des actions de développement territorial. La charte
forestière est donc mise en avant comme une solution
modèle de nos modes de gestion à travers, par
exemple, sa multifonctionnalité ou la co-décision et
l'autogestion qui placent toutes les personnes concernées
par la forêt en position d'action et de prise de
décision.
- Cependant, il ne s'agit pas d'avoir une vision «
magnifiée » des choses et de célébrer ce
nouvel outil de développement territorial. La Charte
forestière doit être considérée comme
une plus-value qui vient renforcer et compléter la
dynamique d'un territoire. Au stade d'expérimentation, cet
outil et ses artisans se perfectionnent. A ce titre, tous les
acteurs des deux actions châtaignes s'engagent
réciproquement, et ce en dépit de limites que nous
évoquerons en dernière partie.
-
- Il convient maintenant d'orienter notre propos sur les
travaux qui sont envisageables pour rénover la
châtaigneraie. Cette deuxième partie, très
technique, répond à une des commandes du
stage.
-
(1) Des questionnaires ont aussi
été envoyé à une quatrième ASL,
celle de Castellet Les Sausses, mais n'étant pas encore
constituée à la fin du stage, les réponses ne
sont pas ici prises en compte.
- (2) Site de la Charte forestière -
http://www.ofme.org/chartes/documents/chartes/FichesActionsAnnot.pdf
- (3) Rapport Bianco, 1998 : « La
forêt : une chance pour la France ». Bianco est alors
Président du Conseil Général des Alpes de
Haute Provence en 1998, député des Alpes de Haute
Provence, Maire de Digne-les-Bains.
- (4) Le Conseil Général
à fait appel à Pierre Cochaud
- (5) La châtaignier a d'abord
été cultivé pour ses fruits. Toutefois, les
gens des villages utilisaient le bois pour fabriquer des outils
(charrettes, brouettes
) ou pour certains meubles.
- (7) Annexe 5
- (8) Les données suivantes viennent
des ASL ou du questionnaire. Cf annexes 2 et 5 pour avoir quelques
données chiffrées
- (9) La commune a réalisé un
sentier découverte de la châtaigneraie avec une
brochure à destination des scolaires. Un autre sentier
« les portes de la châtaigneraie » devrait voir le
jour prochainement.
- (10) 92 ha, soit un territoire
supérieur à celui des vergers annoncés par le
CRPF (2001). En fait, les propriétaires peuvent inscrire
des terrains abandonnées qui n'appartiennent plus à
la catégorie « verger » mais « forêt
».
-
-